Ils avaient tout pour s’entendre : l’outrance, la toute-puissance, et cette conviction tenace d’être seuls contre le monde. L’un a redessiné la politique comme un reality show. L’autre a redéfini l’innovation comme une aventure spatiale à coups de tweets et de techno-messianisme. Mais le duel était inévitable. Quand deux égos de cette ampleur se croisent, il n’y a pas d’alliance durable, seulement une guerre froide… jusqu’à l’implosion.
Une contribution de Fidel Martin, Président d’Exoé
Cette implosion a eu lieu publiquement, brutalement, et sans garde-fou. Une série de posts sur X, entre accusations d’ingratitude, menaces voilées et règlements de comptes dignes d’un feuilleton de série B. À ceci près que ce n’était pas une série : c’était le quotidien de Tesla, des marchés financiers, de millions d’investisseurs.
Résultat : quelque 150 milliards de dollars de valorisation partis en fumée en une journée. Pas pour une raison économique. Pas à cause d’un raté technologique, d’un échec commercial ou d’un changement réglementaire. Non : à cause d’une querelle entre deux hommes qui n’étaient en rien obligés d’être aussi centraux dans le destin de la tech mondiale.
Cet épisode grotesque met en lumière un problème de fond : la surpersonnalisation du pouvoir économique et technologique. La finance de marché s’est construite sur l’analyse rationnelle, la prévisibilité, la solidité des fondamentaux. Elle devient aujourd’hui dépendante de l’état d’esprit de quelques figures médiatiques qui peuvent, par une phrase ou une pique, faire dérailler des milliards.
Il faut bien le dire : Elon Musk n’est plus simplement un entrepreneur. Il est devenu une variable macroéconomique à lui seul. Quand il soutient un candidat, les actions réagissent. Quand il s’en désolidarise, elles plongent. Quand il ironise, c’est tout un secteur qui retient son souffle. En face, Donald Trump n’est pas en reste. Sa campagne, son omniprésence médiatique, son influence sur la droite américaine sont autant de leviers de déstabilisation potentielle. Le croisement des deux ? Un cocktail explosif.
Ce que cette querelle révèle avec violence, c’est à quel point les marchés sont devenus vulnérables aux logiques de storytelling et d’égo. Là où l’on devrait voir des structures solides et résilientes, on découvre des châteaux de cartes reposant sur une poignée de figures ultra-médiatisées. Là où l’on attendait des CEO responsables, on assiste à des querelles de cours d’école.
Cela devrait interroger profondément les investisseurs, les analystes, les régulateurs. Comment avons-nous pu en arriver à une telle dépendance psychologique vis-à-vis d’individus imprévisibles ? Comment expliquer que la valeur d’une entreprise comme Tesla, pourtant adossée à une industrie en forte croissance, puisse être si facilement affectée par une rupture d’ordre politique ou personnelle ?
Cela devrait interroger profondément les investisseurs, les analystes, les régulateurs. Comment avons-nous pu en arriver à une telle dépendance psychologique vis-à-vis d’individus imprévisibles ? Comment expliquer que la valeur d’une entreprise comme Tesla, pourtant adossée à une industrie en forte croissance, puisse être si facilement affectée par une rupture d’ordre politique ou personnelle ?
Ce n’est pas une anecdote, c’est une alerte. Un signal rouge qui devrait pousser à réévaluer les critères d’évaluation, de gouvernance, de résilience des grandes entreprises. Le charisme ne fait pas la solidité. Le génie ne garantit pas la stabilité. Et un compte X ne remplace pas un conseil d’administration structuré.
À force de confondre puissance entrepreneuriale et toute-puissance personnelle, on court à la catastrophe. Ce qui se joue aujourd’hui entre Musk et Trump n’est pas qu’un affrontement d’égos : c’est un révélateur d’une financiarisation vulnérable, soumise au tempo capricieux des réseaux sociaux et à l’humeur de ses idoles.
Il est temps de s’interroger. Pas seulement sur la personnalité d’Elon Musk. Pas seulement sur les ambitions de Donald Trump. Mais sur la place que nous avons laissée à ces figures dans nos équilibres économiques. Car si le destin de Tesla dépend d’un tweet, alors c’est tout un modèle qu’il faut revoir.
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