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Mode : le secteur du luxe peut-il rivaliser avec les « dupes » de la fast-fashion ?

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Luxe vs fast-fashion. | Source : Getty Images

Le secteur du luxe, réputé pour sa qualité et son savoir-faire, occupe une place bien définie dans le monde de la mode. Des entreprises comme Hermès et LVMH ont fidélisé une clientèle qui apprécie leurs créations intemporelles et leur caractère exclusif. Cependant, avec la demande croissante de « dupes », des copies abordables et de haute qualité, la fast-fashion représente un défi de taille pour les marques de luxe. Le fait de proposer des copies convaincantes à un prix très inférieur attire les consommateurs qui souhaitent bénéficier d’un look haute couture sans payer le prix fort.

 

Avec la Gen Z et les Millenials, très présents sur les réseaux sociaux, qui dictent les tendances de consommation, des plateformes telles que TikTok et Instagram offrent un avantage markéting à la fast-fashion. L’exposition constante aux publications sur les réseaux sociaux comparant les marques de luxe authentiques à des copies, baptisées « dupes », influence l’état d’esprit des jeunes consommateurs, qui s’interrogent souvent sur le bien-fondé des prix élevés des marques de luxe.

Les consommateurs ont le choix entre la qualité à long terme des marques de luxe et la satisfaction immédiate offerte par les articles de fast-fashion à petit prix. Si les consommateurs reconnaissent qu’ils achètent des dupes de moindre qualité, la fast-fashion tente de reproduire l’apparence du luxe, et non le savoir-faire qui se cache derrière. La prévalence des dupes soulève une question urgente pour l’industrie : la fast-fashion pourrait-elle constituer une menace existentielle pour les marques de luxe traditionnelles ?

 

La fast-fashion met la pression sur l’identité des marques de luxe

La fast-fashion a gagné en popularité en imitant l’apparence et le style des marques de luxe à un prix bien inférieur. Les tendances des défilés sont rapidement reproduites et rendues facilement accessibles aux acheteurs. Alors que l’écart entre le secteur du luxe et la fast-fashion continue de se creuser, de nombreux aspirants consommateurs réévaluent la valeur des produits haut de gamme. Sur TikTok, où des influenceurs très suivis présentent des alternatives abordables à des articles de luxe aux similitudes frappantes, la culture du « dupe » est l’un des principaux moteurs de cette tendance.

Le plaisir de trouver un dupe de haute qualité qui rivalise avec l’attrait de l’article original représente un défi pour la valeur des marques de luxe. Même des marques bien connues comme Steve Madden et Target ont adopté cette tendance, empruntant ouvertement à des créateurs comme Hermès, Prada et YSL.

La fast-fashion a ses détracteurs. Si elle offre des styles tendance à des prix imbattables, la production à grande échelle a un coût important en termes de qualité, d’éthique et d’environnement. Reposant sur cycles de production rapides, de nombreux articles de fast-fashion sont fabriqués à partir de matériaux de mauvaise qualité et dans des pays en développement où les salaires sont bas. La fast-fashion est responsable de 10 % des émissions mondiales de carbone, consomme plus de 141 milliards de mètres cubes d’eau par an et contribue à 35 % des microplastiques dans les océans, des problèmes que la Gen Z et les Millenials semblent ignorer.

L’accessibilité financière, principal attrait de la fast-fashion, pourrait bientôt être remise en question. Depuis le 2 mai 2025, l’exonération des droits de douane de 800 dollars pour les colis de faible valeur est supprimée outre-Atlantique. De ce fait, toutes les importations en provenance de Chine et de Hong Kong vers les États-Unis sont soumises à des droits et à des tarifs douaniers, quelle que soit leur valeur.

Cette évolution oblige les géants de la fast-fashion comme Shein et Temu à augmenter leurs prix. Ensemble, ces plateformes basées en Chine représentent environ 17 % du marché de la fast-fashion. Avec 30 % des consommateurs prêts à délaisser ces plateformes en cas d’augmentation des prix, le modèle de croissance de l’industrie pourrait être remis en question.

 

Le savoir-faire artisanal offre un avantage concurrentiel

Si les droits de douane sur les produits d’imitation bon marché peuvent apporter un certain soulagement, les marques de luxe doivent néanmoins continuer à communiquer clairement sur leur valeur ajoutée afin de justifier leurs prix élevés.

Les imitations ou les dupes peuvent reproduire l’aspect général d’un produit, mais ils ne peuvent pas reproduire l’expérience émotionnelle qui motive la fidélité à long terme des clients. La fast-fashion n’offre pas d’achat personnalisé, d’invitations à des évènements privés ni d’accès à des articles en édition limitée. Pour les clients fidèles à certaines marques, l’achat est autant une question d’expérience que de produit, ce que la fast-fashion ne peut pas reproduire.

Cependant, tous les consommateurs ne se soucient pas de l’expérience d’achat. Le Wirkin à 80 dollars de Walmart en est un bon exemple. Il est devenu viral fin 2024, grâce à TikTok et aux réseaux sociaux, de nombreux consommateurs étant à la recherche d’une alternative abordable au Birkin. Hermès n’a pas apprécié. « Faire une copie comme celle-ci est tout à fait honteux, c’est voler les idées créatives des autres », a déclaré le PDG Axel Dumas lors de la présentation des résultats annuels de Hermès en 2024. « Les gens connaissent la différence de qualité, personne ne pense acheter un véritable sac Hermès. »

Certaines maisons de luxe misent sur la durabilité pour se différencier. La ligne « Petit h » de Hermès, par exemple, transforme des matériaux inutilisés en pièces uniques, comme une guitare fabriquée à partir de pièces de selle. Cependant, l’image de supériorité éthique du luxe est de plus en plus remise en question. En 2024, des marques telles que Dior et Armani ont fait l’objet d’enquêtes pour abus de main-d’œuvre, et Loro Piana a été critiquée pour avoir versé seulement 280 dollars aux agriculteurs péruviens pour la laine utilisée dans des pulls à 9 000 dollars.

À mesure que les consommateurs deviennent plus sceptiques, la transparence et la responsabilité pourraient devenir un facteur plus important que la qualité supérieure des produits. Les attitudes et les tendances dans l’industrie de la mode peuvent changer très rapidement. Une dépendance excessive à l’artisanat pourrait ne pas suffire à attirer la prochaine génération d’acheteurs.

 

Les marques de luxe adoptent la technologie pour lutter contre la fast-fashion

Avec des ventes en ligne qui devraient représenter 20 % de l’ensemble des achats de luxe d’ici 2025, les marques haut de gamme accélèrent leur présence numérique. Par exemple, la fonctionnalité d’essayage de chaussures en réalité augmentée de Gucci dans son application a entraîné une augmentation de 300 % des ventes en ligne. Autre exemple, la collaboration entre Balenciaga et Fortnite, qui a permis d’introduire avec succès la mode haut de gamme dans le monde du jeu vidéo. Ce partenariat a réussi à séduire un public plus jeune et a généré un buzz considérable, avec plus de 18 000 mentions dans les médias.

L’adoption de la technologie par le secteur du luxe va au-delà du markéting. L’usine IA de LVMH est conçue pour améliorer l’expérience client et optimiser l’efficacité opérationnelle. En identifiant les préférences des clients à forte valeur ajoutée en fonction de leur comportement d’achat, en personnalisant les prévisions de la demande pour différentes régions et différents magasins et en déployant des stratégies de tarification dynamique qui tiennent compte des fluctuations monétaires et des niveaux de stock, LVMH tire parti de l’IA pour s’adapter aux changements du secteur et maintenir sa part de marché.

Le secteur connaît également une autre évolution : l’essor du marché des produits de luxe de seconde main. À mesure que les prix des produits de luxe neufs augmentent, les consommateurs se tournent de plus en plus vers le marché de la seconde main pour acheter des produits. Ce marché devrait passer de 27 milliards de dollars en 2022 à 82 milliards de dollars d’ici 2026.

Louis Vuitton et Prada utilisent la blockchain pour vérifier l’authenticité et protéger l’intégrité de leur marque, tandis que Vacheron Constantin délivre des passeports numériques pour suivre l’historique des produits. D’autres entreprises, telles que Gucci, Burberry et Stella McCartney, s’associent à des plateformes de revente ou lancent leurs propres plateformes afin de contrôler la revente.

 

La fast-fashion ne remplace pas le vrai luxe

L’évolution des comportements des consommateurs et l’influence de la culture numérique accélèrent les changements dans l’industrie de la mode. Que les acheteurs soient attirés par le luxe ou la fast-fashion dépend souvent de leurs valeurs personnelles : accès abordable aux tendances ou art et exclusivité.

La fast-fashion séduit une génération influencée par les réseaux sociaux et la gratification instantanée, en offrant une nouveauté constante à bas prix. À l’inverse, les marques de luxe offrent un héritage, une qualité et une expérience soignée. Ces deux segments sont confrontés à des défis de croissance et investissent dans des initiatives visant à préserver leur position dans l’industrie.

Des entreprises comme Hermès, qui a traversé de nombreux changements et défis au cours de ses 188 années d’existence, trouveront probablement le moyen de lutter contre la menace des dupes à bas prix. Il y aura toujours une place pour les marques qui se concentrent sur des produits de très haute qualité et offrent des expériences et des avantages uniques aux consommateurs.

Les marques de luxe doivent toutefois reconnaître la menace que représente la fast-fashion et continuer à évoluer. À mesure que les dupes et les contrefaçons deviennent de plus en plus sophistiquées, il sera de plus en plus difficile de maintenir le niveau élevé d’exclusivité et la proposition de valeur des marques de luxe haut de gamme. Les fournisseurs de produits de luxe devraient utiliser une partie de leurs marges brutes exceptionnellement élevées pour offrir à leurs clients plus que de simples produits : ils doivent leur proposer des expériences qu’ils ne peuvent vivre nulle part ailleurs.

 

Une contribution de Garth Friesen pour Forbes US, traduite par Flora Lucas


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