Dans un monde où les crises s’enchaînent – pandémies, cyberattaques, tensions géopolitiques, dérèglement climatique, instabilité politique -, les entreprises découvrent leurs fragilités avec une acuité nouvelle. Face à cette “permacrisis”, une fonction émergente prend forme dans les organigrammes : celle de Directeur(rice) de la robustesse. Plus qu’une mode managériale, cette évolution répond à une nécessité stratégique vitale…
Une contribution de Chloé Beauvallet, Directrice générale OUTSOURCIA
Un mouvement qui s’accélère
L’émergence de directions dédiées à la robustesse n’est plus anecdotique. Depuis la crise sanitaire, les appellations se multiplient : Chief Resilience Officer (CRO), Directeur de la Robustesse Organisationnelle, Chief Risk and Resilience Officer. L’ONU a même créé un réseau officiel de Corporate Chief Resilience Officers pour promouvoir cette approche. Cette institutionnalisation témoigne d’une prise de conscience collective : la robustesse ne s’improvise pas, elle se construit.
Après la panne informatique mondiale qui a paralysé des millions d’ordinateurs en juillet 2024, George Kurtz, le CEO de CrowdStrike, a développé un framework “resilient by design” articulé autour de trois piliers : fondationnel (intégrer la résilience dans chaque processus), adaptatif (s’ajuster aux besoins spécifiques) et d’amélioration continue. Dans le secteur financier, plusieurs banques ont créé des postes combinant gestion des risques traditionnels, continuité d’activité et cybersécurité sous une même autorité.
Une réponse à l’impréparation généralisée
Une étude récente de McKinsey l’atteste : 84% des dirigeants se sentent mal préparés aux futures perturbations, tandis que 60% des membres de conseils d’administration estiment leurs entreprises non prêtes au prochain événement majeur. Cette lucidité inquiète, mais elle ouvre aussi des perspectives. Car les entreprises dotées d’équipes dirigeantes “décisives” sont 4,2 fois plus susceptibles d’être résilientes. La direction de la robustesse répond précisément à ce défi.
Sa mission ? Anticiper les risques multidimensionnels – numériques, monétaires, géopolitiques, environnementaux – et construire des stratégies de décentralisation et de redondance. Elle développe des systèmes anti-fragiles, réduit les points de défaillance unique, diversifie les chaînes d’approvisionnement et cultive une capacité d’adaptation rapide. La robustesse inscrit l’entreprise dans un temps long qui évite de chercher le résultat immédiat au détriment des résultats pérennes.
Une approche holistique indispensable
Contrairement aux fonctions traditionnelles de gestion des risques, souvent cloisonnées par domaine, la Direction de la robustesse adopte une vision systémique. Elle ne se contente pas de gérer l’après-crise, elle transforme l’organisation en amont et tout au long de la chaîne de valeur. Des outils spécialisés émergent déjà : indicateurs clés de résilience (KRI), scans d’évaluation des vulnérabilités, formations dédiées aux “Directeurs de la Résilience”. Seul à avoir une perspective d’ensemble, le CEO peut évaluer le niveau de résilience organisationnelle et l’intégrer dans l’ADN de l’entreprise. Mais ce pilotage au niveau global ne doit pas occulter la nécessité d’une fonction dédiée, capable de déployer opérationnellement cette vision stratégique.
Cette approche holistique implique d’inclure toutes les parties prenantes, internes et externes. Par exemple, tirer parti des savoir-faire d’entreprises acquises par M&A, des cultures de pays d’implantation, de ses différents métiers, des fondateurs historiques et des nouveaux venus… L’objectif n’est pas d’uniformiser ou de se limiter aux points communs, mais bien d’exploiter pleinement l’éventail de nos diversités et des talents individuels. Ces atouts pourraient se révéler essentiels à l’avenir, même si leur utilité n’est pas immédiatement évidente.
Un avantage concurrentiel déterminant
Au-delà de la protection, la robustesse ajoute une dimension résolument optimiste et devient un véritable levier pour écrire les succès durables. Les entreprises non seulement résilientes, mais robustes transforment les défis comme les opportunités. Dans un environnement économique volatile, cette capacité différencie les leaders des suiveurs. La création d’une Direction de la robustesse n’est donc plus une option, mais une nécessité stratégique. Les entreprises qui franchissent ce cap aujourd’hui prendront une longueur d’avance décisive.
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