Si les intelligences artificielles génératives font dorénavant partie de notre quotidien, leur fiabilité dans le domaine du conseil financier interroge. Encore incapables de modéliser l’avenir ni d’assumer une responsabilité juridique, ces IA produisent des réponses probables statistiquement mais parfois erronées au niveau du résultat, soulevant alors des enjeux critiques quant à son utlisation en matière d’investissement, de patrimoine et de retraite.
« Je ne suis pas un conseiller financier agréé : je ne peux donc pas te dire “mets ton argent ici”, mais plutôt t’expliquer les avantages, les risques et les alternatives pour que tu prennes une décision éclairée ».
C’est la réponse que nous donne ChatGPT lorsqu’on lui demande un conseil financier. Une réponse claire : l’IA générative est consciente de ses limites. Elle souligne l’importance d’un regard instruit pour évaluer une stratégie financière, mais ne fournit aucun conseil personnalisé.
Cet article s’intéresse aux IA génératives grand public comme ChatGPT, Deepseek ou Mistral AI, par opposition aux IA prédictives, utilisées depuis plus de 10 ans par les professionnels de la finance de marché.
IA générative ≠ IA prédictive
Les IA génératives s’appuient sur des modèles linguistiques entraînés à reproduire des textes statistiquement probables à partir de corpus passés. Elles n’ont ni compréhension du réel ni capacité à anticiper l’avenir économique. Contrairement à un investisseur humain capable d’analyser l’impact d’une victoire électorale ou d’un choc géopolitique sur un secteur donné, elles se contentent de reformuler ce qui a déjà été dit.
À l’inverse, les IA prédictives sont nourries de données chiffrées (cours, taux, indicateurs macro) et conçues pour reconnaître des patterns et produire des prévisions. Utilisées en trading haute fréquence ou en gestion quantitative, elles peuvent ajuster des portefeuilles en temps réel, chose hors de portée pour une IA générative.
De plus, ces dernières produisent désormais des chaînes de raisonnement internes : si une erreur survient en amont, elle est amplifiée à chaque étape. Ce phénomène, appelé “effet boule de neige”, peut générer une réponse globalement cohérente… mais entièrement fausse.
Investissements : pourquoi ChatGPT ne peut pas vous aider à choisir
ChatGPT peut dire que “diversifier son portefeuille réduit les risques”, non pas parce qu’il l’analyse, mais parce qu’il l’a lu des milliers de fois. Il ne construit aucun raisonnement économique dynamique et ne modélise pas les signaux géopolitiques ou macroéconomiques. Il ne sait pas dire, par exemple, si un durcissement des taux directeurs aura un impact sur les obligations d’État ou les actions technologiques.
Par ailleurs, ces IA sont souvent explicitement programmées pour ne pas fournir de conseils d’investissement, afin d’éviter toute responsabilité. Elles peuvent produire une synthèse sur les différences entre un ETF et une action individuelle, ou sur les caractéristiques d’un produit d’épargne, mais sans contextualisation personnalisée ni projection chiffrée.
Un outil utile… avec vigilance
Lorsqu’ils sont utilisés par des professionnels aguerris, ces modèles peuvent servir d’outils de recherche documentaire. Leur capacité à synthétiser de larges volumes d’informations, à proposer des comparatifs ou à vulgariser des concepts les rend utiles en phase exploratoire — mais jamais en décision finale.
Encore faut-il avoir une solide culture financière pour décoder les approximations, repérer les biais ou identifier les manques de mise à jour. Le danger principal réside dans leur aisance linguistique : leur discours paraît structuré et convaincant, alors qu’il peut reposer sur des erreurs fondamentales.
Comptabilité, épargne, retraite : les mêmes limites
Même alimentées avec des données correctes, les IA génératives peuvent introduire des erreurs. Contrairement à un tableur ou un logiciel comptable, elles produisent du texte probable, non des résultats exacts.
Cette faille est accentuée par leur capacité à enchaîner des raisonnements internes : une seule mauvaise interprétation — d’un flux de trésorerie, d’un taux d’imposition ou d’un ratio — peut corrompre toute l’analyse produite. Par exemple, dans des simulations d’épargne ou de retraite, ChatGPT s’est avéré inexact dans près de 40 % des cas selon une étude de 2024 du Journal of Financial Planning.
De plus, l’IA ne connaît pas vos revenus, votre situation familiale ou votre fiscalité. Elle ne peut donc pas proposer de stratégie personnalisée, ni vérifier si vous êtes éligible à un dispositif d’épargne retraite. Elle risque aussi de citer un produit supprimé ou de méconnaître une réforme récente (comme celle des retraites en France ou la modification des seuils aux États-Unis).
Patrimoine, succession, assurance : encore plus de prudence
Structurer une succession via le démembrement ou une clause bénéficiaire d’assurance-vie nécessite une fine compréhension du droit fiscal, familial et patrimonial. Ces IA, non juristes, n’ont ni accès aux données à jour, ni capacité à intégrer les subtilités légales ou émotionnelles.
Même lorsqu’elles manipulent les bons termes, elles ne peuvent articuler les dispositifs dans une stratégie globale : elles ne savent pas combiner démembrement, assurance-vie et donation-partage de manière cohérente. Elles ignorent les effets croisés et les conséquences à long terme sur les héritiers.
En l’absence de toute responsabilité réglementaire, ces outils ne remplacent en aucun cas un conseiller en gestion de patrimoine, notaire ou assureur agréé. Là où un professionnel est tenu par le devoir de conseil et peut être tenu responsable, l’IA ne relève d’aucune autorité ni contrôle.
Ce que peut faire une IA générative :
vulgariser un concept financier,
synthétiser des textes explicatifs,
proposer des comparaisons entre produits (ETF vs actions, etc.),
servir de point de départ à une réflexion documentée.
Ce qu’elle ne doit pas faire :
formuler un conseil personnalisé,
fournir une stratégie d’investissement ou successorale,
interpréter des données économiques en temps réel,
se substituer à un raisonnement humain dans des contextes complexes.
L’intelligence artificielle générative est un outil pédagogique puissant, mais elle reste fondamentalement inapte à remplacer l’analyse humaine dans un domaine aussi complexe et sensible que la finance personnelle.
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