Enquête | Le boom de la beauté masculine

Les hommes, de plus en plus soucieux de leur apparence, investissent dans des produits cosmétiques, soins en salons, greffes capillaires. Des opportunités à saisir pour les marques. 

Un article issu du numéro 30 – printemps 2025, de Forbes France

Des produits de beauté dans une salle de bain, il y en a toujours eu. Mais il y a encore quelque temps, ils étaient plutôt réservés à un public féminin. L’intérêt grandissant des hommes pour leur apparence ouvre de nouvelles opportunités pour le secteur de la cosmétique. En 2024, le marché de la beauté masculine est estimé entre 1,6 milliard et 1,8 milliard d’euros (pour un marché global de la cosmétique de plus de 30 milliards) selon 3B Pharma, une société spécialisée dans l’industrie pharmaceutique et cosmétique proposant des analyses et des conseils stratégiques. Si les Français semblent moins soucieux de leur aspect que leurs homologues internationaux, environ 50 % des hommes utiliseraient ce type de produits d’après un sondage réalisé par Businesscoot, une entreprise qui réalise des études de marché.

« On est dans une société de l’image, des réseaux sociaux, où l’apparence, la présentation, la mise en scène sont très importantes, souligne Christine Castelain-Meunier, sociologue au CNRS et autrice de Les hommes viennent aussi de Vénus. Forts et sensibles. Les nouveaux visages de la virilité, Larousse (2020). Les stéréotypes négatifs concernant les hommes prenant soin d’eux sont moins présents. » Un changement d’attitude envers la beauté et l’apparence apparu à l’aube du deuxième millénaire. « Cette tendance est arrivée avec Mark Wahlberg, mannequin pour Calvin Klein, au début des années 90, puis Antonio Sabato Jr a poursuivi cette tendance, explique Simon Nyeck, professeur titulaire de la chaire Management des savoir-faire d’exception. Ils incarnent le concept du “métrosexuel”, ce jeune homme avec de l’argent à dépenser, vivant dans ou à proximité d’une métropole, qui s’est manifestement pris lui-même comme objet d’amour. »

Nouveaux acteurs

Conscientes des opportunités qu’offre cette nouvelle clientèle, de nombreuses marques de cosmétiques ont lancé leur gamme à destination de la gent masculine dans les années 2000 : L’Oréal, Clarins, Lauder, Shiseido… Nivea a fait figure de précurseur en distribuant dès 1986 des produits pour hommes. Désormais, L’Oréal Men Expert et Nivea for Men détiennent près de trois quarts des ventes du secteur d’après Businesscoot. Pour le groupe français, les hommes représentent 41 % des soins capillaires vendus, et près de 20 % pour les soins du visage.

« Le marché des hommes est une opportunité de croissance importante, signale la marque. À titre d’exemple, 50 % des consommateurs de la marque du groupe L’Oréal CeraVe sont des hommes. »

L’offre de cosmétiques a également été renforcée par l’arrivée de nouveaux acteurs. La marque Horace en est le meilleur exemple. Fondée en 2017 par deux amis, l’entreprise spécialisée en produits de beauté masculine s’est imposée comme une référence en misant sur des produits composés en grande partie d’ingrédients naturels. Elle compte désormais une douzaine de boutiques en France, tout en étant distribuée dans plus de 600 points de vente, notamment des pharmacies. Si Horace ne communique pas son chiffre d’affaires, celui-ci aurait doublé chaque année depuis sa création. Ses fondateurs ambitionnent même d’atteindre les 100 millions d’ici 2026.

Afin de s’adapter à une clientèle masculine diverse et en évolution, les marques ont dû adapter leur stratégie de communication. « Il y a encore quelques années, on ne parlait pas d’antiride mais de fermeté de la peau, rappelle Christine Castelain-Meunier. Il était question d’entretenir la peau comme on entretient un jardin. » La remise en question de l’identité masculine avec l’émergence de mouvements comme MeToo a fait évoluer les marques sur ce point. Mais pas question pour autant d’abandonner les stéréotypes de la virilité. De nombreux jeunes hommes ont encore pour idéal des corps musclés et des mâchoires carrées. « Les qualités mises en avant pour les produits sont désormais le charme, un côté plus sauvage et mystérieux, soulève la
sociologue. On garde des codes de la virilité mais ce n’est plus la force ou le pouvoir. »

La publicité n’est plus l’unique moyen de communication des marques. Elles doivent désormais jongler avec la place de plus en plus importante prise par les influenceurs. Le youtubeur beauté Winslegue, par exemple, culmine à 180 000 abonnés sur sa chaine Youtube, Les tutos de Winslegue. Pour s’assurer un relais de poids, des partenariats sont régulièrement noués entre des marques et des influenceurs.

La greffe capillaire plébiscitée par les hommes

Le secteur de la beauté masculine ne se limite pas aux produits cosmétiques. Près d’un tiers des Français se disent enclins à profiter de soins pour le visage, une prestation qui était jusqu’alors réservée aux femmes, tout comme la manucure et la pédicure qui intéressent désormais trois hommes sur dix, d’après une étude réalisée par Treatwell, acteur majeur de la réservation des soins de beauté et bien-être. Un changement de paradigme remarqué par Maison Lutetia, une clinique de médecine esthétique située à Paris. Elle a constaté une augmentation « d’environ 20 % de la fréquentation masculine ces dernières années ». « Plusieurs soins sont particulièrement populaires chez nos patients masculins, expose Nathanaël Aknine, président de Maison Lutétia. Pour rajeunir le regard, le Laser New Skin CO2® plaît aux hommes. On peut aussi l’utiliser sur le visage entier pour un effet lifting sans bistouri. Le baby botox fait l’unanimité pour préserver la fraîcheur des traits et contrer la fatigue. La première intervention plébiscitée par les hommes est évidemment la greffe capillaire. »

Car comment parler du secteur de la beauté masculine sans parler de la greffe de cheveux ? Un nombre croissant d’hommes, parfois très jeunes, n’hésitent plus à sauter le pas afin de remédier aux ravages de la calvitie, premier complexe masculin. « Le cheveu représente l’abondance. Il y a une valorisation des personnes avec une belle chevelure dans la société », observe Christine Castelain Meunier.

« Nous avons observé une augmentation continue de la demande pour la greffe capillaire avec un taux de croissance annuel de 16 % sur le chiffre d’affaires entre 2020 et 2023 », relève Nathanaël Aknine.

Autrefois taboue, la pose d’implants s’est démocratisée à mesure que des personnalités issues de la téléréalité, influenceurs ou autres stars se sont mis à évoquer ouvertement avoir eu recours à cette intervention. Dans ce contexte, le « groom boom » semble promis à un bel avenir.

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