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Souveraineté numérique : Washington veut une voix dans le DMA, Bruxelles s’y oppose

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Souveraineté européenne : Washington veut s'immiscer dans l'écriture du DMA

Washington souhaite intégrer un organe consultatif dans le dispositif européen du Digital Markets Act (DMA) : les États-Unis s’invitent ainsi directement dans la mise en œuvre des lois numériques de l’Union. Une intrusion qui réveille l’Europe autour de l’enjeu stratégique de faire respecter sa souveraineté technologique face aux pressions américaines, alors que s’intensifie un bras de fer sur le contrôle des règles du numérique.

 

Ce qu’il faut retenir

Alors que l’administration Trump [maintient une ligne dure sur les échanges commerciaux] avec l’Union européenne, avec notamment l’annonce de droits de douane de 30 % sur les importations européennes à compter du 1er août 2025, Washington tente désormais de s’immiscer dans la gouvernance des lois numériques européennes. Les États-Unis souhaitent [la création] d’un organe consultatif au sein du DMA, composé des mêmes entreprises visées par cette législation — majoritairement américaines.

Le DMA, entré en vigueur en mars 2024, encadre les pratiques des grandes plateformes numériques qualifiées de gatekeepers. En imposant des obligations strictes de transparence, d’interopérabilité et de concurrence, il permet à l’Europe de reprendre le contrôle sur son marché numérique. Ce texte est crucial pour garantir une souveraineté technologique face aux géants du numérique, essentiellement américains.


Cette tentative d’influence survient alors que les tensions douanières s’intensifient et que le DMA devient une ligne rouge pour Bruxelles, qui refuse toute concession sur ses réglementations. L’enjeu est de maintenir l’autonomie stratégique de l’Europe face à la volonté américaine d’infléchir les règles encadrant les GAFAM.

 

Pourquoi c’est important à suivre

Ce bras de fer entre Bruxelles et Washington dépasse la simple divergence réglementaire : il interroge frontalement la capacité de l’Union à faire respecter ses règles sans interférence extérieure, alors même que la majorité des entreprises concernées par le DMA sont américaines. Pour l’UE, céder sur ce terrain reviendrait à affaiblir son autorité normative et compromettre sa crédibilité sur la scène internationale.

Derrière ces tensions, c’est toute l’ambition de l’Europe de reprendre le contrôle sur ses infrastructures numériques qui est fragilisée. Face à la montée d’un isolationnisme américain, plusieurs pays européens, à commencer par l’Allemagne, cherchent à limiter leur dépendance aux GAFAM, en optant pour des solutions open source ou des fournisseurs européens.

Mais les faits sont têtus : Alphabet a généré près de 100 milliards de dollars de revenus en EMEA en 2024, soit environ un tiers de son chiffre d’affaires mondial selon les résultats financiers publiés par la société.

 

Citation principale

« Nous allons défendre notre souveraineté. Nous défendrons la manière dont nous mettons en œuvre nos règles, nous défendrons un marché qui fonctionne bien et ne permettrons à personne de nous dire ce que nous devons faire », a déclaré Teresa Ribera, vice-présidente de la Commission, à Euronews.

 

Le chiffre à retenir : 10 %

C’est le montant maximal — en proportion du chiffre d’affaires annuel mondial — des amendes encourues par les plateformes numériques en cas de non-respect du DMA. Une sanction qui cristallise les tensions, car même si la Commission affirme appliquer ses règles de manière non discriminatoire, la concentration des enquêtes autour des GAFAM alimente, côté américain, l’idée d’une législation ciblée. C’est précisément cette perception que Washington tente d’infléchir, en réclamant une place à la table de l’application des lois européennes.

 

À surveiller

L’Union européenne devra relever un double défi : réduire sa dépendance à des infrastructures dominées par les États-Unis tout en se dotant de capacités de régulation robustes, sans céder face aux pressions diplomatiques. Car la souveraineté numérique ne se limite pas à l’offre de services, mais implique un contrôle sur les normes, les réseaux et la protection des données.

Or, comme le rappelle l’Electronic Frontier Foundation, l’architecture même d’Internet — du routage au cloud — reste largement entre les mains d’acteurs américains. À court terme, l’UE pourrait intensifier ses investissements dans des alternatives souveraines telles que Gaia-X ou l’Alliance pour les données industrielles. À moyen terme, elle devra affronter le dilemme de faire respecter ses règles, alors que l’extraterritorialité des lois américaines s’impose jusqu’au cœur du marché européen.

 


Lire aussi : “La souveraineté numérique européenne : un défi existentiel à l’ère du cloud”

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