Début juillet, l’OPEP a de nouveau tenté de dissiper les spéculations sur les marchés de l’énergie, selon lesquelles la demande mondiale de pétrole serait proche de son pic, tant à moyen qu’à long terme.
À l’occasion de son séminaire international biennal, organisé les 9 et 10 juillet à Vienne, en Autriche, l’OPEP a réaffirmé la pertinence durable du pétrole, affirmant que le marché regorge de signaux en faveur d’une utilisation de l’or noir à long terme.
Selon le rapport « World Oil Outlook 2050 », publié à la veille de la clôture de l’événement, l’hypothèse d’un pic imminent de la demande semble désormais reléguée au second plan. Dans sa préface, le secrétaire général de l’organisation, Haitham Al Ghais, tranche sans ambiguïté : « Il n’y a pas de pic de la demande de pétrole à l’horizon 2050 », soulignant que « le pétrole reste au cœur de l’économie mondiale et essentiel à notre quotidien ».
Pourtant, à plus court terme, l’OPEP a légèrement revu à la baisse ses prévisions de demande mondiale pour les quatre prochaines années. En cause : le ralentissement économique en Chine, la montée en puissance des véhicules électriques dans plusieurs marchés clés, ainsi qu’un climat macroéconomique incertain dans les pays de l’OCDE. À l’inverse, les projections à plus long terme ont été relevées, signe que l’organisation reste confiante dans la résilience de la demande mondiale de brut.
Des projections ambitieuses sur la demande de pétrole
Les prévisions de l’OPEP reposent sur une conviction forte : le pétrole restera un « pilier indispensable » du développement économique, en particulier pour les pays du Sud, tout en demeurant essentiel au fonctionnement de secteurs difficiles à électrifier comme l’industrie lourde, l’aviation ou le transport routier.
Dans son rapport, l’organisation estime que la demande mondiale de pétrole atteindra en moyenne 105 millions de barils par jour (bpj) en 2024. Elle devrait continuer à grimper : 106,3 millions de bpj en 2026, 111,6 millions en 2029, pour culminer à 123 millions de bpj à l’horizon 2050.
Malgré une légère baisse relative, le pétrole devrait conserver la première place dans le mix énergétique mondial en 2050, représentant un peu moins de 30 % du total. Le duo pétrole-gaz devrait rester dominant, avec une part combinée dépassant les 50 % sur toute la période 2024-2050. En parallèle, les énergies renouvelables poursuivraient leur progression, atteignant 13,5 % du mix en 2050, soit un bond de 10 points par rapport à 2024.
L’essor de la demande viendra principalement de l’Inde, d’autres pays asiatiques, du Moyen-Orient et de l’Afrique. Ensemble, ces régions devraient représenter une hausse de 22,4 millions de bpj d’ici 2050, dont 8,2 millions pour l’Inde seule. La Chine, en revanche, affiche une croissance plus modeste, avec moins de 2 millions de bpj supplémentaires attendus, concentrés surtout sur le moyen terme, avant un plateau pour le reste de la période.
Des prévisions remises en question par plusieurs experts
Les prévisions optimistes de l’OPEP sur la demande pétrolière ne font pas l’unanimité. Plusieurs experts et institutions estiment au contraire que le pic de la demande pourrait survenir bien plus tôt que ne le suggère l’organisation.
L’Agence internationale de l’énergie (AIE) anticipe ainsi un sommet autour de 105,6 millions de barils par jour d’ici 2029, suivi d’un léger recul en fin de décennie. De son côté, le géant énergétique BP estimait l’an dernier que ce pic pourrait même survenir avant 2029 (peut-être dès 2024) dans un scénario de forte croissance des énergies renouvelables.
Le « Statistical Review of World Energy 2025 », désormais publié par l’Energy Institute après avoir longtemps été piloté par BP, ne parle pas explicitement de pic. Il souligne toutefois un ralentissement, voire une stabilisation de la demande pétrolière dans certaines régions clés, notamment en Chine.
À plus long terme, les incertitudes sont nombreuses. À l’horizon 2050, les trajectoires de la demande énergétique dépendront étroitement de la structure de l’économie mondiale et des écarts de productivité entre régions, en partie alimentés par les nouvelles technologies.
Maxime Darmet, économiste principal pour les États-Unis, la France et le Royaume-Uni chez Allianz Trade, résume ainsi l’enjeu : « Dans les décennies à venir, la productivité mondiale sera portée par l’adoption des technologies numériques, comme l’intelligence artificielle, et les gains d’efficacité qu’elles génèrent. Cela entraînera une hausse de la consommation énergétique, mais aussi un usage plus efficient de l’énergie. Les pays les plus avancés sur ce terrain creuseront l’écart avec les autres. »
Anticiper le mix énergétique dans 25 ou 30 ans ? Un pari risqué, selon l’économiste d’Allianz Trade. Les secousses provoquées par les droits de douane américains instaurés sous la présidence de Donald Trump illustrent bien les turbulences qui agitent actuellement l’économie mondiale. Ce type d’événements géopolitiques peut rapidement bouleverser les dynamiques d’offre et de demande sur l’ensemble des marchés de matières premières, et le pétrole n’échappe pas à la règle.
Si l’avenir de la productivité mondiale repose sur le numérique et l’intelligence artificielle (des technologies très gourmandes en énergie et reposant sur d’immenses centres de données), de nombreux experts, dont l’Agence internationale de l’énergie ainsi que les géants Shell et Chevron, estiment que le gaz naturel est bien placé pour en tirer parti, à court comme à long terme.
Une chose fait consensus : les hydrocarbures resteront présents dans l’économie mondiale et son bouquet énergétique pendant encore de nombreuses années. En revanche, rien ne garantit que le pétrole (pilier historique de l’OPEP) conservera la position dominante que l’organisation lui prédit. Le débat sur le pic de la demande pétrolière et son calendrier demeure plus que jamais d’actualité.
Une contribution de Gaurav Sharma pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie
À lire également : Inflation toujours sous contrôle à 1 %, malgré le rebond des prix de l’énergie

Abonnez-vous au magazine papier
et découvrez chaque trimestre :
- Des dossiers et analyses exclusifs sur des stratégies d'entreprises
- Des témoignages et interviews de stars de l'entrepreneuriat
- Nos classements de femmes et hommes d'affaires
- Notre sélection lifestyle
- Et de nombreux autres contenus inédits