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Jackye Elombo, une avocate engagée dans la prévention des litiges

L’avocate franco-luxembourgeoise Jackye Elombo est spécialisée en droit social et en contentieux des affaires, elle aime à anticiper les litiges pour ses clients locaux et internationaux. Dans cet article, elle revient pour nous sur les enjeux de ses interventions au quotidien.

 

Comment voyez-vous votre profession ?

Je suis avocate depuis près de vingt ans et si au départ j’avais une vision très contentieuse du droit, une passion pour la procédure et un désir de me ranger vers ce qui paraît juste, l’expérience m’a montré que l’avocat peut surtout apporter une valeur ajoutée, s’il comprend les défis de ses clients et à la bienveillance de lui éviter les conflits lorsque c’est possible.
Aussi, mon appétence pour la prévention des litiges, je l’explique surtout par un souhait d’efficacité. Au Luxembourg comme ailleurs, les procédures sont longues et éprouvantes. Il existe aussi une grosse différence entre droit et justice, qui peut être parfois difficile à accepter pour nos clients. De même, il y a une différence entre « gagner » et « gagner ». 
À mon sens, gagner un procès au terme de plusieurs années de procédure, mais être face à une personne non solvable, ce n’est pas vraiment « gagner ». Mon expérience m’a prouvée qu’il est parfois préférable de trouver un accord en cas de litige. M’orienter vers le conseil et la prévention des litiges est donc une voie qui m’a parue naturelle, car je préfère éviter à mes clients de s’épuiser et d’engager des frais importants, sans avoir la garantie de sortir réellement vainqueurs d’un procès. Bien entendu, lorsqu’il s’agit de défendre mes clients et que le conflit est inévitable, ils peuvent compter sur mon assertivité comme sur ma combativité. 

 

Qui sont les clients que vous assistez dans la prévention des litiges ?

Les PME représentent ma clientèle de prédilection, car j’aime apporter des solutions, tirer les gens vers le haut, et les aider à atteindre leurs objectifs. Ce trait de personnalité colle donc parfaitement à mon métier. De plus, depuis que j’ai ouvert mon cabinet, j’accompagne des startups dans leur développement en tant que mentor à l’université du Luxembourg. Cela m’a ainsi poussée à proposer beaucoup de conseil et de prévention.
Je pense notamment à l’un de mes clients, qui a décidé de démarrer son business de chasseur de têtes durant la Covid. Lui-même venait d’un grand groupe international spécialisé dans ce secteur. Il souhaitait toutefois se différencier sur le marché, par ses contrats et ses conditions générales, plus « fair » et transparentes. Un challenge qui n’était pas sans risque. Il faut savoir que la rémunération des cabinets de recrutement dépend souvent de l’opportunité et de la mise en relation qui est la source principale de conflits et de litiges.
Dans notre monde ultra connecté, le client ou le candidat peuvent estimer avoir conclu le contrat sans l’aide du chasseur de têtes. Mon rôle a donc été d’accompagner mon client dans sa volonté d’innover, tout en anticipant avec lui ce qui pouvait sécuriser son contrat pour se prémunir d’un maximum de clauses sujettes à interprétation en cas de litiges.
Aucune prévention n’assure le risque zéro de litige, mais aider les parties à être claires sur les termes et conditions d’un contrat, d’une collaboration, association ou simplement d’un projet commun et d’éviter de laisser la place aux incertitudes ou interprétations multiples, permet de limiter les risques et de les anticiper.
Quel que soit le type de partenariat, c’est en effet lorsque les parties s’entendent le mieux qu’il faut anticiper les éventuels problèmes et s’assurer que l’on a bien un accord de volonté sur tous les points de la relation.

 

Quel défi rencontrez-vous en tant qu’avocate indépendante ?

Les mêmes que ceux de tout entrepreneur (rires). Au début de notre carrière, nous apprenons à gérer des dossiers et à régler des problématiques d’ordre juridique. Néanmoins, nous n’avons pas d’information sur la gestion d’une entreprise et de sa comptabilité. Et pour cause, en travaillant au sein d’un cabinet d’avocats, toute la structure fonctionne sans que l’on ait besoin de s’en soucier. Il y a une personne attitrée pour s’occuper de la facturation, de l’informatique, de l’envoi des courriers…
Or, toute cette structure repose sur nos épaules quand on est indépendant. De nombreuses tâches s’ajoutent aux prestations de services que nous devons assurer. Il faut rester efficace et maximiser son temps le plus possible. Toutefois, ce statut d’entrepreneur nous rapproche de nos clients. Eux aussi doivent jongler entre plusieurs responsabilités. Il nous est donc plus facile de comprendre pourquoi, par exemple, un client souhaite s’entretenir avec nous au téléphone, après lui avoir envoyé un avis sur 10 pages. Il n’a pas le temps de le lire, mais il a besoin de comprendre rapidement quelle est la valeur ajoutée de notre travail.
Personnellement, j’ai délaissé le schéma traditionnel de l’avocat qui fait suivre les courriers et les informations. J’appelle directement mon client pour l’informer de l’échéancier et discuter concrètement des différentes étapes (qu’il s’agisse de procédure ou de conseil) pour qu’il maîtrise les suites de son dossier. J’évite d’alourdir inutilement mon apport, afin que notre collaboration reste appréciable.  

 

L’impact du digital devient de plus en plus fort dans les cabinets d’avocats : qu’en pensez-vous ?

La digitalisation et l’automatisation de la gestion des contrats sont désormais un passage obligatoire. Les nouvelles technologies nous permettent de gagner du temps, et par conséquent, de privilégier une meilleure relation avec nos clients. Le partage d’informations via une plateforme sécurisée, les messageries sécurisées sont autant d’outils qui permettent de communiquer et gérer plus vite et efficacement. Néanmoins, l’intelligence artificielle ne remplace pas ce rapport humain et cette proximité. Il est essentiel que nos clients comprennent bien que nous agissons uniquement dans leur intérêt. Pour ce faire, la transparence est essentielle pour créer et maintenir ce lien de confiance.

 

Rencontrez-vous des difficultés en particulier ?

Le Luxembourg souffre encore et toujours à tort d’une image de paradis fiscal. Néanmoins, ce pays a entamé un énorme travail pour se conformer avec succès aux normes. Autrefois, cette volonté de conformité impactait uniquement les avocats spécialisés en droit des affaires et en droit fiscal. Aujourd’hui, tous les avocats sont concernés, y compris l’avocat contentieux. Avant d’accepter un client, ou d’assister un client dans une transaction, je dois donc me plier à de nombreuses vérifications.
C’est une charge de travail supplémentaire, et une obligation qui peut être difficile à faire admettre à d’anciens clients. Elle s’ajoute à notre éthique professionnelle, à d’autres obligations déontologiques et aux normes RGPD auxquelles nous devons nous conformer. 

 

En France, les tribunaux sont encombrés, et plus encore depuis la pandémie. Est-ce la même chose au Luxembourg ?

Le Luxembourg a amélioré, pendant la crise sanitaire, la procédure civile ! Elle évolue d’ailleurs sans cesse pour combattre l’encombrement des tribunaux, mais il est toujours là. Certaines de mes affaires débutées en juillet 2021 seront par exemple fixées en janvier 2023. Pour éviter certaines frustrations, il est essentiel d’envisager d’autres solutions pour régler des conflits, qu’elles soient préventives ou alternatives. La médiation ou l’arbitrage peuvent notamment aider à désengorger les tribunaux et résoudre plus vite des affaires.

 

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