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Après une année 2023 marquée par de nombreux procès, Google s’apprête à vivre une année 2024 tout autant mouvementée

GoogleLogo Google. | Source : Getty Images

L’année 2023 a été synonyme de grands procès pour Google, notamment celui visant le géant d’internet aux États-Unis pour abus de position dominante de son célèbre moteur de recherche a été confronté à une série d’affaires historiques cette année. Google a également dû faire face à une lutte acharnée contre le créateur de Fortnite et à son tout premier procès pour discrimination fondée sur le sexe.

Article de Richard Nieva pour Forbes US – traduit par Flora Lucas

 

En décembre, Google a reçu un coup dévastateur : Epic, le créateur du jeu vidéo à succès Fortnite, a battu le géant de la technologie dans un procès pour pratiques anticoncurrentielles aux enjeux considérables. Après seulement trois heures de délibération, un jury de San Francisco a conclu à l’unanimité que Google avait violé les lois californiennes et fédérales sur la concurrence, ce qui soulève de nombreuses questions sur l’avenir de la place de marché d’applications de l’entreprise et sur les activités lucratives qui l’entourent. Cependant, ce n’est même pas le procès le plus important auquel l’entreprise a été confrontée cette année.

Pour le géant de la technologie, qui a fêté son 25e anniversaire en septembre, 2023 a été l’année des procès. Depuis des années, les déboires juridiques de Google, dont le chiffre d’affaires s’élève à plusieurs milliards de dollars, s’accumulent dans divers domaines. Cependant, en 2023, au lieu de se contenter d’amendes et de règlements à l’amiable, Google a dû se rendre au tribunal pour un certain nombre de procès historiques, défendant ses pratiques concurrentielles, ses politiques d’embauche et ses contrats industriels dans toute une série d’affaires largement suivies.

« Je n’ai jamais rien vu de tel », a déclaré à Forbes Donald Polden, spécialiste des législations en matière de pratiques anticoncurrentielles et doyen émérite de la faculté de droit de l’université de Santa Clara. Donald Polden, qui a suivi les affaires historiques impliquant AT&T et Microsoft pour pratiques anticoncurrentielles dans les années 1980 et 1990, a ajouté que Google semble se trouver dans une « tempête unique en son genre » et que l’entreprise doit faire face à toute une série de batailles juridiques.

L’année épuisante que Google a passée devant les tribunaux illustre la portée étendue et le pouvoir démesuré de l’entreprise, qui a contrarié ses rivaux sur plusieurs marchés et mis en lumière les disparités salariales dans la Silicon Valley. L’année 2023 met également en évidence une nouvelle phase dans la prise de conscience des grandes entreprises technologiques : sous l’ère Trump et dans les années qui ont suivi, la mise au pas des grandes entreprises technologiques s’est surtout traduite par des audiences du Congrès américain, des enquêtes réglementaires et des poursuites judiciaires qui pouvaient souvent être réglées par des accords à huis clos. Aujourd’hui, l’examen minutieux s’est déplacé vers des audiences publiques au tribunal, un forum spectaculaire qui pourrait stimuler une réforme réelle dans une industrie déterminante pour l’économie.

Contacté par Forbes, un porte-parole de Google a renvoyé aux déclarations antérieures pour chaque procès, notant que l’entreprise contesterait la décision dans l’affaire Epic et n’était pas d’accord avec les jurys dans les affaires perdues.

 

L’affaire Epic

L’affaire Epic, le plus récent revers de Google, portait sur la domination du Play Store de Google et sur la taxe de 15 % à 30 % que l’entreprise prélève sur les développeurs de logiciels pour les abonnements et les achats in-app. Pour contourner ces règles, Epic a essayé de facturer directement ses clients. En 2020, Google a exclu Epic de son magasin d’applications pour cette raison, et Epic a poursuivi le géant d’internet en justice pour pratiques anticoncurrentielles.

L’issue de l’affaire Epic est d’autant plus remarquable qu’Apple avait intenté une action similaire contre le fabricant de jeux vidéo en 2021 et l’avait en grande partie gagnée. Toutefois, les jugements présentent quelques différences majeures. Tout d’abord, le jugement d’Apple a été rendu par un juge après que les deux sociétés ont renoncé à leur droit à un procès avec jury. Le procès de Google a été confié à un jury, bien que le géant d’internet ait cherché à empêcher un verdict du jury. Aucune des parties n’a été autorisée à faire référence au procès d’Apple, ou au fait qu’Apple a gagné son procès, au cours de la procédure (le procès d’Apple est toujours en appel, en septembre, Epic a demandé à la Cour suprême des États-Unis de se saisir de l’affaire). La défense de Google a également été mise à mal par la preuve que l’entreprise avait supprimé des chats et des messages relatifs à ses transactions avec l’app store, ce qui a peut-être donné l’impression au jury que l’entreprise avait quelque chose à cacher, un point que le département de la Justice a également soulevé dans le cadre de son procès pour pratiques anticoncurrentielles contre Google.

« C’est un exemple de la grandeur du système judiciaire américain », a déclaré Tim Sweeney, PDG d’Epic, sur X quelques heures après l’annonce du verdict. « Une entreprise d’un milliard de dollars défie une entreprise multimilliardaire sur des pratiques anticoncurrentielles complexes, et un jury de neuf citoyens écoute les témoignages et rend un verdict. » Dans un autre message publié le même soir, Tim Sweeney a déclaré : « Victoire sur Google ! »

Le président du tribunal tiendra des audiences en janvier pour décider des mesures à prendre dans cette affaire, qui pourraient consister à autoriser des boutiques d’applications concurrentes ou à réduire les frais facturés aux développeurs de logiciels.

 

Le procès pour pratiques anticoncurrentielles intenté par le département américain de la Justice

Malgré l’importance de cette affaire, le procès le plus important de l’année pour Google (et le reste de l’industrie technologique, d’ailleurs) a été une affaire concernant la distribution du moteur de recherche emblématique de Google. Au cœur de ce procès, intenté en 2020 par le département américain de la Justice et une poignée d’États, se trouvent les contrats de Google avec les fabricants d’appareils, des accords lucratifs qui font de la recherche Google l’option par défaut sur les téléphones. Le joyau de la couronne est un contrat avec Apple d’une valeur d’au moins dix milliards de dollars, qui fait de Google le moteur de recherche par défaut sur le logiciel iOS qui équipe les iPhones et les iPads.

L’affaire a donné lieu à un véritable spectacle qui a attiré un certain nombre de témoins de premier plan, dont Sundar Pichai, PDG de Google, Eddy Cue, responsable des logiciels et des services chez Apple, et Satya Nadella, PDG de Microsoft. Le procès a permis d’exposer les rouages de l’entreprise Google, y compris des présentations internes vantant la puissance des paramètres par défaut. Les rivaux de l’entreprise n’ont pas hésité à témoigner. Lorsque Satya Nadella s’est présenté à la barre, il a déclaré que l’affirmation de Google selon laquelle les consommateurs ont le choix de leur moteur de recherche était « bidon ».

 

Le procès pour discriminations fondées sur le sexe

Le procès le plus discret de Google a peut-être été le plus long à se mettre en place. En octobre, l’entreprise a entamé une procédure dans le cadre d’une affaire de discrimination salariale fondée sur le sexe, intentée par Ulku Rowe, directrice de l’ingénierie de Google Cloud, la première affaire de discrimination salariale à être jugée dans l’histoire de l’entreprise. Ulku Rowe affirme avoir été embauchée chez Google à un « niveau » inférieur à celui de plusieurs hommes occupant le même poste et possédant des antécédents et une expérience similaires, et s’être vu refuser des promotions en raison des plaintes qu’elle a déposées.

L’affaire a pu être jugée grâce à des graines plantées il y a plusieurs années. En 2018, 20 000 employés de Google ont organisé un mouvement mondial pour protester contre les problèmes d’inconduite sexuelle et d’inégalité au travail. L’une des revendications des organisateurs du mouvement était la fin de l’arbitrage forcé, qui obligeait les employés à régler leurs différends à l’amiable. Google a abandonné cette règle par la suite, d’abord pour les cas de harcèlement et d’agression sexuels, puis en l’étendant à tous les litiges entre employés.

Ulku Rowe, qui a participé au mouvement, a intenté une action en justice en septembre 2019. Après deux semaines de procédure en octobre, un jury a donné raison à Ulku Rowe en lui accordant un million de dollars de dommages et intérêts. Elle a déclaré qu’elle espérait que son cas pousserait d’autres femmes à s’exprimer. « Il y a beaucoup de gens qui disent : “Je suis passée par là. Je continue à vivre cela.” », a déclaré à Forbes. « Cela m’a permis de confirmer que cette situation n’est pas unique. Cela se produit à tous les niveaux, des plus jeunes aux plus anciens. Ça arrive aux femmes. »

Ce n’est peut-être que le début de la nouvelle réalité juridique de Google. À l’aube de la nouvelle année, l’entreprise doit encore faire face à des procédures de recours dans l’affaire Epic et attend une décision sur l’affaire du département américain de la Justice (et un procès en recours si Google perd). L’entreprise est également confrontée à un autre procès retentissant qui devrait avoir lieu en 2024 : le procès pour pratiques anticoncurrentielles visant la technologie publicitaire de Google. Ce procès vise à déterminer si l’entreprise a évincé la concurrence avec ses services d’enchères publicitaires. En termes de problèmes juridiques, 2024 pourrait ne pas être beaucoup mieux que 2023. Selon Donald Polden, les plaintes qui vont être jugées pourraient également inspirer de nouvelles vagues de recours collectifs privés. « Google est une entreprise immensément prospère sur le plan financier et de ce fait doit trouver le meilleur plan d’action pour faire face à ces assauts législatifs », a-t-il déclaré. « C’est le prix à payer pour faire des affaires. »

 

À lire également : Protection de la vie privée : Google sous le coup d’une action en justice de grande envergure aux Pays-Bas

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