Chaque année, plus de 175 zettaoctets de données sont générées dans le monde. Pourtant, l’immense majorité reste inutilisée. Coincées dans les silos des entreprises, ou dispersées dans les systèmes publics, ces données constituent pourtant un gisement de valeur encore trop peu exploité.
Une contribution de Matthias De Bièvre, Président de Prometheus-X et fondateur de VISIONS
Du repli à la stratégie : dépasser les craintes du partage
Malgré ce potentiel, beaucoup d’organisations hésitent encore à ouvrir leurs données. Derrière cette prudence se cachent des craintes légitimes comme la peur de perdre la maîtrise, le souci de préserver la confidentialité, ou encore l’angoisse de voir d’autres tirer profit de ce capital informationnel.
S’ajoute une confusion tenace entre deux modèles de circulation de l’information. D’un côté, l’open data, souvent perçu comme une mise à disposition incontrôlée de ses données. De l’autre, le shared data, qui repose sur des règles strictes, un cadre contractuel précis et un contrôle continu. C’est ce second modèle qui ouvre la voie à une nouvelle approche : une économie de la donnée maîtrisée.
Mais cette approche n’a de sens que si elle repose sur des solutions concrètes, robustes et interopérables. C’est ici que les data spaces (espaces de données) s’imposent comme la meilleure solution.
Les data spaces : infrastructures de confiance pour un partage sécurisé et stratégique
Les data spaces permettent aux entreprises de définir leurs propres règles de partage, de tracer les usages, et de garantir le respect du RGPD et des exigences de souveraineté. On ne parle plus d’un partage incontrôlé, mais d’un échange ciblé, sécurisé et traçable, dans un cadre de confiance.
Ces infrastructures offrent une solution concrète et mature pour dépasser les blocages actuels. Elles sont interopérables, modulables et conçues pour favoriser la coopération sans compromettre la propriété des données.
Mais pour qu’un data space fonctionne, il ne suffit pas qu’une poignée d’acteurs s’en empare. Il faut fédérer un réseau large et commun, réunissant entreprises, institutions, fournisseurs de technologies et utilisateurs finaux. Créer ces coalitions est la clé pour que les espaces de données atteignent leur plein potentiel.
Transformer l’échange en levier de compétitivité
La donnée n’est plus un simple actif technique : elle s’impose aujourd’hui comme un levier de compétitivité majeur vis-à-vis des États-Unis ou de la Chine. Son rôle dans la course à l’intelligence artificielle ou dans l’émergence de nouveaux services est central. Si elle ne circule pas, l’innovation ralentit. L’adoption de technologies avancées s’en trouve entravée, tout comme la capacité à répondre aux attentes du marché.
Partager les données dans un cadre sécurisé ne répond pas seulement à une logique économique. C’est aussi ce qui permet aux organisations d’accélérer leur transformation et d’améliorer leurs performances. En croisant des données hétérogènes dans un cadre structuré, on renforce également l’intelligence des systèmes d’IA. Une IA alimentée par des données actualisées et contextualisées, devient capable d’apporter des réponses précises, pertinentes et individualisées. C’est là que réside l’enjeu principal : dans la capacité à activer les données pour rendre les services plus justes et plus performants.
Ce nouvel élan est renforcé par des mécanismes comme la tokenisation. Ce système transforme les données en actifs numériques. Au lieu de les céder ou de les exposer, une entreprise peut choisir de les valoriser autrement : en échangeant l’accès contre des jetons, qui donnent ensuite droit à d’autres services ou ressources. Cette dynamique circulaire renforce à la fois le contrôle, la compétitivité et la transparence.
Ouvrir ses données, c’est choisir d’avancer
La donnée est donc une matière première qui ne génère de valeur que si elle est extraite, transformée et partagée. Et ce partage doit se faire dans un cadre structuré, sécurisé et souverain : les data spaces. C’est dans cette direction que se tourne l’économie des données.
Refuser de partager ses données, c’est passer à côté d’un levier de croissance, de résilience et d’innovation. Les technologies sont prêtes. Les outils existent. Les cadres réglementaires sont en place. Ce qu’il manque encore, c’est une volonté stratégique, tant publique que privée, pour passer à l’action.
La donnée ne doit plus être enfermée comme un actif figé. Elle doit être activée, dans un cadre maîtrisé, au service de nouveaux usages. Car partager ce n’est pas s’exposer. C’est innover dans un écosystème de confiance, de traçabilité et de performance.
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