Dans un contexte d’instabilités politiques, de tensions économiques et de réglementations fragmentées, alors que la transition écologique reste un impératif stratégique, l’ESG ne peut plus se permettre d’être un supplément d’âme. L’écosystème doit non seulement prouver sa capacité à générer un impact positif sur le monde en tant qu’entreprise, tout en produisant des avantages compétitifs et des retours économiques tangibles.
Une contribution de Grégoire Hug, cofondateur et PDG de WeeFin
La finance durable et les défis du monde
Après de longues années d’émergence aux États-Unis comme en France, des pas de géants ont été faits en matière de finance durable depuis la COP21 de 2015 : d’un côté, les travaux de vulgarisation scientifique liés à l’environnement ont développé la volonté des populations de voir leur argent mieux investi, et de l’autre, les réglementations ont poussé les acteurs financiers à davantage prendre en compte les aspects de durabilité dans leurs investissements. Au-delà même de la notion coercitive, une véritable prise de conscience collective a eu lieu.
Et pourtant, depuis le début de l’année, nous pouvons souvent lire que la finance durable connaît quelques revers. Dans un contexte macroéconomique difficile, le budget des institutions financières est en baisse. Les réglementations et les standards se voient de plus en plus fragmentés : le règlement SFDR [1] à destination des acteurs financiers va être remodelé d’ici la fin de l’année, les standards de l’ISSB [2] ne sont pas suivis, et le scope de la directive CSRD [3] qui promeut des pratiques plus durables au sein des entreprises a été drastiquement réduit, restreignant ainsi le nombre de données utilisables par les investisseurs.
Sans parler de l’élection de Donald Trump de l’autre côté de l’Atlantique : les chimères climato-sceptiques gagnent-elles du terrain au point de toucher l’Europe, qui a toujours été un meneur en la matière ?
Des institutionnels conscients de l’urgence environnementale… et économique
Bien que semblent souffler les vents contraires, les institutions financières européennes, elles, restent massivement impliquées dans la transition des modèles d’investissement et de financement. Dans son dernier rapport, la Norges Bank – le pendant norvégien de Bpifrance, avec des moyens financiers plus étendus – expliquait à quel point l’ESG était devenu un pilier essentiel de sa stratégie actuelle, et non future. La raison ? Selon ses analyses, 20% de son portefeuille est actuellement à risque, avec des projections allant jusqu’à 27%, à cause du changement climatique.
Ce que cela signifie, c’est qu’au-delà des risques environnementaux encourus, les risques économiques pourraient faire passer la crise de 2008 comme une crise mineure à moyen-terme. Un constat partagé par les dirigeants de BlackStone et d’Apollo, des gestionnaires d’actifs américains et soutiens pourtant connus de Donald Trump, qui déclarent voir en l’Europe une stabilité et une vision qu’ils ne retrouvent pas actuellement aux États-Unis [4].
Même son de cloche dans la dernière étude BNP Paribas sur l’ESG : 87% des investisseurs institutionnels poursuivent leurs engagements ESG malgré le contexte macroéconomique et géopolitique. En revanche, ceux-ci sont plus précautionneux sur la manière dont ils communiquent autour de ces investissements, et continuent de rencontrer de nombreux challenges. Deux d’entre eux sont la collecte et la qualité des données à analyser pour poursuivre leurs ambitions, et les tensions entre le retour sur investissement court-terme et leurs objectifs long-terme.
Face à l’impératif de l’efficacité
Nous pourrions résumer que ce sont ces challenges qui cristallisent tout l’enjeu des entreprises de la finance durable. Aux défis économiques que rencontrent les institutions financières, l’écosystème doit répondre par des solutions capables de démontrer leur rentabilité, leur utilité, leur réelle valeur ajoutée. Il ne s’agit plus de proposer du simple reporting, mais bien des stratégies qui soient intégrées au cœur des modèles d’affaires, capables de produire un impact concret, qui puissent transformer durablement les modèles d’investissement et de financement.
Des exemples solides émergent à travers des modèles hybrides, à la croisée de la technologie et de l’économie réelle. Et tous ont un point commun : un ancrage stratégique dans des chaînes de valeur existantes, adressant une problématique profonde.
Le marché est mature, et les acteurs qui continueront d’intégrer l’ESG dans leur stratégie globale sortiront renforcés des chocs à venir. Et de l’autre côté du miroir, les entreprises qui réussiront à apporter des solutions concrètes à ces défis deviendront, par la force des choses, des leaders d’une nouvelle économie verte, durable et compétitive.
[1] SFDR : Sustainable Finance Disclosure Regulation
[2] ISSB : International Sustainability Standards Board
[3] CSRD : Corporate Sustainability Reporting Directive
[4] Ces déclarations ont été tenues lors de l’événement SuperReturn, sur le private equity, à Berlin en juin 2025
À lire également : Incertitudes autour de l’avenir de la législation européenne sur le greenwashing alors que la directive sur les allégations environnementales est en perte de vitesse

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