Une crise silencieuse traverse le monde de l’entreprise : le désengagement massif des salariés. En 2024, seuls 21% des actifs affirment se sentir réellement impliqués, un phénomène qui coûte chaque année plus de 8 milliards de dollars, soit près de 9% du PIB mondial. Le désengagement n’est pas un concept flou, c’est un coût réel, quotidien. Des projets qui stagnent, des équipes qui se fatiguent, des décisions qui traînent. Ce n’est pas la concurrence qui use les entreprises : ce sont leurs propres lenteurs internes.
Une contribution de David Bellaiche, Cofondateur de Corpogames
Le désengagement, un poison d’abord culturel
Le désengagement est d’abord une affaire de culture. Quand l’enthousiasme disparaît, c’est la défiance qui prend le relais. Les réunions deviennent défensives, la prise d’initiative se raréfie, chacun se retranche sur ses prérogatives personnelles, et personne ne porte plus le projet collectif. La connaissance tacite disparaît, les communautés d’apprentissage s’étiolent, et l’innovation se fige. L’entreprise se transforme alors en coquille vide, prisonnière de procédures alourdies et de contrôles incessants, tandis que les talents créatifs migrent vers des horizons plus stimulants.
Les cinq prochaines années seront décisives
Plusieurs tendances rendent la situation urgente : une nouvelle génération de salariés exige désormais une expérience de travail vivante, transparente et engageante. Le travail hybride, désormais permanent, demande de nouveaux rituels pour faire vivre le collectif. De plus, l’avènement de l’intelligence artificielle générative recentre la création de valeur sur la créativité et la résolution de problèmes, deux compétences incompatibles avec la démotivation ambiante. Enfin, le télétravail mondialisé ouvre une compétition planétaire pour les talents.
Dans ce contexte, le désengagement ne se combat pas avec des pansements (pour ne pas citer l’éternel exemple du baby-foot…). Il ne s’agit pas de distraire les équipes, mais de leur donner une raison de s’investir. Cela passe par une véritable expérience employée : des objectifs clairs, des repères visibles, des marques de reconnaissance régulières, et des moments qui nourrissent le sentiment d’appartenance.
Il s’agit plutôt de concevoir une vraie expérience employée, avec des objectifs clairs, des signes de progression visibles, de la reconnaissance fréquente et des moments qui nourrissent le sentiment d’appartenance.
L’engagement, un levier stratégique
Les leviers sont connus : défis collectifs, feedbacks instantanés, espaces d’expression, rituels dynamiques, possibilités d’explorer d’autres rôles ou compétences. Ce n’est pas du luxe, c’est un investissement. Les études convergent toutes vers la même conclusion : chaque point d’engagement en plus améliore la productivité, réduit le turn-over et accélère les apprentissages.
Là où la démotivation agit comme un impôt caché, l’engagement fonctionne comme un multiplicateur. Les entreprises avec un taux d’engagement supérieur à 70 % gagnent en moyenne un point de marge opérationnelle l’année suivante. Pour une ETI, cela peut représenter plusieurs millions d’euros réinvestissables.
Un nouveau rôle pour les managers
Les managers ne doivent plus être de simples garants de la performance. Leur mission devient celle de designers d’expérience : ajuster la difficulté, ouvrir des perspectives, modérer les tensions, nourrir la motivation. Offrir à chacun la possibilité d’apprendre, de tester, de contribuer autrement, c’est ainsi que l’on ravive la curiosité, et donc l’envie.
Enfin, la transparence devient clé. En partageant les indicateurs d’engagement et les décisions associées, l’entreprise montre que l’énergie humaine est une ressource stratégique. Et que chacun a un rôle actif dans le succès collectif.
Demain, on ne jugera plus seulement une entreprise à ses résultats financiers, mais à sa capacité à nourrir l’envie de grandir ensemble. L’engagement n’est plus un luxe. C’est une condition de survie.
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