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Entreprendre en Afrique avec succès : l’exemple de Dodai

Yuma Sasaki préfère agir plutôt que de parler. Formé en France à l’ESSEC, l’entrepreneur japonais francophone et francophile à choisi l’Afrique pour monter la première start-up solaire Dodai à Djibouti. Avec plus de 680 levées de fonds et plus de 5 milliards de dollars levée en 2021, l’Afrique offre plus que jamais de vraies opportunités d’expansion. Retour pour Forbes France avec cet entrepreneur à contre-courant à Djibouti

 

L’Afrique – terre d’opportunités croissantes

           Le continent africain compte actuellement 1,4 milliard d’habitants, mais pourrait atteindre 2,4 milliards en 2050 et 4,2 milliards en 2100. La population est également très jeune – l’âge moyen au Nigeria, le pays le plus peuplé du continent avec 200 millions d’habitants, est de 18 ans. Yuma vient du Japon où la moyenne d’âge est la plus élevée (48 ans) pour ses 120 millions d’habitants. L’Afrique représente ainsi un tout autre monde pour l’entrepreneur. Dodai a démarré il y a quelques années à Djibouti en tant qu’entreprise solaire avec un système de paiement Pay-as-you-go, pour équiper 40 % des Djiboutiens sans accès à une électricité abordable.

           Djibouti est une ancienne colonie française située dans la Corne de l’Afrique et peuplée d’un million d’habitants, pour l’essentiel de religion musulmane. Sa position stratégique lui permet de profiter d’un secteur de la logistique florissant, qui génère 35 à 40 % des recettes publiques en servant de porte d’entrée à l’Éthiopie, pays voisin 100 fois plus grand. Le port de Djibouti est d’ailleurs classé 19e dans l’indice mondial de performance des ports à conteneurs (CPPI), et est ainsi le port le plus efficace d’Afrique. En outre, son importance géographique attire les grandes puissances de la Chine, aux Etats-Unis en passant par la France, l’Italie ou encore le Japon, qui y ont installé leurs bases militaires.  Cependant Yuma a une vision plus large et ambitionne de résoudre les problèmes du continent par l’utilisation de nouvelles technologie. L’entreprise a pour objectif  de « jeter les bases de la prospérité pour tous en Afrique« . Yuma se prépare par exemple à développer des solutions technologiques pour améliorer l’efficacité de la logistique transfrontalière entre Djibouti et l’Éthiopie. Dodai collecte également des fonds pour le lancement d’un service de mobilité électrique en Éthiopie afin de démocratiser l’accès à une mobilité abordable et propre pour tous.

 

Carte de Djibouti. ©Dodai ©Dodai & remerciments à la Société de Gestion du Terminal à conteneurs de Doraleh (SGTD) pour l’image titre

 

Yuma a non seulement un courage incroyable dans tout ce qu’il entreprend mais demeure profondément iconoclaste : « C’est une question de perception. La plupart des gens des pays developés voient l’Afrique comme un continent malheureux associé à la pauvreté, au terrorisme et à la corruption qu’il faudrait « sauver ». Je vois le continent africain autrement. Pour moi, c’est le continent de l’avenir où des gens ordinaires comme moi peuvent réussir avec des jeunes locaux motivés, par la détermination et le travail acharné.  »

Son point de vue coïncide avec l’ampleur de la croissance de l’investissement dans les startups africaines, qui a atteint un record de 681 levées de fonds  avec plus de 5,2 milliards de dollars en 2021 levés. Sa passion pour l’Afrique ne date pas d’hier. Après l’université, il rejoint le groupe multi-énergies japonais ENEOS, équivalent de TOTAL en France, avec l’espoir d’être dépêché dans certains pays africains comme la RDC, le Gabon ou le Nigeria. Son souhait peinant à se réaliser, il démissionne et part à l’ESSEC en France pour obtenir un MBA, avec pour objectif de monter un projet en Afrique. Cette stratégie fonctionne et il passe deux ans au Ghana et en Côte d’Ivoire chez PEG Africa, une startup récemment acquise pour 200 millions USD.  Ancien d’Uber et Luup où il dirigeait plus de 250 personnes,  Yuma fonde la première startup solaire Dodai à Djibouti, qui a équipé au cours des six premiers mois plus de 1 000 membres de familles. 

 

Partenariat exclusif entre Dodai et Djibouti Télécom.  De gauche à droite, Radwan Abdillahi Bahdon – Ministre de la Communication, chargé des Postes et des Télécommunications, Mohamed Assoweh Bouh – Directeur Général, Djibouti Telecom, Yuma Sasaki – Dodai CEO, Umio Otsuka – Ambassadeur japonais à Djibouti, Hibo Mahamoud – Directrice de D-Money  ©Dodai

 

Dodai – Une start-up cleantech à Djibouti

           Yuma lance Dodai en plein milieu du Covid. Il choisit Djibouti comme premier marché pour faire ses preuves et y prendre une place prépondérante en une année. Dans le même temps, il se renseigne sur l’Éthiopie, le 2e pays le plus peuplé d’Afrique avec ses 120 millions d’habitants, et qui devrait atteindre 200 millions d’ici 2050. L’un des problèmes majeurs de Djibouti est le manque d’accès à une électricité abordable et stable. Le prix de l’électricité à Djibouti est 30-40 fois plus élevé qu’en Éthiopie, et selon la Banque Mondiale, environ 40% de la population n’a pas accès à l’électricité. Yuma se rend 3 fois à Djibouti depuis le Japon pour faire des études de marché. 4 sur 5 familles à faibles revenus interrogées mentionnent le manque d’électricité comme leur problème prioritaire. « J’ai donc décidé d’apporter à Djibouti un kit solaire pour les foyers déjà établi dans d’autres pays, avec un mode de paiement “Pay-as-you-go” – système de prise en charge des coûts au fur et à mesure qu’ils surviennent. Lorsqu’il partage cette idée avec Ahmed Araita Ali, l’ancien ambassadeur du Djibouti au Japon, ce dernier accueille l’idée avec enthousiasme et encourage Yuma à se lancer au Djibouti.

Démarrer un business en tant qu’étranger en Afrique n’est jamais facile, et le Djibouti ne fait pas exception à la règle. Le secteur privé djiboutien est encore très peu développé, y compris au niveau africain, et il n’y a pas d’accès numérique à la législation et aux réglementations locales. Yuma a donc littéralement eu à faire face à de nouveaux problèmes comme le processus d’enregistrement d’une entreprise, l’obtention de licences, le dédouanement, le paiement des impôts et de la sécurité sociale, etc. Le coût d’expédition d’un conteneur de la Chine à Djibouti a également été multiplié par 10 à cause du Covid, passant de 1 200 USD à 12 000 USD, mais Yuma n’a pas hésité. « Ce n’est pas facile du tout, mais ce qui continue à me motiver, c’est le sourire de nos clients, de l’équipe et des personnes qui continuent à soutenir nos initiatives ». Il nous confie que Umio Otsuka, l’ambassadeur du Japon à Djibouti, et Araita font partie de ceux qui lui ont donné de précieux conseils et encouragements. « J’ai la chance d’être entouré par des personnes formidables qui ont beaucoup plus d’expérience professionnelle et de vie, et de qui je peux apprendre ». Revenons-en à Djibouti, l’ancienne colonie française. Yuma est très optimiste quant à Djibouti, malgré son taux de chômage élevé (près de 60 % selon l’USAID). « Djibouti a la possibilité de devenir un hub, non seulement dans le secteur de la logistique mais aussi dans ceux de l’informatique et de la finance, tout comme Dubaï ou Singapour. Il faudrait cependant pour cela que des infrastructures appropriées, un bon stimulus et une bonne gouvernance soient mises en place de manière urgente. » 

Installateur de pannaux solaires electriques Dodai ©Dodai


Prochaine étape : Plateforme d’E-mobilité en Éthiopie

L’Éthiopie ouvre de plus en plus de secteurs aux investisseurs étrangers. La deuxième société de télécommunications, Safaricom, vient de lancer ses services en août et le gouvernement a également annoncé son intention d’accueillir des investisseurs étrangers dans son secteur financier, qui leur était jusqu’alors fermé. Dodai prépare aussi le lancement d’une plateforme d’E-mobilité urbaine en Éthiopie avec son partenaire commercial Addis Alemayehou, un entrepreneur en série éthiopien bien établi et respecté, et qui a vendu l’une de ses entreprises à Canal+. La mission de Dodai en Éthiopie est de « démocratiser l’accès à une mobilité simple et abordable », là où le taux de motorisation n’est que de 3 à 4 % et où la grande majorité de la population, avec un PIB par habitant inférieur à 1 000 USD/ an, est contrainte d’utiliser des minibus ou des véhicules à trois roues abordables mais inefficaces pour se déplacer. En plus de bénéficier d’un excellent partenaire commercial, l’entreprise de Yuma est soutenue par le venture capital japonais ICJ, un fonds axé sur l’ESG dont fait également partie MUFG, une banque japonaise avec plus de 2000 milliards sous gestion. Yasu Yoshizawa et Dais Murakami, GPs du fonds, se sont rendus en Éthiopie en août pour s’assurer du potentiel du marché. « Yasu nous a rendu visite à Djibouti l’année dernière et en Éthiopie cette année. Je suis content qu’il réalise et apprécie l’importance de s’informer directement sur le terrain car nos discussions quotidiennes sur le modèle d’entreprise et la stratégie sont devenues beaucoup plus fructueuses et réalistes depuis que nous partageons la même hypothèse sur le marché ». 

Dodai est en pleine phase de levée de fonds. « En plus des VC japonais, nous aimerions avoir d’autres investisseurs ayant une expérience et un réseau en Afrique, comme Partech, Future Africa et AfricInvest. » explique l’entrepreneur japonais en français.

Co-fondateurs de Dodai Ethiopia, Yuma et Addis Alemayehou à Hyatt Regency en Ethiopie ©Dodai

Ne jamais cesser d’apprendre: tout pour accomplir sa vision

Yuma est conscient de son désavantage en tant qu’étranger en Afrique. « Je n’hésite jamais à admettre que je ne connais rien au marché et à demander des conseils à d’autres entrepreneurs plus expérimentés ». Par exemple, il apprend beaucoup au sujet du team-building et des comportements des clients en Éthiopie auprès de deux grands entrepreneurs, Hao Zheng, PDG fondatrice de BeU delivery, une plateforme de livraison de nourriture soutenue par Y Combinator en Éthiopie, et Amadou Daffe, PDG / cofondateur de Gebeya, un marché en ligne panafricain de talents. Dodai signifie « fondation » en japonais. Un nom qui reflète la vision de Yuma de participer à la prospérité de l’Afrique avec des solutions durables. « Nous nous concentrons sur l’énergie à Djibouti et l’e-mobilité en Éthiopie, mais je vois en notre groupe Dodai un leader pour la création de nouveaux marchés dans différents secteurs essentiels pour l’avenir de l’Afrique, le tout grâce à des partenaires et des équipes incroyables. »

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