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Antonio Filosa, nouveau visage de Stellantis : un héritier de Fiat chargé de la relance

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Antonio Filosa est le nouveau visage de Stellantis, un héritier de Fiat pour un groupe à relancer

Il a fait ses preuves au Brésil, redressé Jeep aux États-Unis, et hérite aujourd’hui d’un géant automobile fragilisé. Antonio Filosa, 52 ans, devient le nouveau directeur général du groupe automobile Stellantis. Un choix stratégique, symbole d’un rééquilibrage des pouvoirs au sein du groupe, mais aussi d’un tournant dans sa gouvernance.

C’est une nomination qui, bien que pressentie, a mis six mois à se concrétiser. Après le départ fracassant de Carlos Tavares en décembre 2024, le groupe Stellantis a enfin désigné son successeur, Antonio Filosa, promu CEO à l’unanimité par le conseil d’administration. Cette décision vient clore un processus de sélection long et sensible, orchestré par le président exécutif John Elkann, représentant de la famille Agnelli et principal actionnaire du groupe. Ce choix interne, qui vient trancher avec la présidence de Carlos Tavares, en dit long sur les priorités actuelles de Stellantis.

Un pur produit Fiat-Chrysler, forgé par les Amériques

Napolitain de naissance, Antonio Filosa est diplômé du prestigieux Politecnico de Milan. Il entre chez Fiat en 1999, recruté par l’emblématique Sergio Marchionne, dont il revendique l’héritage. En 2005, une mission au Brésil marque un tournant dans sa carrière. Là-bas, il impose Fiat comme leader du marché sud-américain, avec une progression spectaculaire de dix points de parts de marché, propulsant la marque à la première place devant General Motors et Volkswagen. Il y rencontre aussi sa femme, une architecte brésilienne, et y fonde sa famille.

Son ascension se poursuit alors avec brio : directeur d’usine, responsable de la filiale en Argentine, puis chef de la région Amérique Latine. Il pilote aussi le lancement de Jeep au Brésil grâce à la création d’une usine au Pernambouc, qui propulse la marque au rang de numéro un hors des États-Unis. « Là-bas, c’est une star », souffle-t-on chez Stellantis. En interne, on salue sa capacité à conjuguer performance industrielle, croissance commerciale et leadership humain.


L’homme du redressement

En 2023, Carlos Tavares lui confie le redressement de Jeep, marque-phare du groupe mais en perte de vitesse. Quelques mois plus tard, Antonio Filosa prend aussi la tête de la région Amérique du Nord, la plus lucrative de Stellantis. Il y enclenche une reconquête prudente entre stabilisation des ventes aux particuliers, relance de la production des moteurs V8 Hemi (pourtant pointés comme écologiquement contestables), et amélioration des relations avec les concessionnaires, détériorées sous l’ère Tavares.

Son style détonne, Antonio Filosa est un sportif accompli puisqu’il a nagé le détroit de Messine pour ses 50 ans, et il se plaît à cultiver une image directe, accessible et charismatique. Il n’hésite pas à s’exposer dans des campagnes publicitaires, comme pour le lancement du SUV électrique Jeep Wagoneer S, où il apparaît en blouson de cuir et lunettes noires. Une rupture franche avec la réserve de son prédécesseur, Carlos Tavares.

L’arrivée d’Antonio Filosa redéfinit les équilibres internes de Stellantis. Lors de la fusion entre PSA et Fiat-Chrysler en 2021, le compromis avait été clair, un président italien (John Elkann) et un directeur général français (Carlos Tavares). La nomination d’un Italo-Brésilien à la tête du groupe, issu de l’ex-FCA, acte la montée en puissance du camp italien. Elle alimente les craintes côté français, notamment pour les sites industriels de l’Hexagone.

À l’international, ce changement est perçu plus favorablement. L’expérience d’Antonio Filosa sur les marchés émergents, notamment sud-américains, et sa capacité à naviguer les subtilités politiques européennes et américaines, rassurent. Son profil biculturel et sa proximité avec la famille Agnelli, en particulier John Elkann, qu’il a accompagné récemment en Arabie Saoudite, ont achevé de convaincre le conseil d’administration.

« Nous avons toute confiance en sa capacité à engager une nouvelle étape de transformation, au service des marques, des clients et des collaborateurs de l’entreprise. Sa fine connaissance des réalités du terrain et sa compréhension intime de la culture industrielle de Stellantis sont des atouts pour mettre Stellantis sur une nouvelle trajectoire opérationnelle fondée sur l’excellence des produits, la proximité avec les marchés et l’engagement des équipes. », commente la famille Peugeot, deuxième actionnaire du groupe Stellantis, à Reuters.

À lui de faire oublier une année noire

Le chantier qui attend Antonio Filosa est important. En 2024, Stellantis a vu son bénéfice net chuter de 70 %, à 5,5 milliards d’euros, tandis que ses liquidités ont fondu de six milliards. Les ventes mondiales ont reculé de 9 % au premier trimestre 2025, et le chiffre d’affaires de 14 %. Le cours de l’action, tombé à 9 euros, atteint un niveau historiquement bas. Le groupe, très centré sur la montée en gamme, a perdu des parts de marché sur tous les continents.

Pour enrayer cette spirale, Stellantis a déjà infléchi plusieurs orientations stratégiques imposées par Carlos Tavares : abandon de l’échéance 2030 pour le tout-électrique, retour aux moteurs thermiques, révision du « tout télétravail », et réorganisation décentralisée avec plus d’autonomie pour chaque région. Antonio Filosa devra poursuivre et incarner ce virage, tout en imprimant sa propre marque. Son objectif étant de renouer avec la croissance sans sacrifier l’équilibre du groupe ni sa compétitivité à long terme.

En prenant les rênes de Stellantis à partir du 23 juin, Antonio Filosa devient bien plus qu’un nouveau PDG. Il est le visage d’une nouvelle phase, dans un contexte d’encouragement à l’électrification en Europe, de tensions géopolitiques croissantes sur le marché automobile et de concurrence chinoise agressive. Sa nomination marque une volonté de stabilisation par la connaissance fine des rouages du groupe, mais elle cristallise aussi des tensions identitaires au sein de l’ex-PSA.

« Son parcours opérationnel plutôt que financier est une preuve supplémentaire de la volonté de Stellantis d’avoir un PDG prêt à gérer à la fois la relance de l’entreprise et sa transition vers l’électrification. », rapporte Fabio Caldato, gestionnaire de portefeuille chez AcomeA SGR.

Reste à savoir si cet homme du Sud, façonné par les Amériques, saura conduire Stellantis vers un avenir plus serein. Une chose est certaine, le temps du statu quo est révolu.

 


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