La Cour suprême des États-Unis pourrait statuer cette semaine sur la légalité des droits de douane imposés par le président américain Donald Trump à l’occasion du « Jour de la libération ». La décision des juges pourrait avoir des conséquences considérables, car un jugement invalidant ces droits de douane bouleverserait les relations commerciales avec d’autres pays et permettrait aux entreprises et aux consommateurs de récupérer l’argent qu’ils ont déjà versé.
Ce qu’il faut retenir
Le gouvernement Trump a demandé à la Cour suprême de se prononcer d’ici mercredi 10 septembre sur l’opportunité d’examiner un recours concernant les droits de douane après qu’une cour d’appel fédérale a jugé illégales les taxes exorbitantes imposées par le président américain sur les importations en provenance de presque tous les pays étrangers. Selon le juge, Donald Trump aurait outrepassé ses pouvoirs en les imposant.
La cour d’appel fédérale et la cour du commerce international ont toutes deux jugé illégaux les droits de douane imposés par Donald Trump à l’occasion du « Jour de la libération », estimant que la loi sur laquelle le président américain s’était appuyé pour les justifier, l’International Emergency Economic Powers Act (IEEPA), ne lui permettait pas en réalité d’imposer des droits de douane, et encore moins des droits aussi élevés.
Le secrétaire d’État américain au Trésor, Scott Bessent, a qualifié cette contestation judiciaire, et tout retard dans sa résolution, de potentiellement « catastrophique » pour le gouvernement et l’économie. Donald Trump a averti que si la Cour suprême « prenait la mauvaise décision, ce serait une catastrophe pour notre pays ».
Une décision de la Cour suprême contre les droits de douane supprimerait un moyen essentiel utilisé par Donald Trump pour augmenter les recettes publiques (qui s’élèvent déjà à des milliards de dollars) et pourrait également avoir un impact sur les négociations de la Maison-Blanche avec d’autres pays. En effet, Donald Trump et ses collaborateurs ont utilisé les droits de douane comme tactique de négociation pour les accords commerciaux et la politique étrangère.
Cependant, une décision contre les droits de douane aurait également des répercussions importantes pour les entreprises touchées par ces droits, qui pourraient non seulement ne plus avoir à les payer à l’avenir, mais aussi récupérer l’argent qu’elles ont versé, ce qui pourrait avoir des répercussions plus larges sur l’économie américaine.
Quand la Cour suprême pourrait-elle statuer ?
Le gouvernement Trump a demandé à la Cour suprême de se prononcer avant le 10 septembre sur l’opportunité d’examiner l’affaire des droits de douane et, si elle accepte de se saisir de l’affaire, de fixer les plaidoiries avant novembre. Si la Cour suprême décide de ne pas se saisir de l’affaire, cela signifierait que la décision de la cour d’appel fédérale annulant les droits de douane entrerait en vigueur, interdisant au gouvernement d’appliquer la politique tarifaire.
Si la Cour suprême accepte de se saisir de l’affaire, une décision sur la légalité des droits de douane pourrait être rendue d’ici la fin de l’année. Toutefois, si elle accepte de se saisir de l’affaire, mais ne la traite pas dans un délai plus court, la décision ne sera pas rendue avant la fin du mandat de la Cour en juin 2026.
Les droits de douane resteront-ils en vigueur si la Cour suprême les annule ?
L’affaire devant la Cour suprême concerne spécifiquement les droits de douane du « Jour de la Libération », ou « droits de douane réciproques », qui découlent de l’annonce faite en avril par Donald Trump d’imposer des droits de douane à presque tous les pays étrangers. Il s’agit de droits de douane généraux qui s’appliquent à presque tous les produits provenant de pays étrangers, les taux étant fixés par pays.
Le président américain a également recouru à l’IEEPA pour imposer des droits de douane au Mexique, au Canada et à la Chine, qu’il a justifiés par le fait que ces pays n’auraient pas pris les mesures nécessaires pour lutter contre l’afflux de fentanyl aux États-Unis. Ces droits de douane seraient donc également concernés par une décision déclarant que Donald Trump ne peut pas imposer de droits de douane en vertu de l’IEEPA.
Le procès n’aurait pas d’incidence sur les autres droits de douane imposés séparément par Donald Trump à des industries ou à des marchandises spécifiques, tels que les droits de douane sur les automobiles ou les droits de douane sur l’acier et l’aluminium, car ceux-ci étaient justifiés par différentes lois fédérales.
Comment les entreprises américaines pourraient récupérer leur argent ?
Des experts juridiques ont déclaré à Forbes que les entreprises américaines qui ont payé des droits de douane liés au « Jour de la libération » sur les importations aux États-Unis pourraient avoir droit à un remboursement de ces frais si ces droits sont finalement jugés inconstitutionnels. « Si les droits de douane sont annulés et jugés inconstitutionnels ou illégaux, je pense que l’argent doit être remboursé, car le gouvernement n’avait pas le droit de le percevoir », a déclaré à Forbes Robert Shapiro, associé chez Thompson Coburn LLC.
Le « mécanisme » de remboursement des droits de douane est « assez difficile à prévoir pour l’instant », a toutefois ajouté Robert Shapiro. L’avocat spécialisé dans le commerce Patrick Childress a déclaré à Forbes qu’il envisageait plusieurs scénarios possibles pour le remboursement, notamment le « remboursement proactif » des droits de douane aux importateurs par le gouvernement ou la mise en place d’une procédure permettant aux entreprises de demander le remboursement de leur argent.
Patrick Childress, associé chez Holland & Knight, a fait remarquer qu’il était également possible que le gouvernement Trump s’oppose aux remboursements et fasse valoir que seules les entreprises qui ont directement intenté un procès au sujet des droits de douane y ont droit, mais les responsables gouvernementaux ont reconnu qu’ils seraient probablement tenus de rembourser au moins une partie de l’argent des entreprises. « Nous devrions rembourser environ la moitié des droits de douane, ce qui serait terrible pour le Trésor », a déclaré Scott Bessent à l’émission Meet the Press.
Quel serait l’impact de l’annulation des droits de douane sur les consommateurs américains ?
Une décision contre les droits de douane de Donald Trump signifierait que les entreprises n’auraient pas à répercuter la hausse des prix qu’elles doivent payer sur les consommateurs, ce qui permettrait probablement aux Américains d’économiser de l’argent par rapport à une situation où les droits de douane seraient en vigueur.
Une analyse de la Tax Foundation a révélé que les droits de douane liés au « Jour de la Libération » équivalent à une augmentation d’impôt de 1 304 dollars par foyer en 2025 et de 1 588 dollars en 2026, mais que si ces droits de douane étaient annulés, cette augmentation serait ramenée à 292 dollars en 2025 et à 387 dollars en 2026.
À l’instar des importateurs, les consommateurs pourraient également tenter de récupérer une partie de leurs fonds : Robert Shapiro a déclaré à Forbes que les consommateurs pourraient intenter des recours collectifs ou d’autres poursuites judiciaires contre les entreprises qui ont déclaré augmenter leurs prix en raison des droits de douane, arguant que puisque ces derniers ont été jugés illégaux et que les entreprises peuvent désormais récupérer leur argent, les clients devraient également avoir droit au remboursement des sommes supplémentaires qu’ils ont versées.
« Je pense que certaines des annonces » faites par les entreprises au sujet des droits de douane « donneraient certainement aux clients un argument plausible pour récupérer une partie de ces coûts supplémentaires », a déclaré Robert Shapiro à Forbes, même si l’issue de ces affaires reste incertaine.
Donald Trump pourrait-il encore imposer des droits de douane ?
Oui, mais pas de manière aussi généralisée. Si la capacité de Donald Trump à imposer des droits de douane généralisés en vertu de l’IEEPA fait l’objet d’un débat juridique, il existe un certain nombre d’autres lois fédérales qui lui confèrent un pouvoir plus explicite en la matière. Ce pouvoir est toutefois beaucoup plus limité que celui dont Donald Trump a fait usage avec ses droits de douane réciproques, qui imposent souvent des restrictions quant à leur durée de validité ou aux taux maximaux.
L’article 232 de la loi sur l’expansion du commerce de 1962 permet au gouvernement américain d’imposer des droits de douane à des industries ou des produits spécifiques, comme Donald Trump l’a déjà fait pour des produits tels que l’acier et les automobiles, mais exige que le gouvernement mène d’abord une enquête avant d’imposer ces droits.
L’article 122 de la loi sur le commerce de 1974 permet à Donald Trump d’imposer immédiatement des droits de douane à d’autres pays ayant des problèmes de balance des paiements, mais ces droits ne peuvent dépasser 15 % et durer plus de 150 jours.
Au cours de son premier mandat, Donald Trump a instauré des droits de douane à l’encontre de la Chine en vertu de l’article 301 de la loi sur le commerce de 1974, qui autorise l’imposition de droits de douane à l’encontre des pays qui se sont livrés à des pratiques commerciales déloyales, mais les droits de douane prévus par cette politique exigent également que le gouvernement mène une enquête avant de pouvoir les imposer.
Qu’adviendra-t-il des accords commerciaux de Donald Trump ?
Scott Bessent a averti dans une déclaration à la Cour suprême qu’une décision contre les droits de douane de Donald Trump pourrait menacer les accords commerciaux du gouvernement américain avec les pays étrangers, car la Maison-Blanche a utilisé la menace de droits de douane sur les marchandises des pays pour tenter d’obtenir de meilleures conditions pour les États-Unis.
La décision de la cour d’appel fédérale contre les droits de douane a déjà « nui aux négociations en cours », a déclaré Scott Bessent, car les dirigeants d’autres pays « remettent en question l’autorité du président [américain] à imposer des droits de douane, se retirent ou retardent les négociations, et/ou imposent un calcul différent sur leur position de négociation ».
Le gouvernement Trump a également suggéré qu’une décision défavorable sur les droits de douane pourrait « compromettre » les efforts du président américain pour mettre fin à la guerre entre la Russie et l’Ukraine, car Donald Trump a utilisé les droits de douane pour punir les autres pays qui continuent de faire des affaires avec Moscou.
Patrick Childress, ancien avocat général au bureau du représentant d’État américain au Commerce, a toutefois déclaré à Forbes qu’il pensait que les négociations ne seraient peut-être pas aussi difficiles que le prévoit le gouvernement. L’avocat a émis l’hypothèse que les négociateurs invoqueraient probablement les autres pouvoirs du gouvernement pour imposer des droits de douane, ce qui « maintiendrait en quelque sorte la même pression ou une pression similaire sur les partenaires commerciaux, et conserverait une partie de l’influence qu’ils ont acquise grâce aux droits de douane IEEPA ».
Contexte
Donald Trump a annoncé le 2 avril qu’il imposait des droits de douane généralisés à presque tous les pays, tenant ainsi une promesse de campagne de longue date malgré les inquiétudes des économistes qui craignaient que cela n’augmente les coûts pour les consommateurs et ne nuise à l’économie américaine.
Depuis lors, les droits de douane font l’objet d’un litige, les propriétaires de petites entreprises et les États dirigés par les démocrates ayant intenté des poursuites judiciaires au motif que Donald Trump n’avait pas le pouvoir qu’il revendiquait en vertu de l’IEEPA pour imposer des droits de douane aussi élevés.
Les tribunaux fédéraux ont jusqu’à présent donné raison aux plaignants, la cour du commerce international ayant rendu un jugement défavorable aux droits de douane en mai, et les juges d’autres affaires ayant également estimé que Donald Trump ne pouvait probablement pas les imposer en vertu de l’IEEPA.
Les droits de douane sont toutefois restés en vigueur jusqu’à présent, les cours d’appel ayant maintenu les frais en place pendant que le litige suit son cours. Donald Trump a demandé à la Cour suprême de se saisir du litige sur les droits de douane la semaine dernière, déposant une requête pour que la cour examine l’affaire en urgence après que la cour d’appel fédérale ait jugé les droits de douane illégaux.
Article d’Alison Durkee pour Forbes US, traduit par Flora Lucas
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