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Future of Venture | Retraite par capitalisation : un levier stratégique pour financer l’innovation européenne

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Future of Venture | Retraite par capitalisation : un levier stratégique pour financer l'innovation européenne

Alors que la France se distingue par un écosystème technologique en plein essor, la majorité de la valeur créée échappe encore aux épargnants locaux. Dans cet article, Alexandre Berriche plaide pour un changement de paradigme : faire de la retraite par capitalisation un levier stratégique pour financer l’innovation européenne et permettre aux Français de bénéficier pleinement des fruits de leur propre dynamisme économique.

 

Pourquoi les Français ne profitent-ils pas pleinement de leur innovation ?

 

Ces dernières années, la France est parvenue à développer un écosystème dynamique de start-ups technologiques. Avec plus de trente licornes et des milliers de jeunes pousses financées chaque année, le pays regorge d’ambition et de talent. Cependant, une majorité de ces entreprises prometteuses est aujourd’hui financée et détenue par des fonds étrangers, principalement nord américains. Ainsi, alors que les emplois et les innovations sont créés en France, la valeur économique générée bénéficie largement à des investisseurs étrangers plutôt qu’aux épargnants locaux.


Ce paradoxe tient principalement au manque d’investisseurs institutionnels français capables d’investir massivement dans l’innovation. Aux États-Unis, les fonds de pension jouent un rôle clé : ils sont les principaux apporteurs de capitaux aux fonds de capital-risque. Des fonds comme CalPERS [1] ou le Canada Pension Plan [2] investissent massivement dans les entreprises technologiques émergentes, permettant ainsi aux retraités américains et canadiens de profiter indirectement des succès d’entreprises comme Stripe, OpenAI ou SpaceX.

À l’inverse, les épargnants français n’ont quasiment aucun moyen d’accéder à ces investissements privés performants. Notre épargne retraite demeure orientée vers des placements prudents à faible rendement. Pourtant, selon une récente étude des économistes Sylvain Catherine et David Le Bris [3], un salarié français rémunéré au SMIC qui aurait investi 10 % de son revenu dans des actions françaises depuis 1982 disposerait aujourd’hui d’un capital de 350 000 EUR, contre seulement 81 000 EUR cotisés, offrant ainsi une rente mensuelle supérieure de 300 euros à celle offerte par le système par répartition actuel.

 

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Capital accumulé par une cotisation de 10% d’un SMIC – Sylvain Catherine, David Le Bris

 

[1] CalPERS, Investment Reports 2023
[2] Canada Pension Plan Investment Board (CPPIB), Annual Report 2023
[3] Sylvain Catherine & David Le Bris, Le Figaro, 29 janvier 2025

 

Capitalisation : la clé pour accéder à une classe d’actifs performante

 

Introduire une part de capitalisation dans le système des retraites permettrait de démocratiser l’accès à cette classe d’actifs performante mais historiquement réservée aux grands investisseurs institutionnels. Alors qu’aux États-Unis, le rendement moyen annuel des fonds de venture capital dépasse souvent les 10 % [4], les épargnants français en sont privés.

Une telle réforme permettrait non seulement d’améliorer significativement les pensions futures, mais aussi d’investir durablement l’épargne des Français dans des projets à forte valeur ajoutée technologique. Des pays comme les Pays-Bas, la Suède ou le Canada illustrent parfaitement ce modèle. Le fonds néerlandais ABP finance activement des start-ups spécialisées dans les technologies environnementales et médicales [5], tandis que les fonds de pension suédois contribuent directement au succès d’entreprises industrielles et technologiques locales.

[4] OECD, Pension Markets in Focus, 2024
[5] ABP/APG – Dutch pension fund investment updates (2024)

 

Un fonds européen de retraite dédié à l’innovation

 

La décennie 2025-2035 constitue une fenêtre d’opportunité unique pour adopter une telle réforme. L’Europe dispose aujourd’hui d’un vivier de talents en innovation reconnu mondialement, mais son financement dépend trop souvent de capitaux étrangers. Introduire une dose significative de capitalisation permettrait non seulement de sécuriser les pensions des futurs retraités, mais aussi de rapatrier le contrôle économique et capitalistique des entreprises innovantes européennes.

Concrètement, la création d’un fonds européen de retraite par capitalisation, géré par des experts indépendants et orienté spécifiquement vers des investissements dans les secteurs stratégiques (deeptech, santé, intelligence artificielle, transition énergétique), pourrait être une solution idéale. Ce fonds serait alimenté par des cotisations dédiées ou de l’épargne volontaire, et investirait directement ou indirectement dans des start-ups et scale-ups européennes à fort potentiel.

Une telle structure renforcerait considérablement l’écosystème européen de capital-risque, permettant à l’innovation technologique locale d’être financée par de l’épargne européenne. Les épargnants pourraient ainsi directement profiter des succès technologiques qu’ils soutiennent, réduisant par la même occasion la dépendance européenne vis-à-vis des investisseurs non européens.

 

Un levier économique et stratégique à long terme

 

Il est essentiel de comprendre que la réforme des retraites n’est pas uniquement un enjeu social ou budgétaire, mais un véritable levier économique et stratégique pour l’Europe. En reliant l’épargne retraite à l’innovation technologique, l’Europe pourrait profondément transformer la manière dont elle finance ses futurs champions, tout en améliorant significativement les pensions servies aux futurs retraités.

Ce repositionnement stratégique serait à la fois un acte de souveraineté économique et un choix éclairé pour assurer durablement notre prospérité collective. Plutôt que de simplement générer des start-ups françaises, il est temps de veiller à ce qu’elles restent détenues par des capitaux européens, permettant à la richesse créée de bénéficier directement aux citoyens européens.

En repensant ainsi intelligemment notre modèle de retraite, nous pourrions sécuriser l’avenir économique de l’Europe tout en assurant à nos concitoyens une retraite plus confortable. C’est maintenant que nous devons agir, afin que les succès technologiques de demain profitent enfin directement à ceux qui, aujourd’hui, financent les fondations de cette innovation.

 


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