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Comment la productivité des États-Unis repose sur un petit nombre d’entreprises clés

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Productivité des États-Unis. | Source : Getty Images

Et si la croissance de la productivité d’un pays reposait sur une poignée d’entreprises seulement ? C’est ce que révèle un nouveau rapport du McKinsey Global Institute, The Power of One, selon lequel 2 % des entreprises seulement seraient responsables d’environ 65 % de la croissance positive de la productivité observée dans leur pays, grâce à des stratégies audacieuses. Selon l’étude, une dizaine d’entreprises américaines supplémentaires du calibre d’Apple auraient suffi à doubler la croissance de la productivité nationale.

 

La productivité, mesurée ici par la valeur ajoutée brute par employé, est un levier crucial : lorsqu’elle augmente, les bénéfices grimpent et les salaires suivent. Si plus de la moitié des entreprises analysées ont contribué positivement à la croissance de la productivité, ce sont surtout quelques entreprises « remarquables » qui ont tiré la moyenne vers le haut ; tout comme une minorité d’entreprises à la traîne a suffi à la faire reculer.

Aux États-Unis, on compte trois fois plus de salariés employés dans des entreprises performantes que dans des structures en retard, un avantage net par rapport à des pays comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni, où les deux catégories sont quasiment à égalité. Résultat : les États-Unis creusent l’écart en matière de productivité.


Autre facteur clé : la flexibilité du marché du travail américain, qui permet aux talents de migrer rapidement des entreprises peu efficaces vers celles qui tirent la croissance.

L’étude, centrée sur quatre secteurs clés, met en lumière un petit groupe d’entreprises particulièrement performantes — parmi elles, Apple, Amazon, Costco, Delta et Home Depot aux États-Unis ; Tesco et easyJet au Royaume-Uni ; REWE en Allemagne. Grâce à des stratégies audacieuses, des modèles économiques innovants et une forte création de valeur pour les consommateurs, ces leaders tirent l’ensemble de leur secteur vers le haut, forçant leurs concurrents à s’adapter. Ce jeu d’impulsions et de ripostes crée une dynamique de productivité remarquable, qui contribue fortement à la prospérité nationale. Au lieu d’une progression uniforme à petits pas, ce sont quelques bonds spectaculaires qui changent véritablement la donne.

 

Une expérience aux implications économiques majeures

Dans un contexte de ralentissement économique, de vieillissement démographique et de tensions sur le marché du travail, la question de la productivité se révèle plus cruciale que jamais aux États-Unis. Après une période de hausse, la productivité américaine a reculé au premier trimestre 2025 ; une première depuis 2022. Comprendre les leviers qui la font progresser est donc au cœur des priorités.

Pour cette étude, les chercheurs du McKinsey Global Institute ont mis en place une véritable « économie de laboratoire », en analysant les trajectoires de quelque 8 300 grandes entreprises opérant aux États-Unis, en Allemagne et au Royaume-Uni. L’enquête s’est concentrée sur quatre secteurs clés : la distribution, l’automobile et l’aérospatiale, les voyages et la logistique, ainsi que l’informatique et l’électronique.

L’objectif : identifier précisément où, et dans quelles entreprises, les gains de productivité étaient générés entre 2011 et 2019 ; une période relativement stable, située entre la crise financière mondiale et le choc du Covid-19. Les chercheurs ont ensuite prolongé l’analyse jusqu’en 2023 pour valider leurs résultats dans un contexte plus récent, et y ont retrouvé les mêmes dynamiques.

L’analyse a mis en lumière un constat frappant : moins d’une centaine d’entreprises d’exception ont généré à elles seules près des deux tiers de la croissance de productivité dans l’ensemble de l’échantillon. À l’inverse, une poignée de 55 entreprises en difficulté ont suffi à concentrer entre 50 et 65 % des pertes de productivité constatées à l’échelle des entreprises étudiées.

 

Les atouts des États-Unis

Parmi les trois pays et les quatre secteurs analysés, les États-Unis affichent une croissance de productivité nettement supérieure à celle de l’Allemagne et du Royaume-Uni, et ce, pour plusieurs raisons. D’une part, l’échantillon américain comptait proportionnellement moins d’entreprises en difficulté, susceptibles de tirer la productivité vers le bas. D’autre part, le marché du travail plus flexible a permis une mobilité accrue des salariés. En analysant les chiffres de plus près, près de la moitié de la croissance américaine provient du transfert de main-d’œuvre des entreprises peu productives vers celles qui le sont davantage. Un chiffre clé illustre cette dynamique : 5 % seulement des entreprises, employant 23 % des salariés étudiés, ont généré à elles seules 78 % des gains de productivité.

 

Les clés du succès des entreprises les plus productives

Qu’est-ce qui distingue les entreprises les plus productives ? Ce ne sont pas toujours les plus efficaces, ni uniquement les géants de la tech ou les start-ups disruptives. Elles opèrent dans des secteurs variés, diffèrent par leur taille et leur maturité, mais partagent un point commun : elles ont toutes misé sur une ou plusieurs stratégies audacieuses pour accélérer leur impact. Voici cinq approches stratégiques :

  1. Développer des modèles d’entreprise de pointe tels que le commerce électronique ou les compagnies aériennes à bas prix.
  2. S’orienter vers des marchés à forte croissance, comme l’a fait Amazon en se lançant dans l’informatique dématérialisée.
  3. Réimaginer la valeur pour le client, comme l’a fait Home Depot en améliorant l’expérience client en magasin et en ligne.
  4. Exploiter les effets de réseau et d’échelle, comme l’a fait Apple avec ses prévisions de la demande pour optimiser les coûts d’approvisionnement.
  5. Transformer les opérations pour améliorer l’efficacité de la main-d’œuvre et réduire les coûts

Enfin, les entreprises les plus performantes ne le restent pas toujours : les deux tiers de la cohorte des entreprises les plus performantes ont maintenu leur position au cours de la période 2019-2023, mais un tiers des entreprises les plus performantes étaient nouvelles.

 

Un appel à l’action

Pour soutenir une croissance soutenue de la productivité, il est essentiel que les dirigeants favorisent l’épanouissement des entreprises les plus performantes, afin qu’elles continuent à peser significativement sur l’économie américaine et notre qualité de vie. Les responsables politiques devront néanmoins trouver un juste équilibre entre éviter une concentration excessive du marché et encourager le dynamisme des acteurs clés.

La croissance repose aussi sur la mobilité des travailleurs quittant les secteurs moins productifs, ainsi que sur la modernisation des infrastructures pour accompagner les filières émergentes. Du côté des entreprises, miser sur des stratégies audacieuses et créatrices de valeur s’avère crucial.

Si les pouvoirs publics placent la productivité au cœur de leurs priorités stratégiques, ils pourront mieux soutenir les entreprises performantes dans leur rôle moteur au niveau national. Dans un contexte économique incertain, beaucoup hésitent à prendre des risques. Pourtant, les données montrent que la prudence ne rime pas avec une croissance durable — ni pour les entreprises, ni pour les nations.

 

Une contribution de Kweilin Ellingrud pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie


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