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Comprendre la face cachée des entreprises les plus valorisées au monde

entreprisesDe droite à gauche, Mark Zuckerberg, PDG de Meta, Linda Yaccarino, PDG de X Corp, Shou Chew, PDG de TikTok, Evan Spiegel, PDG de Snap, et Jason Citron, PDG de Discord, prêtent serment lors de l’audition de la Commission judiciaire du Sénat américain intitulée « Big Tech et la crise de l’exploitation sexuelle des enfants en ligne », le mercredi 31 janvier 2024. | Source : Getty images

Mercredi 31 janvier, le sénateur américain de Caroline du Sud Lindsey Graham a accusé cinq PDG de grandes entreprises de réseaux sociaux d’avoir « du sang sur les mains ». L’audition de la Commission judiciaire du Sénat américain a duré trois heures et demie et a fait la fune des chaînes d’information nationales. Malgré une condamnation unanime, aucune mesure législative n’a été prise à l’issue de cette huitième audition.

Article de Steve Denning pour Forbes US – traduit par Flora Lucas

 

Tout comme le secteur privé a été lent à tirer les leçons des innovations en matière de gestion des entreprises les plus importantes du monde, le secteur public a été lent à s’acquitter de ses responsabilités en matière de réglementation afin de mettre en place des garde-fous et d’endiguer les malversations dans ce secteur de l’économie qui connaît une croissance rapide. Aux États-Unis, il est beaucoup plus facile d’organiser des auditions sénatoriales qui font les gros titres des journaux que d’adopter des réglementations efficaces.

Il reste difficile de trouver le juste équilibre entre la nécessité de tirer les leçons des contributions positives des entreprises les plus valorisées au monde (et dont la croissance est exponentielle) et celle d’exiger de ces entreprises qu’elles assument leurs responsabilités plus larges vis-à-vis de la société. Voici quelques suggestions constructives sur les domaines dans lesquels les grandes entreprises doivent faire davantage.

 

1. Les entreprises les plus valorisées au monde ne sont pas des « modèles de gestion parfaits »

Pour Phil Thompson, il est nécessaire de se demander s’il est juste de considérer les entreprises les plus valorisées au monde comme des « modèles de gestion parfaits ». La réponse est non. Toutes les entreprises les plus valorisées au monde présentent des défauts à divers égards. Dans un précédent article intitulé « The Management Paradigm Driving The World’s Most Valuable Firms », Forbes présentait les données financières relatives à ces entreprises et décrivait les éléments clés du modèle de gestion commun qui leur a permis de croître si rapidement et si largement. On peut tirer des enseignements de ces avancées, tout en exhortant les entreprises à continuer d’améliorer leurs modes de fonctionnement et leurs processus en tant qu’entreprises citoyennes. Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités.

 

2. Le traitement des travailleurs de niveau inférieur

Si les entreprises les plus performantes ont souvent adopté des approches novatrices pour les cadres supérieurs et les travailleurs intellectuels, Nigel Thurlow, coach pour cadres, a attiré l’attention sur l’approche beaucoup plus réglementée des employés de niveau inférieur. Il a cité Beth Gutelius, directrice de recherche du Center for Urban Economic Development : « Les données de l’enquête indiquent que la manière dont Amazon conçoit ses processus, y compris la surveillance intensive et le rythme de travail rapide, contribue à des conséquences considérables sur la santé physique et mentale, notamment des blessures, un épuisement professionnel et un surmenage. » CBS News fait état de problèmes similaires dans les centres de traitement des commandes d’Amazon.

Dès lors, comment peut-on faire l’éloge d’Amazon alors que l’entreprise traite si mal ses travailleurs ? En réalité, il est essentiel de tirer les leçons des réalisations positives de ces entreprises tout en condamnant les comportements antisociaux observés.

 

3. Les entreprises les plus valorisées ne cherchent-elles pas simplement à gagner de l’argent ?

Selon Quinton Quartel, consultant Agile : « Comment pouvons-nous justifier le fait de mettre Satya Nadella sur un piédestal alors que MS gagne plus d’argent que jamais et continue de licencier ? » Ici aussi, il faut remettre les choses en perspective. Microsoft a créé plus de 100 000 postes depuis que Satya Nadella est devenu PDG en 2014. Les récentes suppressions de postes, relativement modestes, qui ont suivi l’acquisition d’Activision Blizzard doivent être replacées dans cette perspective plus large. Les grandes entreprises devraient également montrer l’exemple en veillant à ce que tous les travailleurs bénéficient d’un salaire décent.

 

4. La rémunération des dirigeants de ces entreprises est excessive

On entend souvent dire que la rémunération des dirigeants des entreprises les plus rentables est excessive, surtout si on la compare à celle des travailleurs les moins bien payés de l’entreprise. C’est exact.

Toutefois, la question de la rémunération excessive des dirigeants n’est pas propre aux entreprises les plus valorisées. Le dernier demi-siècle a été une période de « capitalisme aberrant », au cours de laquelle la cupidité explicite est devenue la principale force motrice. Au cours de cette période, le fonctionnement normal du capitalisme a été détourné pour canaliser l’essentiel des gains vers les actionnaires, les dirigeants et leurs investisseurs, au détriment des autres parties prenantes et de la société. Il en a résulté un accroissement des inégalités, un court-termisme omniprésent, des opérations personnelles de la part des dirigeants et un déclin de la cohésion sociale, comme l’expliquent le livre Reinventing Capitalism in the Digital Age (Réinventer le capitalisme à l’ère numérique).

Dans un sens, les dirigeants des entreprises les plus valorisées font partie du problème général du capitalisme actuel. Pourtant, les dirigeants de ces entreprises n’ont aucune excuse pour prétendre qu’ils ne sont « pas pires que la plupart des autres grandes entreprises ». En tant qu’entreprises les plus valorisées au monde, elles sont devenues de facto des modèles pour toutes les entreprises, et deviennent inévitablement la cible principale des attaques contre le problème générique. Si elles ne se comportent pas mieux, elles en subiront les conséquences.

La décision prise cette semaine par un juge du Delaware d’annuler le plan de rémunération de 56 milliards de dollars accordé à Elon Musk par le conseil d’administration de Tesla en est un signe. Le juge a estimé qu’Elon Musk et les administrateurs de Tesla avaient manqué à leurs obligations envers le fabricant de véhicules électriques et de panneaux solaires, ce qui a entraîné une dégradation des actifs de l’entreprise et un enrichissement sans cause pour Elon Musk. Le juge a accepté les arguments des avocats des actionnaires selon lesquels le plan de rémunération « a été dicté par Elon Musk et a été le produit de négociations fictives avec des administrateurs qui n’étaient pas indépendants de lui ». Cette décision est un avertissement.

 

5. Les entreprises ne peuvent pas agir sur les mentalités

D’autres critiques suggèrent que la distinction entre les mentalités et les processus n’a pas de sens. « Il n’y a rien que nous puissions faire au sujet des mentalités. Elles sont propres aux individus. La seule chose qui compte, c’est le comportement qui en découle. C’est ce qui doit être contrôlé et mesuré. »

Il s’agit bien sûr d’une réitération de la philosophie de Frederick Taylor selon laquelle « le système » doit passer avant « l’homme ». On en sait aujourd’hui beaucoup sur la manière dont les phénomènes subjectifs tels que les mentalités, les attitudes, les modèles mentaux, les valeurs et la culture émergent et sur la manière dont ils peuvent évoluer. Nier la validité d’une telle compréhension peut être une manière subreptice de plaider en faveur de la « gestion scientifique » ou une couverture pour maintenir des mentalités implicites qui ne seraient pas attrayantes si elles étaient rendues explicites, par exemple une focalisation exclusive sur la réalisation de profits.

 

6. Les entreprises devraient-elles agir davantage pour remplir les objectifs sociaux et préserver l’environnement ?

Ces entreprises devraient-elles agir davantage pour remplir les objectifs sociaux et préserver l’environnement ? Oui, bien sûr. Au cours de l’audition devant le Congrès, Mark Zuckerberg, PDG de Meta, s’est adressé à des dizaines de parents d’enfants victimes d’exploitation sexuelle en ligne. « Je suis désolé pour tout ce que vous avez vécu », a-t-il déclaré. Pourtant, il n’a pas dit si les plateformes de Meta avaient contribué à ces souffrances, se contentant de dire que Meta « s’efforçait d’éviter de tels dommages ». Il n’a pas tenu compte des preuves apportées par la Commission selon lesquelles les dirigeants de Meta étaient au courant du problème et avaient rejeté les appels du personnel à prendre des mesures correctives.

Un tel comportement peut conduire des critiques comme Rebecca Solnit à affirmer dans la London Review of Books que les dirigeants de la Silicon Valley ont « utilisé leur richesse pour saper la diversité et l’accessibilité, diaboliser les pauvres, transformer les politiciens en marionnettes et pousser l’échiquier politique vers la droite. »

Si les dirigeants des entreprises les plus importantes ne prennent pas des mesures correctives plus strictes et n’évitent même pas l’apparence d’un comportement contraire à l’éthique, ils risquent d’être définitivement considérés comme les « barons voleurs » du XXIe siècle et de subir des conséquences économiques de plus en plus graves.

 


À lire également : EXCLUSIF | Forbes publie le 20e classement annuel Global 2000, répertoriant les plus grandes entreprises du monde

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