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BP publie son rapport annuel sur les perspectives énergétiques pour 2023

BPLa compagnie BP a publié son rapport annuel sur les perspectives économiques pour 2023. | Source : Getty Images

La société British Petroleum (BP) a récemment présenté son rapport sur les perspectives énergétiques pour 2023, intitulé « Energy Outlook 2023 ». Ce rapport annuel et l’analyse des données utilisées pour son élaboration sont toujours scrutés avec attention.

 

Cette année, le rapport de BP met l’accent sur la guerre en Ukraine, qui pourrait faire pencher la balance du côté de l’objectif zéro émission nette d’ici 20250. L’argument est que l’instabilité des marchés du pétrole et du gaz incitera les pays à développer leurs propres énergies renouvelables plus rapidement.

 

Trois scénarios

BP envisage trois scénarios possibles. Ces scénarios ne sont ni des prédictions ni le reflet des souhaits de BP. Ils sont élaborés pour couvrir un large éventail de résultats possibles jusqu’en 2050. Leur objectif est de contribuer à l’élaboration d’une stratégie capable de faire face aux nombreuses incertitudes de la transition énergétique.

Le premier scénario est celui d’un maintien de statu quo (MSQ), baptisé « New Momentum ». Le deuxième scénario est le « Net-Zéro », qui correspond aux objectifs de l’Accord de Paris sur le climat. Enfin, le troisième scénario, dit « Accéléré », prévoit que la guerre en Ukraine fasse fortement pencher la balance du côté de l’objectif zéro émission nette.

Une situation similaire s’est produite après l’embargo pétrolier de l’OPEP en 1973, lorsque la France a décidé de construire un grand nombre de réacteurs nucléaires pour produire sa propre électricité et que les États-Unis ont décidé de créer une réserve stratégique de pétrole.

L’exemple à court terme du scénario « Accéléré » est la décision de la Russie de couper l’approvisionnement en gaz naturel de l’Europe en 2022. Cette décision a stimulé les exportations de gaz naturel liquéfié (GNL) de pays tels que les États-Unis, le Qatar et l’Australie. Alors que le charbon et le pétrole sont en déclin d’après les prévisions du rapport, BP affirme que le gaz naturel est un facteur X en raison d’une demande de GNL en constante augmentation dans le monde.

À plus long terme, selon BP, le monde connaîtra une croissance économique plus lente, car la guerre en Ukraine ralentira la mondialisation des économies. BP prévoit une baisse du PIB mondial de 2,7 % en 2025, de 3,0 % en 2035 et de 5,9 % en 2050.

 

Combustibles fossiles et énergies renouvelables

Dans les trois scénarios envisagés par BP, les combustibles fossiles diminuent au fil du temps, passant de 80 % actuellement à 55 % en 2050 dans le scénario MSQ. Ce niveau encore très élevé de combustibles fossiles renforce l’enthousiasme actuel de l’industrie pétrolière et gazière aux États-Unis, car la demande et les prix du pétrole et du gaz étaient en hausse en 2022 et ont permis aux grandes compagnies pétrolières et gazières de réaliser des bénéfices records.

Cependant, en raison des conséquences de la guerre en Ukraine, les combustibles fossiles pourraient chuter beaucoup plus rapidement si l’on en croit le scénario « Accéléré », passant de 80 % aujourd’hui à 28 % en 2050. Ce scénario ne diffère que très peu de celui du « Net-Zéro », selon lequel les combustibles fossiles chuteront à 19 % en 2050. Ces deux scénarios sont considérés avec beaucoup de scepticisme par de nombreux acteurs de l’industrie des combustibles fossiles.

Contrairement à l’enthousiasme actuel de l’industrie pétrolière et gazière américaine, BP prévoit une réduction drastique des énergies fossiles, qui passeraient de 80 % actuellement à 28-55 % d’ici 2050. Le charbon est l’énergie fossile qui diminuera le plus, suivi du pétrole. Là encore, le gaz naturel est le facteur X.

Les énergies fossiles étant responsables d’environ 70 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) actuellement, celles-ci tomberaient à 25-48 % d’ici 2050, une baisse énorme, mais insuffisante pour atteindre l’objectif zéro émission nette.

BP prévoit que les énergies renouvelables, telles que l’éolien, le solaire et les batteries, passeront de 12 % aujourd’hui à 35 % (scénario MSQ) ou à environ 60 % (scénarios « Accéléré » et « Net-Zéro »). Dans le second cas, BP a estimé ce taux en prenant en compte le fait que la guerre en Ukraine et l’instabilité mondiale des marchés du pétrole et du gaz inciteront les pays à développer leurs propres énergies renouvelables plus rapidement.

 

L’énergie russe prend un coup

En 2022, la production de pétrole brut serait inférieure d’environ un million de barils par jour (mbpj), puis de 1,5 mbpj (par rapport à 2022) tous les cinq ans jusqu’en 2045. Comme la Russie a produit 10 mbpj en 2022, les 10 % de pertes sont substantiels. En outre, Moscou vient d’annoncer que la Russie allait réduire sa production de pétrole de 0,5 mbpj, soit une baisse de 5 %, en mars 2023.

En 2021, la Russie était le deuxième pays producteur de gaz naturel et également le premier pays exportateur de gaz. La même année, la Russie a produit 762 milliards de mètres cubes de gaz et en a exporté environ 210 milliards de mètres cubes par gazoduc.

Selon BP, la production de la Russie diminuera de près de 50 milliards de mètres cubes en 2023 par rapport à 2022. De plus, le commerce par gazoduc de la Russie diminuera de 160 milliards de mètres cubes sur la même période. Par rapport aux données de 2021, la production de gaz diminuera d’environ 7 % et le commerce par gazoduc de 76 %, certainement en raison de l’interruption du flux de gaz de la Russie vers l’Europe.

 

L’investissement dans les énergies renouvelables est-il préjudiciable aux entreprises ?

Cette question est essentielle pour BP, qui a été un leader en matière de transition vers les énergies renouvelables. La société a investi dans l’éolien, le solaire et l’hydrogène. Il y a quelques années, son objectif était d’atteindre 40 % d’énergies renouvelables d’ici 2030. BP a investi dans des projets solaires et éoliens aux États-Unis. De plus, la société produit 9 gigawatts (GW) grâce à l’énergie solaire et prévoit un rendement financier de 8 à 10 %. L’objectif de BP est d’atteindre les 50 GW d’énergies renouvelables de tous types d’ici 2030.

Dans son rapport 2023, BP a revu cet objectif ostensiblement à la baisse, car la demande et le prix du pétrole sont restés supérieurs à 80 dollars le baril en 2022, avec un maximum de 128 dollars le baril (prix du Brent). La moyenne pour 2022 était proche de 100 dollars le baril.

Selon [email protected], BP prévoit de produire 2 mbpj d’ici 2030. Il s’agit d’une baisse de 25 % par rapport aux niveaux de 2019, alors que les anciens objectifs prévoyaient une réduction de 40 %. BP a également réduit ses objectifs en matière d’émissions à 20-30 % alors que le précédent objectif était de 35-40 %.

BP justifie ce choix ainsi : « [La société] BP a annoncé qu’elle manquerait ses objectifs de réduction de la production de pétrole et de gaz d’ici 2030. Parallèlement, elle va faire coïncider les investissements dans des projets à plus faible intensité de carbone avec de nouveaux investissements dans les combustibles fossiles et prolonger la durée de vie de projets pétroliers et gaziers existants ».

Investir dans les énergies renouvelables est un exercice délicat pour les grandes compagnies pétrolières et gazières. Les sociétés européennes, comme BP, Shell et TotalEnergies ont investi davantage d’actifs dans les énergies renouvelables que d’autres cadors du secteur comme ExxonMobil et Chevron. En Europe, les gouvernements, les sociétés d’investissement et les actionnaires ont eu plus d’influence que leurs homologues américains.

Lorsque Bernard Looney est devenu le PDG de BP en 2020, il a orienté la direction de la société vers les enjeux climatiques liés au réchauffement de la planète. À l’époque, ses analystes prévoyaient que les prix à terme des combustibles fossiles allaient baisser. Si une entreprise croit en ces prévisions, il n’est pas surprenant qu’elle décide de déplacer ses actifs vers d’autres énergies que le pétrole et le gaz.

Cependant, la grande question est de savoir jusqu’où aller ? L’objectif de BP de 40 % d’énergies renouvelables d’ici 2030 était un changement important, et c’est un grand contraste avec les entreprises américaines qui ont largement choisi une approche indirecte en orientant leurs actifs vers la réfection des torchères et la suppression des fuites de méthane dans les têtes de puits, les pipelines et les réservoirs de stockage, ainsi que vers le captage et le stockage du dioxyde de carbone (CSC).

La volonté de la société BP d’investir autant dans les énergies renouvelables s’est-elle retournée contre elle ? Selon les experts, le temps de retour sur investissement pour une entreprise qui entreprend une transition vers les énergies renouvelables est de sept à dix ans. C’est un délai trop long pour la plupart des entreprises, y compris de nombreuses compagnies pétrolières et gazières, qui opèrent dans un but lucratif.

Si l’on examine les bénéfices de ces compagnies, on constate tout d’abord que toutes les grandes entreprises pétrolières et gazières ont réalisé des bénéfices records en 2022, les six premières ayant plus que doublé leurs bénéfices pour atteindre environ 220 milliards de dollars. Cette somme pourrait en partie être investie dans les énergies renouvelables.

Les bénéfices de Shell (40 milliards de dollars) sont les deuxièmes plus élevés après ceux d’ExxonMobil (59 milliards de dollars), la plus grande compagnie pétrolière et gazière. TotalEnergies arrive troisième avec 36 milliards de dollars de bénéfices, à égalité avec Chevron.

Pour BP c’est une autre histoire. Avec 28 milliards de dollars de bénéfices, la société est loin derrière ses concurrentes. Ses rendements boursiers (au 9 février 2023) étaient également les plus faibles, selon [email protected]. On pourrait donc affirmer que la transition de BP vers les énergies renouvelables a nui aux bénéfices de la société, par rapport aux grandes entreprises américaines. Cependant, les résultats financiers de Shell et de TotalEnergies sont mitigés, de sorte que cette conclusion ne peut être tirée pour ces sociétés.

Ces données doivent être analysées plus en détail, car les bénéfices dépendent d’autres facteurs. Par exemple, en 2022, BP a perdu 24 milliards de dollars en se retirant de Rosneft, la compagnie pétrolière et gazière russe. Les rendements boursiers dépendent également d’autres facteurs, comme les investisseurs dans les secteurs traditionnels du pétrole et du gaz qui se montrent un peu méfiants à l’égard des enjeux climatiques et des énergies renouvelables et évitent des valeurs comme BP et Shell.

Cependant, il est clair que BP réduit légèrement ses investissements dans les énergies renouvelables, ce qui est logique si la raison st de profiter de la hausse des prix du pétrole et du gaz et de maintenir la sécurité énergétique durant la guerre en Ukraine.

Cela étant, BP n’a pas abandonné les énergies renouvelables. Dans un communiqué de presse publié le 16 février 2023, la société annonce avoir accepté de racheter 280 TravelCenters of America pour 1,3 milliard de dollars, et elle prévoit des rendements élevés de l’ordre de plus de 15 %. Au cours de la période 2023-2030, la moitié de son investissement d’environ 60 milliards de dollars dans la croissance de la transition sera consacrée aux services, à la bioénergie et à la recharge des véhicules électriques, puis à l’hydrogène.

 

Article traduit de Forbes US – Auteur : Ian Palmer

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