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Les touristes boudent les États-Unis : le pays pourrait perdre jusqu’à 29 milliards de dollars

États-Unis
Les touristes boudent les États-Unis : le pays pourrait perdre jusqu’à 29 milliards de dollars. Getty Images

Alors que le tourisme mondial connaît un véritable essor, les États-Unis se démarquent cette année par un net recul. Des dizaines de millions de visiteurs étrangers délaissent le pays, privant l’économie américaine de près de 29 milliards de dollars et menaçant des millions d’emplois.

 

Faits marquants

  • Une étude publiée le mois dernier par leWorld Travel & Tourism Council (WTTC), qui analyse l’impact économique du tourisme dans 184 pays, révèle que les États-Unis sont le seul pays où les dépenses des touristes internationaux devraient baisser en 2025.
  • Selon le WTTC, les États-Unis devraient perdre 12,5 milliards de dollars en recettes touristiques internationales cette année par rapport à 2024.
  • Cependant, ce chiffre pourrait en réalité être bien plus élevé. L’institutTourism Economics (filiale d’Oxford Economics) prévoyait initialement une hausse de 9 % du tourisme entrant en 2025, ce qui aurait représenté 16,3 milliards de dollars de revenus supplémentaires.
  • Ce même institut a depuis revu ses prévisions : il anticipe désormais une baisse de 8,2 % du tourisme international, soit une variation de 17,2 % par rapport à ses prévisions initiales.
  • Résultat : au lieu d’un gain de 16,3 milliards, les États-Unis se dirigent vers une perte comprise entre 8,3 milliards (selon Tourism Economics) et 12,5 milliards (selon le WTTC).
  • Au total, le manque à gagner pour l’économie américaine se situerait donc entre 25 et 29 milliards de dollars en 2025.

 

Pourquoi les voyageurs internationaux évitent-ils les États-Unis cette année ?

« Pendant que d’autres pays déroulent le tapis rouge, le gouvernement américain, lui, affiche un panneau fermé », a déclaré Julia Simpson, présidente-directrice générale du World Travel & Tourism Council (WTTC), dans un communiqué.

Dans sa récente note, Tourism Economics explique la forte baisse prévue des visiteurs en 2025 (avec notamment une chute de 20,2 % des arrivées canadiennes et 4,9 % depuis l’Europe de l’Ouest) par un climat de défiance envers les États-Unis.

Cette méfiance s’explique par les mesures prises sous l’administration Trump : taxes douanières, interdictions de voyager, discours agressifs et politique migratoire restrictive, qui ont durablement refroidi l’enthousiasme des touristes étrangers.

Rien ne laisse présager un retournement de tendance à court terme. « Nous sommes à la moitié de l’année et les effets sont déjà bien visibles. Il est difficile de dire quand le pire sera atteint, mais la tendance devrait se maintenir », souligne Aran Ryan, directeur des études sectorielles chez Tourism Economics, à Forbes. « Nous partons du principe que cet impact persistera au moins jusqu’à la fin du mandat présidentiel. »

 

Quels sont les touristes dont l’absence pèse le plus sur l’économie américaine ? 

La chute du nombre de visiteurs venus du Canada est particulièrement coûteuse pour les États-Unis. En 2024, les touristes canadiens représentaient environ un quart de l’ensemble des visiteurs étrangers, selon l’Office du tourisme des États-Unis.

L’an dernier, les Canadiens ont dépensé 20,5 milliards de dollars aux États-Unis ; soit presque le double des dépenses des Américains dans les restaurants McDonald’s sur la même période.

Et la tendance ne s’inverse pas : en mai, les arrivées canadiennes ont chuté de 38 % par la route et de 24 % par avion, par rapport à mai 2024. C’est le cinquième mois consécutif de baisse marquée, après des reculs à deux chiffres déjà observés en mars et avril.

Lors des conférences de résultats du premier trimestre début mai, plusieurs dirigeants de grands groupes hôteliers et touristiques ont confirmé que les Canadiens voyageaient toujours autant, mais ailleurs qu’aux États-Unis.

Mark Hoplamazian, PDG de Hyatt, a qualifié le phénomène de véritable « survol » : les touristes canadiens semblent désormais éviter purement et simplement le pays.

 

Les politiques de Trump ont-elles un impact sur les voyages des Américains à l’étranger ?

Depuis plusieurs mois, des médias comme CNN, USA Today ou la BBC rapportent une hausse de l’anxiété chez les voyageurs américains, qui redoutent une hostilité accrue à l’étranger en raison de l’image internationale des États-Unis.

Un sondage éclair mené par Global Rescue en mars, juste après un discours de Donald Trump devant le Congrès, révèle que 72 % des 11 000 répondants (majoritairement basés aux États-Unis et au Canada) estiment que les Américains seront perçus plus négativement à l’étranger en 2025, à cause des dernières propositions de politique étrangère du pays.

(Dans un autre registre, le Département d’État des États-Unis a émis une alerte mondiale de prudence le lendemain du bombardement de l’Iran par les États-Unis, conseillant aux citoyens américains de redoubler de vigilance lors de leurs déplacements à l’international.)

Par ailleurs, certains rapports signalent que des Américains craignent d’être fouillés, harcelés ou détenus à leur retour aux États-Unis, notamment en lien avec des critiques de Trump publiées sur les réseaux sociaux.

Sous les deux mandats Trump, l’Union américaine pour les libertés civiles (ACLU) a d’ailleurs mis en garde contre les fouilles électroniques arbitraires à la frontière : des téléphones ou ordinateurs de citoyens américains ont parfois été confisqués pendant plusieurs semaines, voire des mois.

Le site officiel de la douane américaine (U.S. Customs and Border Protection) précise : « Tous les voyageurs franchissant la frontière des États-Unis peuvent être soumis à une inspection. Il arrive rarement que les agents examinent les téléphones, ordinateurs ou appareils électroniques. Moins de 0,01 % des voyageurs internationaux sont concernés. »

Pourtant, les témoignages se multiplient. Le mois dernier, l’influenceur turco-américain Hasan Piker aurait été   à l’aéroport international O’Hare de Chicago après un voyage en France. Il affirme que des agents fédéraux lui ont demandé : « Est-ce que tu apprécies Donald Trump ? »

Plus récemment, un consultant politique américain, de retour de vacances en famille aux îles Turques-et-Caïques, a été placé en salle de rétention pendant 45 minutes, selon le Los Angeles Times. Aucune raison ne lui a été communiquée, mais il suppose que cela pourrait être dû à un T-shirt Obama-Biden retrouvé dans sa valise.

 

Cette tendance à la baisse peut-elle être inversée ?

« C’est un signal d’alarme pour le gouvernement américain », a déclaré Julia Simpson. « Sans mesures urgentes pour restaurer la confiance des voyageurs internationaux, il pourrait falloir plusieurs années aux États-Unis pour retrouver les niveaux de dépenses touristiques d’avant la pandémie. »

Pourtant, l’administration Trump et le Parti républicain semblent faire la sourde oreille. Un comité sénatorial dirigé par le sénateur Ted Cruz a proposé de réduire drastiquement le budget de Brand USA, l’organisme public-privé chargé de la promotion touristique du pays, passant de 100 millions à seulement 20 millions de dollars.

La U.S. Travel Association s’est dite « profondément préoccupée » par cette proposition, affirmant que « chaque dollar investi en marketing par Brand USA génère 25 dollars pour l’économie américaine », et avertissant que ces coupes sévères « affecteraient gravement tous les secteurs de l’industrie touristique ».

 

Un article de Suzanne Rowan Kelleher pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie


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