L’Union européenne est sur le point de transformer en profondeur la manière dont les entreprises abordent la rémunération. La directive européenne sur la transparence salariale, adoptée en 2023 et qui entrera en vigueur en juin 2026, impose de nouvelles obligations aux employeurs, notamment le droit pour les salariés de connaître les critères de fixation des salaires et l’interdiction des clauses de confidentialité salariale.
Une contribution de Jeremy Mimoun, Country Leader France de Deel
L’objectif de cette directive est clair : réduire les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, qui atteignent encore en moyenne 13 % dans l’UE [1]. Mais au-delà de la conformité réglementaire, cette évolution traduit une attente sociale plus large. La transparence salariale n’est plus seulement un enjeu juridique : elle est désormais exigée par les collaborateurs eux-mêmes, de plus en plus informés grâce aux plateformes publiques de données salariales.
Dans une étude récente, 80% des Français estiment qu’une plus grande transparence des salaires serait bénéfique [2]. Les jeunes générations, notamment les moins de 35 ans, sont les plus mobilisées sur ce sujet. Elles y voient un moyen de lutter contre les inégalités, mais aussi de mieux comprendre leur progression professionnelle.
Poser les bases d’une transparence salariale durable
Pour réussir cette transition, les entreprises doivent aller au-delà de la publication de chiffres. Ce qui compte, c’est de rendre transparent le sens et la logique qui sous-tendent les décisions de rémunération. C’est pourquoi il est crucial de définir une philosophie de rémunération claire, appuyée par une stratégie solide et évolutive.
Une philosophie de rémunération fixe le cap : quelles sont les convictions de l’organisation en matière de rémunération ? L’entreprise souhaite-t-elle être en avance sur le marché, s’aligner ou être plus conservatrice ? Comment concilier équité interne et reconnaissance de la performance ? Les pratiques salariales doivent refléter les objectifs d’entreprise et sa culture.
Définir cette philosophie n’est pas toujours simple. Il faut tenir compte de la compétitivité du marché, des capacités financières, de l’équité entre fonctions et zones géographiques, tout en s’adaptant à des attentes collaboratives en constante évolution.
La stratégie de rémunération, quant à elle, permet de mettre ces principes en pratique : définition des grilles salariales, modalités des primes, revues de poste, mécanismes de communication… Cette stratégie doit être mise à jour régulièrement, à mesure que l’entreprise, les talents et les marchés changent.
Ces deux piliers sont essentiels pour répondre aux grandes questions que se posent les salariés : pourquoi un collègue gagne-t-il plus ? comment est déterminé le salaire ? comment faire pour qu’il évolue ?
Quand les managers peuvent répondre à ces questions avec clarté et cohérence, la confiance augmente, et le risque juridique diminue.
Un enjeu européen et mondial
La directive européenne place les entreprises de l’UE devant de nouvelles obligations claires : droit à l’information pour les salariés, obligation de communiquer les écarts de rémunération, interdiction de toute clause empêchant les collaborateurs de discuter librement de leur salaire.
Mais la dynamique ne s’arrête pas aux frontières de l’UE. Des pays comme la Norvège, le Royaume-Uni, le Canada ou les États-Unis avancent encore plus loin dans cette voie, avec des obligations de publication, des audits salariaux réguliers ou des lois sur l’égalité salariale.
Les entreprises européennes doivent donc se préparer à expliquer leur politique de rémunération non seulement aux autorités, mais aussi à leurs salariés actuels et futurs, où qu’ils se trouvent. Que vous recrutiez à distance en Espagne, en Allemagne ou aux Pays-Bas, il est désormais essentiel d’être capable de justifier comment et pourquoi les salaires sont fixés.
Commencez la conversation dès maintenant
La rémunération est au cœur de la relation entre un salarié et son employeur – à la fois contractuelle et émotionnelle. Être capable d’expliquer de façon structurée et transparente comment les salaires sont définis et évoluent, c’est renforcer l’engagement, la rétention et la confiance.
Mon message aux dirigeants européens est simple : n’attendez pas l’entrée en vigueur de la directive. Utilisez ce moment pour amorcer — ou renforcer — une vraie réflexion sur vos pratiques de rémunération. La question n’est plus de savoir si vous devez en parler, mais comment vous choisirez d’en parler.
[1] Rapport sur l’inégalité salariale homme-femme, Parlement Européen, 2020
[2] Sondage sur la transparence des salaires, IFOP, Deel, septembre 2024
À lire également : La transparence salariale européenne va révolutionner le marché du travail en Europe (et au-delà)

Abonnez-vous au magazine papier
et découvrez chaque trimestre :
- Des dossiers et analyses exclusifs sur des stratégies d'entreprises
- Des témoignages et interviews de stars de l'entrepreneuriat
- Nos classements de femmes et hommes d'affaires
- Notre sélection lifestyle
- Et de nombreux autres contenus inédits