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Comment répondre au “silence client” ?

Le phénomène du “client silencieux” représente aujourd’hui l’un des défis les plus insidieux pour les entreprises. Contrairement aux clients mécontents qui s’expriment, ces consommateurs “disparaissent”, sans laisser de traces, emportant avec eux des informations cruciales sur l’expérience client et causant des pertes de revenus significatives…

Une contribution de Benjamin Cormerais, Directeur Tête-à-tête

 

Un fléau sous-estimé

 

Le “non-dit” est toujours dangereux, y compris dans la relation qui lie l’entreprise à ses clients. Une étude récente réalisée par Think Jar indique que 91 % des clients insatisfaits quittent une marque sans se plaindre. Ils ne remplissent pas les formulaires de satisfaction. Ils ne répondent pas aux enquêtes. Ils s’éloignent, en silence. Pourquoi ? Parce que dans un monde d’interactions multiples et de sursollicitation, le client n’a pas toujours l’énergie ou l’envie de verbaliser son insatisfaction. Il attend qu’on la devine et qu’on le comprenne autrement. Et, c’est là tout l’enjeu.

Selon Customer Experience Magazine, seul 1 client insatisfait sur 26 exprime ses griefs, les 25 autres partant en silence. Cette statistique illustre un iceberg dont nous ne voyons que la partie émergée. Le coût de cette discrétion est faramineux. Les recherches de Pulse Insights montrent que les entreprises perdent en moyenne 20% de leur chiffre d’affaires potentiel à cause de clients qui partent sans explication. Ce phénomène, baptisé “silent churn” outre-Atlantique, s’avère particulièrement destructeur car il passe inaperçu jusqu’à ce que la baisse de revenus devienne évidente. Contrairement aux désabonnements formels, ces clients réduisent progressivement leur engagement sans jamais annuler officiellement leur relation commerciale. L’impact dépasse la simple perte de revenus.

 

Les racines du silence

 

Alors, pourquoi les clients préfèrent-ils garder le silence plutôt que d’exprimer leurs préoccupations ? Il y a tout d’abord, une contrainte temporelle. Les clients B2B n’ont plus le temps pour des interactions qui ne génèrent pas de résultats rapides. Dans un monde où les dirigeants croulent sous les sollicitations, prendre le temps de formuler un avis constructif devient un luxe. A cette contrainte s’ajoute la “fatigue du feedback”. La multiplication des enquêtes client a induit une lassitude généralisée. Enfin, il y a clairement une absence d’incitation. Une étude récente de Microsoft souligne que 52% des consommateurs dans le monde estiment que les entreprises ne tirent pas suffisamment parti des retours clients. Si les clients ne voient pas d’amélioration concrète suite à leurs commentaires, pourquoi continuer à en faire ?

Des stratégies proactives existent pour briser ce silence. Plutôt que de demander explicitement un feedback, de plus en plus d’entreprises analysent les signaux faibles – temps de réponse aux emails, fréquence des interactions, taux d’engagement digital… A cette analyse comportementale passive, s’ajoute la prédiction par les données avec l’utilisation d’algorithmes pour identifier les clients à risque avant qu’ils ne partent. Cette approche permet d’intervenir proactivement plutôt que de subir les départs. Enfin, il peut être utile d’offrir des contreparties tangibles aux clients qui prennent le temps de s’exprimer. Il ne s’agit pas seulement de remises, mais d’accès privilégié à des insights sectoriels ou à des communautés exclusives.

 

Repenser la relation client à l’ère du silence

 

Le “silence client” n’est donc pas une fatalité, mais traduit souvent un décalage entre les attentes croissantes des consommateurs et la réalité de l’expérience proposée. Les entreprises qui réussissent développent une culture de l’écoute proactive, intégrant la collecte d’insights dans chaque interaction client. L’émergence de la “loyauté éthique” constitue une opportunité majeure. Emarsys observe que la fidélité basée sur des valeurs partagées progresse constamment, passant de 24% en 2021 à 30% en 2024. Cette tendance suggère que la relation client transcende désormais le simple rapport qualité-prix. Les entreprises qui investissent dans la compréhension de ces signaux faibles, plutôt que de se limiter aux retours explicites, construisent un avantage concurrentiel durable. La voix du silence, une fois décodée, peut devenir le plus puissant catalyseur d’innovation et d’excellence.

 


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