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Interview exclusive : Éric Hémar, milliardaire français discret et stratège de la logistique mondiale

Éric Hémar, fondateur et PDG d’ID Logistics.
Éric Hémar, fondateur et PDG d’ID Logistics.

À la tête d’ID Logistics, groupe qu’il a fondé en 2001, Éric Hémar pilote l’un des acteurs majeurs de la logistique contractuelle en Europe. Dans cet entretien exclusif, le milliardaire français revient sur les origines de sa vocation entrepreneuriale, détaille sa stratégie de croissance — notamment auprès de géants comme Amazon — et analyse les mutations d’un secteur en pleine transformation.

Éric Hémar n’aime pas les projecteurs, mais ses résultats parlent pour lui : depuis sa création, ID Logistics a connu une croissance régulière, notamment depuis son introduction en bourse en 2012. Le groupe français est l’un des partenaires logistiques privilégiés d’Amazon en Europe pour la gestion des opérations les plus complexes.

Né en 1963, Éric Hémar est diplômé de l’École nationale d’administration (ENA) et a débuté sa carrière à la Cour des comptes en tant qu’auditeur, puis conseiller référendaire. Il a ensuite été conseiller technique auprès de Bernard Bosson, ministre de l’Équipement, des Transports et du Tourisme, de 1993 à 1995. En 1995, il rejoint Geodis Logistics, où il occupe les postes de secrétaire général puis de directeur de l’activité logistique. En 2001, il fonde ID Logistics en reprenant les activités logistiques de la Flèche Logistique.

Sous sa direction, ID Logistics est devenu un acteur majeur de la logistique contractuelle, avec une présence dans 20 pays, près de 400 sites opérationnels et un chiffre d’affaires avoisinant les 3,3 milliards d’euros (dont 70% à l’international).  En parallèle, Éric Hémar a été élu en 2019 président de l’Union des entreprises de transport et logistique de France (TLF), où il œuvre pour améliorer la compétitivité du secteur logistique français. Il vient tout juste de laisser sa place à Jean-Thomas Schmitt, élu par le conseil d’administration en mars.

 

Forbes France : Avec le recul, y a-t-il un moment clé dans votre jeunesse ou votre carrière qui a, selon vous, planté la graine de l’entrepreneuriat ?

Éric Hémar : Tout d’abord, dans mon environnement familial avec des valeurs de liberté entrepreneuriale, prise de risque mais aussi sérieux et rigueur dans la gestion quotidienne avec un vrai sens moral et éthique des affaires. Ensuite dans mes expériences personnelles (service militaire, stages, premiers emplois) où j’ai découvert que j’étais plus à l’aise quand je disposais d’une forte autonomie de décision. Ensuite, la création d’ID Logistics en 2001 a été une affaire de circonstances, mais j’avais le projet de saisir l’opportunité dès que l’occasion se présenterait.

Vous avez exprimé le souhait de doubler la taille d’ID Logistics d’ici 5 ans. Quels leviers principaux comptez-vous activer pour atteindre cet objectif ?

É. H. : Doubler de taille tous les 5 ans, c’est ce que nous constatons depuis notre introduction en bourse en 2012. Régulièrement, nous nous posons la question de savoir si notre segment de marché (la logistique contractuelle) continuera de nous porter dans les années qui viennent et la réponse est régulièrement positive. Les grands clients ont durablement besoin d’engager des efforts d’innovation et de standardisation de leur process logistique à l’échelle continentale ou mondiale et l’externalisation logistique avec un prestataire logistique est un moyen efficace pour y parvenir (encore 60% de la logistique est internalisée dans les grands pays industrialisés).

Le développement organique avec l’ouverture de nouveaux sites représente environ 2/3 de notre croissance. Le dernier tiers, nous allons le chercher à travers des acquisitions externes qui nous font entrer dans de nouvelles typologies de clients ou nous renforcent plus rapidement dans des pays où nous sommes encore peu présents.

Comment anticipez-vous les évolutions du marché de la logistique contractuelle, notamment face aux tensions géopolitiques et aux nouvelles réglementations douanières ?

É. H. : Même si nous sommes dans près de 20 pays, notre métier est essentiellement domestique. Les clients nous choisissent pour organiser, à l’échelle nationale ou à l’échelle européenne, la gestion de leur stock et la distribution de leurs produits. Nous ne gérons pas le transport international. De plus, nous travaillons dans le domaine des biens de grande consommation qui sont par nature résilients avec des volumes assez stables (l’épisode COVID ou celui de l’inflation l’ont prouvé).

Les périodes d’incertitude nous conduisent surtout à accélérer pour coller au plus près de l’attente de nos clients : cela veut dire davantage d’innovation logistique et de flexibilité. Et tout naturellement, ces périodes amènent certains nombres de grands comptes à davantage réfléchir à l’externalisation de leurs opérations logistiques. Nous avons en ce moment plusieurs projets de cette nature en discussion.

Quels sont les principaux défis que vous anticipez pour le secteur de la logistique dans les prochaines années, et comment ID Logistics se prépare-t-elle à y faire face ?

É. H. : Ils sont de plusieurs ordres : d’abord, je pense que nous n’en avons pas encore fini avec la période de croissance de l’e-commerce. Certains prévoyaient une sorte de « plafond de verre » et une stabilisation entre l’e-com et le commerce magasins. Ce n’est pas ce que nous constatons dans le nombre d’appels d’offre que nous recevons et dans la croissance des volumes des géants mondiaux. À nous d’être capable d’accompagner leur croissance et de couvrir leur besoin à l’échelle mondiale.

Le second défi est celui de la robotisation et de l’intelligence artificielle : notre métier évolue vite avec ces nouvelles technologies, nous devons être capables de les maîtriser et de les déployer tout en maintenant la réactivité et la souplesse indispensables à notre métier. C’est tout l’enjeu de la démarche innovation chez ID Logistics.

Enfin, nous devons mieux convaincre l’opinion publique dans un certain nombre de pays, dont la France, que la logistique, c’est créateur d’emplois, que c’est un vecteur fort de promotion sociale, que c’est innovant et technologique et que c’est un vecteur de compétitivité et de développement durable. Nous avons besoin d’une meilleure adhésion de nos concitoyens à notre métier et nous devons progresser dans ce sens.

Un dernier mot pour les dirigeants d’entreprise en contexte d’incertitude ?

É. H. : Rester calme, promouvoir l’esprit d’équipe et ne pas oublier que la force est en nous…

 

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