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Face aux défaillances d’entreprise, faire confiance aux salariés pour la reprise

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Face aux défaillances d’entreprise, faire confiance aux salariés pour la reprise

En 2024, la France a atteint un record historique de défaillances d’entreprises, avec 67 830 procédures collectives, menaçant plus de 250 000 emplois (Etude du cabinet Altares, 2024).

Une contribution de Pascal METZGER, PDG / CEO de SET Corporation S.A., 85 salariés, Christophe BARBIER, président de la Fabrique du Sud, 20 salariés, Roxanne CREUTZ, gérante de la Meusienne, 39 salariés, Valentine FANJEAUX, présidente du conseil d’administration de Bergère de France, 56 salariés, Olivier LEBERQUIER, président du conseil d’administration de SCOP TI, 34 salariés, François MARCIANO, directeur général de Duralex Scop SA, 226 salariés, Enis MUSLIC, président directeur général de Quonex Alsatel, 70 salariés, Jacques LANDRIOT, président de la Confédération générale des Scop et des Scic, et Fatima BELLAREDJ, déléguée générale de la Confédération générale des Scop et des Scic 

Nous, entrepreneurs, salariés ayant repris nos entreprises sous forme coopérative, sommes alarmés par ce constat. Nos entreprises sont issues d’une reprise lors d’une procédure collective. Sans une volonté résolue de maintenir nos emplois et de poursuivre notre activité, nous aurions pu faire partie de ces statistiques et perdre nos savoir-faire acquis au gré d’années d’ancienneté. Nous avons, toutes et tous, en commun d’avoir affronté les obstacles auxquels se heurtent les salariés qui souhaitent s’engager dans cette nouvelle démarche d’entrepreneur.

En France, la reprise d’entreprise par les salariés n’est pas un long fleuve tranquille. Les idées reçues sur la capacité des salariés à diriger une entreprise, sur la viabilité du modèle coopératif ou son organisation « anarchique » supposée ont encore la vie dure. Nous avons connu les difficultés de financement du projet de reprise, la frilosité des banques, le désengagement de certains acteurs publics, alors même que nous disposions, en tant que salariés, d’une surface financière plus limitée.


Accompagnés par les moyens humains et financiers du Mouvement des Scop et des Scic et des partenaires de l’économie sociale et solidaire, souvent encouragés par l’émulation locale et le soutien des collectivités territoriales, nous sommes parvenus coûte-que-coûte à réunir les fonds nécessaires à nos projets de reprise, pour des résultats à rebours des idées reçues : le taux de survie à 5 ans des Scop et des Scic issues de reprises d’entreprises en difficulté est de 76,4 %, celui des transmissions d’entreprises saines est de 90 %, soit près de 20 points supérieurs à celui de la moyenne des entreprises (61 %).

Ces chiffres ne relèvent pas du hasard : les salariés sont, parmi les repreneurs, ceux qui ont le plus intérêt à la pérennité de leur outil de travail. Le modèle coopératif, en privilégiant la consolidation des fonds propres et l’investissement dans l’entreprise, en est l’expression. Ses fondamentaux permettent une gouvernance participative et une répartition de la valeur plus juste, qui renforcent la motivation et la productivité. Les coopératives de salariés ne peuvent être vendues ou délocalisées, ce qui constitue un gage de confiance, alors que nombre d’entre nous ont connu des cortèges successifs de procédures collectives, de restructurations ou de rachats par des fonds vautour.

Nous sommes convaincus que ce modèle peut être une opportunité en cas de hausse des défaillances d’entreprises, pour sauvegarder les emplois et maintenir les savoir-faire collectifs, en particulier industriels. C’est aussi une chance pour conserver le tissu économique au cœur des territoires, parfois ruraux et sinistrés, et pour prévenir les effets cascade à l’échelle d’un bassin d’emplois. Mais pour cela, la reprise par les salariés doit être prise au sérieux, mieux accompagnée d’un point de vue financier, et faire l’objet d’un portage politique et opérationnel plus fort. Nombre d’entreprises pourraient être sauvegardées si la volonté des salariés était assortie de moyens financiers à la hauteur de leurs ambitions.

Aujourd’hui, nous investissons, nous embauchons, nous innovons. Il est urgent d’encourager l’élan des salariés lorsqu’ils souhaitent s’engager dans cette voie : nous appelons à la création d’Assises nationales de la reprise, permettant de mettre autour de la table l’ensemble des acteurs publics (banques publiques, opérateurs de l’Etat comme France Travail) et les experts de ces opérations. Nous appelons à la mise en place de dispositifs innovants dédiés au financement de la reprise par les salariés, en prévenant les risques que peuvent prendre les salariés, et à mieux faire connaître cette solution auprès des salariés et des dirigeants.

 

Face à la hausse des défaillances d’entreprises, à la perte d’emplois industriels, nous avons besoin d’une mobilisation générale. Elle commence par faire confiance aux salariés qui veulent entreprendre !

 


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