Lors de cette onzième séance de réunion sur les retraites, la question d’une gestion par les syndicats et le patronat des régimes de retraites a été avancée.
Les rounds s’enchaînent, mais ne se ressemblent pas. Relégués à un rôle secondaire depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à la présidence, les syndicats et le patronat pourraient bien retrouver une influence majeure sur le système de retraite français. Cette perspective a émergé lors de la onzième séance de négociations sur les retraites, tenue jeudi 15 mai, consacrée au pilotage du système par répartition.
L’enjeu du débat : déterminer dans quelle mesure les partenaires sociaux pourraient se voir confier la gestion des régimes de retraite des salariés du secteur privé. Ce changement impliquerait une redéfinition en profondeur du rôle actuel de l’État et du Parlement, qui conservent aujourd’hui la main, notamment à travers les lois de financement de la Sécurité sociale votées chaque année.
Actuellement, le paysage français des retraites comprend une quarantaine de caisses différentes. Parmi elles, l’Agirc-Arrco, régime complémentaire des salariés du privé, est déjà géré par les syndicats et les organisations patronales. Ce régime représente environ un quart du total des pensions versées en France. L’idée désormais discutée serait d’étendre ce type de gouvernance aux régimes de base, en particulier à la CNAV (Caisse nationale d’assurance-vieillesse).
Des marges de manœuvre élargies
Les partenaires sociaux y sont déjà présents via des sièges au conseil d’administration, mais l’État en reste le décideur principal. Leur accorder davantage de pouvoir constituerait donc un tournant majeur, d’autant plus que les pensions du secteur privé représentent aujourd’hui les deux tiers du total des retraites versées (environ 276 milliards d’euros), proportion appelée à croître à 71 % d’ici vingt ans.
Dans ce nouveau scénario, les représentants syndicaux et patronaux pourraient se voir confier des leviers décisifs : fixation de l’âge de départ à la retraite, durée d’assurance nécessaire pour une pension à taux plein, revalorisation des pensions, ajustement des cotisations. Le tout serait encadré par des objectifs stricts de maintien de l’équilibre financier, à l’image de la « règle d’or » en vigueur à l’Agirc-Arrco, qui interdit tout déficit prolongé.
Cette évolution semble séduire les cinq organisations encore impliquées dans la négociation. Pascale Coton, vice-présidente de la CFTC, s’est dite favorable à un transfert de compétences vers les partenaires sociaux, estimant qu’ils sont capables d’assumer une gestion comparable à celle de l’Agirc-Arrco, sans interférence excessive de l’État ou du Parlement.
Même enthousiasme chez la CFE-CGC. Christelle Thieffinne y voit l’opportunité pour les partenaires sociaux de jouer un rôle plus central. Toutefois, elle insiste sur la nécessité de clarifier les modalités du dialogue avec les pouvoirs publics, car une gestion autonome complète semble peu réaliste pour un système aussi vaste.
Soutien du patronat, prudence chez certains syndicats
Le Medef, représenté par Diane Deperrois, juge cette orientation « intéressante », tout en rappelant que l’objectif central reste le redressement des comptes. De son côté, Eric Chevée, de la CPME, défend une ambition forte et espère voir le système privé échapper à l’instabilité politique et aux arbitrages annuels des lois de financement.
Du côté des syndicats qui ont quitté les négociations, le ton est plus réservé. FO, par la voix de Michel Beaugas, n’est pas opposée à une montée en puissance des partenaires sociaux à la CNAV, mais craint qu’il ne s’agisse d’une étape vers une unification des régimes, notamment au détriment de ceux de la fonction publique. Quant à la CGT, Denis Gravouil rejette fermement un modèle qui, selon lui, risquerait de devenir illisible pour les assurés et dominé par les intérêts patronaux.
Lire aussi : Pour une retraite durable : allier répartition et capitalisation

Abonnez-vous au magazine papier
et découvrez chaque trimestre :
- Des dossiers et analyses exclusifs sur des stratégies d'entreprises
- Des témoignages et interviews de stars de l'entrepreneuriat
- Nos classements de femmes et hommes d'affaires
- Notre sélection lifestyle
- Et de nombreux autres contenus inédits