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De dinosaure à titan : comment Microsoft a adopté la création de valeur comme stratégie d’entreprise ?

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Satya Nadella, PDG de Microsoft. | Source : Getty Images

Dans les années 2000, Microsoft, sous la direction de Steve Ballmer, était une entreprise hiérarchisée axée sur le profit, avec une culture impitoyable, des empires cloisonnés et une obsession viscérale pour le profit. L’innovation était stagnante et la croissance était anémique. L’entreprise a gaspillé des opportunités, ses rivaux, comme Apple et Google, lui ravissant la vedette.

 

Aujourd’hui, sous la direction du PDG Satya Nadella, Microsoft affiche une capitalisation boursière de 3 750 milliards de dollars et son rendement total sur cinq ans continue de croître plus rapidement que la moyenne du S&P 500. Le mantra incessant de Satya Nadella, qui place le client au premier plan, y est pour beaucoup. Cependant, soyons réalistes : les graines de cette refonte ont été semées bien avant que Satya Nadella ne prenne les rênes. Les critiques qui y voient un miracle du PDG ignorent la transition difficile et ascendante qui a ouvert la voie.

 


2008 : le signal d’alarme qui a révélé la déchéance de Microsoft

En 2008, les nuages s’amoncelaient déjà. Le futur PDG Satya Nadella, alors responsable de la recherche, a constaté avec stupéfaction que Microsoft était loin derrière des entreprises comme Google. Dans son livre, Hit Refresh, il explique qu’il a cherché à comprendre comment ces entreprises avaient réussi à se développer si rapidement, « comment elles avaient conçu leurs produits pour rester dans l’air du temps ». Il a découvert que « la clé était la flexibilité, la flexibilité, la flexibilité. Nous devions développer la vitesse, la flexibilité et l’endurance pour offrir une expérience client optimale, non pas une seule fois, mais quotidiennement ».

Il n’était pas le seul. Prenons l’exemple d’Aaron Bjork, un jeune développeur qui venait de lancer un produit avant de découvrir qu’une entreprise concurrente avait sorti un produit similaire trois ans auparavant. Aaron Bjork ne s’est pas plaint, il a expérimenté. Il a compris que si Microsoft continuait ainsi, l’entreprise allait mourir. Sans autorisation, lui et son équipe ont abandonné les processus bureaucratiques standard de Microsoft et ont plutôt essayé une philosophie et des méthodes flexibles : des sprints axés sur le client, des itérations rapides et une attention constante portée à la valeur plutôt qu’aux délais.

Aaron Bjork s’est épanoui dans le chaos : « J’adore mettre les mains dans le cambouis, soigner les détails qui comptent pour les utilisateurs. » Cependant, la véritable clé résidait dans le changement des mentalités. La première année fut brutale, un mélange chaotique de victoires, d’échecs et de résistance. Les équipes ont eu du mal à terminer les sprints. Réparer ou abandonner, auto-tests, documentation : tout était pris en charge par l’équipe. Cela semblait étrange, perturbateur, voire imprudent. « Pour beaucoup, cela a tout bouleversé », a admis Aaron Bjork. Pourtant, après une année de travail acharné, cela s’est ancré dans l’ADN de l’équipe.

Son rôle ? Une honnêteté brutale : écouter les clients, créer ce dont ils ont besoin (et pas seulement ce qu’ils veulent), le vendre intelligemment et prendre les décisions concernant ce qui doit être supprimé. Ce n’était pas de l’idéalisme naïf, c’était une question de survie. Le succès a créé une dynamique : d’autres équipes ont décidé d’essayer la flexibilité.

 

2009-2011 : la rébellion s’étend, les hauts responsables rattrapent leur retard

Cela a fonctionné. En 2009, des poches de flexibilité ont commencé à apparaître chez Microsoft. La dynamique s’est accélérée. En 2010, 25 équipes sont passées à la flexibilité totale, se synchronisant sur des sprints de trois semaines. Le succès était retentissant. En 2011, toute la division « Développement » avait basculé. Ce n’était pas une décision officielle, mais une insurrection au niveau intermédiaire, qui a transformé certaines parties du supertanker en une flotte de bateaux rapides et flexibles.

En 2013, les discussions des dirigeants sont passées du scepticisme à l’envie : « Comment pouvons-nous obtenir ce qu’ils ont obtenu ? »

 

2014 : Satya Nadella prend les rênes

Ainsi, lorsque Satya Nadella est devenu PDG en février 2014, il avait déjà mis en pratique pendant des années le principe de la création de valeur. Pourtant, le scepticisme persistait. Un initié qui bouleverse le statu quo ? C’est voué à l’échec. En 2015 encore, un expert comme Geoffrey Moore écrivait dans son livre Zone To Win que Microsoft était « à bout de souffle ».

Ils avaient tort. Ce qu’ils avaient manqué, c’était la transformation qui s’était déjà opérée au sein de l’entreprise pendant six ans, bien avant que Satya Nadella ne devienne PDG : ce sont ces champions que Satya Nadella a mis à contribution pour mener la révolution à l’échelle de l’entreprise.

Satya Nadella a inscrit la création de valeur dans l’ADN de Microsoft. Aujourd’hui, Microsoft est un titan : une énorme entreprise en pleine croissance, aux prises avec le défi de l’IA.

 

Les leçons à tirer ?

Analysons les leçons à tirer de cette transition, qui a commencé bien avant que Satya Nadella ne devienne PDG.

  • L’approche ascendante vaut mieux que d’attendre la permission. Pendant six ans, la flexibilité a été une rébellion populaire. Les directives descendantes ? Surestimées. Cependant, cela a révélé l’inertie des dirigeants : pourquoi leur réveil a-t-il pris autant de temps ?
  • Les initiés peuvent perturber, s’ils ont fait leurs preuves. SatyaNadella s’est élevé depuis les bastions de la flexibilité, prouvant que les talents internes l’emportent sur les consultants externes. Le défaut ? Ses premiers efforts (comme Bing) ont continué à rencontrer des difficultés, montrant que même les visionnaires peuvent trébucher.
  • Le changement est un marathon, pas un sprint. Depuis 2008, Microsoft n’a cessé d’évoluer. Félicitations pour la persévérance, mais il faut pointer du doigt l’hésitation de la direction.
  • L’état d’esprit l’emporte sur la mécanique. Abandonner le jargon des processus, privilégier la confiance, les résultats et l’obsession du client. Faiblesse : la bureaucratie peut réapparaître dans de nouveaux produits comme Teams.
  • L’IA : le prochain champ de bataille décisif. SatyaNadella mise beaucoup sur l’IA pour créer de la valeur. Un pivot intelligent, mais risqué : en faire trop pourrait se retourner contre lui. Les enjeux ? Existentiels.

Aujourd’hui, Satya Nadella est le PDG de l’une des entreprises les plus rentables et à la croissance la plus rapide au monde. Aaron Bjork est désormais directeur produit. La renaissance de Microsoft montre que la création de valeur est gagnante, mais pour continuer à gagner, il faut continuer à créer de la valeur. Que les retardataires en prennent bonne note : il faut continuer à innover ou mourir.

 

Une contribution de Steve Denning pour Forbes US, traduite par Flora Lucas


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