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Racem Flazi (LegalPlace) : « Il faut faire de l’entrepreneuriat un jeu d’enfant »

RacemFlazi,, co-fondateur et CEO de LegalPlace / Crédits : LegalPlace
RacemFlazi,, co-fondateur et CEO de LegalPlace / Crédits : LegalPlace

Avec plus de 300 000 utilisateurs et 12 % des créations d’entreprises en France à son actif, LegalPlace est devenu en quelques années un acteur incontournable de l’accompagnement des TPE. Son cofondateur et CEO, Racem Flazi, revient pour Forbes France sur son parcours, la trajectoire de LegalPlace, l’impact de l’IA générative sur les métiers juridiques et comptables, et sa vision d’un entrepreneuriat plus accessible, au service de l’économie réelle.

Forbes France : Comment est née l’idée de LegalPlace ?

Racem Flazi : J’étais élève-ingénieur à CentraleSupélec et j’avais besoin de financer un séjour à Cambridge. J’ai alors lancé une petite entreprise de prestations de services. Avec le recul, j’ai compris que je m’étais confronté très tôt aux difficultés administratives et comptables des entrepreneurs. Après mes études, je suis passé par le conseil, puis j’ai pris un CDI pour finaliser ma naturalisation – mon père est syrien, ma mère algérienne – car le statut d’entrepreneur reste complexe lorsqu’on vient de l’étranger.

En 2017, on lance officiellement LegalPlace. À l’origine, c’était une legaltech pure : automatisation de la création d’entreprise, rédaction de contrats, fermeture de sociétés… Aujourd’hui, c’est presque davantage une fintech : nos revenus récurrents proviennent majoritairement de l’offre de comptabilité et du compte pro. L’objectif est de devenir l’” operating system” des TPE, en simplifiant tout leur quotidien administratif et financier.

Quelle a été la décision stratégique la plus déterminante dans cette trajectoire ?

R.F. : Avoir choisi une approche multi-spécialiste, avec plusieurs briques légales et comptables. Nous immatriculons à ce jour 12 % des nouvelles sociétés en France, avec un coût d’acquisition très optimisé. Cela nous permet de croître rapidement sur la partie fintech, qui offre des revenus récurrents – un modèle plus sain et rentable qu’une legaltech classique.

Après une levée de 20 millions d’euros en 2022 pour développer LegalPlace Compta, où en êtes-vous ? Une nouvelle levée est-elle à l’ordre du jour ?

R.F. : Nous pouvons lever à nouveau, mais ce n’est pas une nécessité immédiate. On est en discussions, mais rien n’est acté. En 2024, notre chiffre d’affaires a déjà crû de 70 % par rapport à 2023, et de 60 % sur le premier semestre. Dans un marché devenu très exigeant, pouvoir se passer de levées est un vrai atout. Les investisseurs regardent surtout les entreprises rentables, notamment pour les séries B et C. Le paradoxe, c’est que ce sont celles qui ont le moins besoin de lever qui réussissent à le faire. D’ailleurs, beaucoup de start-up qui n’avaient pas la trésorerie pour résister vont sans doute disparaître.

Quelles erreurs juridiques reviennent le plus souvent chez les TPE que vous accompagnez ?

R.F. : Nos clients sont des artisans, commerçants de proximité, e-commerçants… L’entrepreneuriat est en plein boom, surtout chez les jeunes générations qui cherchent du sens, ou chez les salariés en reconversion. Le phénomène des “side projects” explose aussi. Il faut faire de l’entrepreneuriat un jeu d’enfant, rendre la création d’entreprise accessible, presque ludique : se lancer doit devenir formateur, même si on échoue.

Parmi les erreurs fréquentes : croire que la TVA leur appartient – une erreur de base, car il faut toujours raisonner en hors taxes. Côté juridique, certains ont tellement peur qu’ils n’osent pas se lancer. Il faut aller à l’essentiel : choisir entre SARL et SAS, faire du chiffre, et ensuite se préoccuper des complexités comme la protection de marque.

Le premier trimestre 2025 a vu une forte baisse des investissements en capital-risque. Un assainissement salutaire ou un signal d’alerte ?

R.F. : Plutôt un assainissement. Il n’a jamais été aussi simple d’entreprendre en France qu’aujourd’hui. Le passage de l’idée à la concrétisation est rapide. Chez LegalPlace, notre clientèle est franco-française et composée d’acteurs de l’économie réelle. Ce sont des TPE, pas des start-up. Donc les effets de bulles spéculatives nous touchent peu. Même pendant le confinement, certains de nos clients – comme les restaurateurs – ont su s’adapter et profiter de la hausse des livraisons.

Un exemple récent : les financements de startups se tarissent, car moins d’argent est disponible pour cette classe d’actifs, donc moins de création de société de type startups se fait aujourd’hui, et ce manque de financement vient en partie du fait que les boomers anglo-américains en retraite retirent leur argent des fonds pour vivre, ce qui conduit à plus de consommation d’expériences physiques touristiques ou autres, ce qui produit plus de sociétés dans ce secteur. On le voit dans les prix des nuits d’hôtels qui ont beaucoup progressé dans les dernières années.

VivaTech 2025 a mis en avant la souveraineté numérique. Que vous évoque ce concept appliqué au droit ?

R.F. : Le monde devient plus instable. Moins de souveraineté signifie moins de poids dans les négociations internationales. Il est essentiel que les acteurs français réussissent sur leur marché local. La France est un petit marché, mais l’Europe peut rêver grand.

Le partenariat Nvidia-Mistral, par exemple, semble davantage lié à l’achat de puces qu’à un vrai projet commun. Espérons que Mistral ne finira pas comme Dailymotion ou Viadeo. Il faut créer des géants solides. Et pour cela, il faudra aussi une bourse européenne capable de soutenir des licornes qui ne souhaitent pas se vendre à des Américains.

L’IA bouleverse déjà les usages juridiques. Quelle est votre approche de l’innovation chez LegalPlace ?

R.F. : Beaucoup de gens utilisent déjà ChatGPT pour comprendre leurs contrats ou détecter des failles. C’est parfois plus simple qu’un professionnel, plus transparent. Comptabilité et droit seront parmi les domaines les plus impactés par l’IA, car ils sont très bien codifiés, mais sont fondés sur le langage naturel, et grâce aux LLMs, ça devient transposable en code informatique facilement.

Chez nous, l’IA est au cœur du produit, mais toujours supervisée par des humains. Il y a deux ans, 80 % des dossiers de création de sociétés devaient être corrigés manuellement. Aujourd’hui, c’est seulement 20 %. La machine apprend, comme une Tesla qui s’améliore après des milliers de kilomètres.

Et ChatGPT ne nous dépassera jamais totalement sur notre secteur : il n’a pas accès aux décisions de justice les plus récentes, ni aux usages du marché, ni aux comportements et règles des administrations locales. Nos données propriétaires et notre base clients nous donnent un net avantage. Notre prochain grand défi ? Permettre une création de société instantanée, dans la journée. Un challenge technologique énorme, mais à portée.

Une dernière chose à ajouter ?

R.F. : Notre mission reste la même depuis le début : démocratiser l’entrepreneuriat. C’est pour cela qu’on veut faire de la création d’entreprise un réflexe, et même un jeu d’enfant.


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