Les livraisons de véhicules au deuxième trimestre devraient enregistrer l’un des reculs annuels les plus marqués de l’histoire de l’entreprise, au moment même où la version sénatoriale du budget proposé par Trump prévoit une suppression progressive des crédits d’impôt pour les véhicules électriques dans les mois à venir.
La colère d’Elon Musk face au projet de budget de Donald Trump (qui creuserait massivement le déficit fédéral) laisse entrevoir le risque d’un nouvel accès d’imprudence de la part du milliardaire, avec des conséquences potentielles pour ses entreprises, à commencer par Tesla. Cette escalade intervient alors que le constructeur s’apprête à annoncer une chute marquée de ses ventes de véhicules électriques.
Dans le même temps, Tesla se prépare à perdre les incitations fiscales fédérales sur la vente de ses véhicules et ses services de recharge. Et son ambitieux projet de robotaxi pourrait se heurter aux nouvelles réglementations que l’administration Trump est en train d’élaborer.
« L’administration Trump sait à quel point les véhicules électriques sont cruciaux pour l’avenir de Musk et de Tesla. Ralentir le déploiement des robotaxis serait un coup particulièrement dur », souligne Loren McDonald, analyste en chef chez Paren, société spécialisée dans les données sur l’industrie des VE. « L’autre risque majeur concerne les contrats gouvernementaux de SpaceX, qui pourraient à présent être remis en question. »
Les entreprises d’Elon Musk ont bénéficié d’au moins 30 milliards de dollars d’aides publiques depuis 2010. Tesla et SpaceX doivent une part importante de leur essor à un soutien massif de l’État fédéral ces 15 dernières années. Selon Forbes, les sociétés d’Elon Musk ont reçu plus de 30 milliards de dollars d’aides publiques depuis 2010 (entre autres sous forme de contrats gouvernementaux pour les lancements de fusées et satellites de SpaceX), d’un prêt fédéral à taux réduit pour la première usine Tesla, ou encore par la vente de crédits de pollution générés grâce aux réglementations fédérales et californiennes.
« Elon reçoit peut-être plus de subventions que n’importe quel être humain dans l’histoire, et de loin. Sans subventions, il devrait probablement fermer boutique et rentrer chez lui en Afrique du Sud », a lancé Donald Trump sur Truth Social. « Plus de fusées, plus de satellites, plus de voitures électriques… et notre pays économiserait une FORTUNE. »
Si SpaceX reste stratégique pour le gouvernement américain et peu exposée à court terme, Tesla, elle, pourrait être bien plus vulnérable. À partir de septembre, les acheteurs de véhicules électriques pourraient perdre le crédit d’impôt fédéral de 7 500 dollars, tandis que les subventions destinées à soutenir le développement du réseau national de recharge pourraient également disparaître. Par ailleurs, l’administration pourrait durcir les normes de sécurité pour les véhicules autonomes, ce qui freinerait les ambitions de Musk dans le domaine des robotaxis, présentés comme un futur moteur de croissance pour Tesla.
Après une décennie de croissance ininterrompue, Tesla marque le pas. Les ventes mondiales du constructeur ont commencé à fléchir, avec une baisse de 13 % au premier trimestre. Et la tendance semble se poursuivre : selon les estimations du consensus, Tesla (dont le siège est à Austin) devrait annoncer environ 380 000 livraisons de voitures et de crossovers électriques pour le deuxième trimestre, soit une baisse de 14 % sur un an. Et ce chiffre pourrait encore s’avérer trop optimiste.
Des analystes comme Edison Yu, de la Deutsche Bank, anticipent un recul plus sévère, estimant les livraisons à environ 355 000 unités, en baisse de 20 %, dans un contexte de chute brutale des ventes en Europe, de ralentissement en Amérique du Nord et même d’essoufflement en Chine (pourtant le principal marché et centre de profit de Tesla). « Nous pensons que Tesla affichera des livraisons inférieures aux attentes du consensus, mais cela ne devrait pas surprendre : les anticipations des investisseurs sont déjà revues à la baisse », écrit Edison Yu dans une note. Il table sur 1,6 million de véhicules vendus pour l’ensemble de l’année, soit près de 10 % de moins qu’en 2024.
La dégringolade de Tesla au cours de l’année écoulée s’est déroulée alors qu’Elon Musk soutenait jusqu’à récemment Donald Trump de manière ouverte et financièrement généreuse. Après s’être retiré en mai de la tête de l’initiative DOGE, très critiquée pour avoir conduit à la suppression arbitraire de milliers d’emplois fédéraux, Musk s’est publiquement opposé début juin à Trump sur le projet de loi budgétaire surnommé « One Big Beautiful Budget Bill », dénonçant l’explosion des dépenses fédérales qu’il impliquait.
Six jours plus tard, Musk a opéré un revirement, cherchant à apaiser les tensions avec le président en supprimant notamment un message controversé liant Trump au scandale Jeffrey Epstein. Mais la semaine dernière, il a de nouveau rompu son silence, à la suite de la publication d’une version préliminaire du projet de loi sénatorial qui prévoit d’augmenter le déficit fédéral de 3 200 milliards de dollars (un montant encore supérieur à celui adopté à la Chambre des représentants) et qui ferait grimper le plafond de la dette de cinq mille milliards de dollars, un record historique.
Au-delà de ses critiques sur les dépenses publiques, Elon Musk a averti : « Ce plan éliminera des millions d’emplois aux États-Unis et causera d’énormes dommages stratégiques à notre pays. Il fait des concessions aux anciennes industries, mais détruit les industries du futur. »
Face à ces déclarations et aux rumeurs selon lesquelles Musk envisagerait d’investir massivement pour battre aux prochaines élections les membres du Congrès ayant soutenu la loi, Donald Trump a répondu avec un trait d’humour amer : « Je vais peut-être devoir mettre le DOGE contre Elon… Le DOGE est le monstre qui pourrait revenir manger Elon. Je ne pense pas qu’il devrait jouer ce jeu avec moi. »
Donald Trump a même laissé entendre qu’il « examinerait » la possibilité d’expulser la personne la plus riche du monde, un Sud-Africain naturalisé américain. Si cette perspective semble peu probable, il dispose néanmoins de leviers pour infliger de sérieux revers à son ancien soutien en intensifiant les enquêtes sur Tesla. Il pourrait, par exemple, pousser la National Highway Traffic Safety Administration à renforcer son enquête de longue haleine sur les fonctions Autopilot et Full Self-Driving, impliquées dans plusieurs accidents mortels.
Par ailleurs, il pourrait exercer une pression accrue sur la Securities and Exchange Commission pour qu’elle vérifie la véracité de certains propos publics de Musk concernant Tesla, ou qu’elle se penche sur la forte dépendance de l’entreprise à la fabrication en Chine. « Il est furieux d’avoir perdu son influence sur les véhicules électriques. Très furieux », a confié Trump aux journalistes mardi. « Et il risque de perdre bien plus encore, croyez-moi. »
Mardi, les actions Tesla ont chuté de 5,3 %, clôturant à 300,71 dollars sur le Nasdaq, après avoir déjà perdu 26 % depuis le début de l’année.
Un article de Alan Ohnsman pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie
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