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Aéronautique : Le Big Data Transforme Ce Secteur En Pleine Mutation

PARIS, FRANCE – JUNE 18, 2017: An Embraer E195-E2 regional aircraft on display in Le Bourget Parc des Expositions, one day before the opening of the 2017 Paris Air Show. Marina Lystseva/TASS (Photo by Marina LystsevaTASS via Getty Images)

Les avions du 20e siècle ont généré énormément de données dans le secteur de l’Aéronautique : des données concernant le moteur, la consommation de carburant, l’activité de l’équipe à bord, et même au sujet des situations météorologiques rencontrées. Les compagnies aériennes et les aéroports étaient pourtant peu voire pas équipés du tout pour faire quoi que ce soit d’effectif avec ces données, et la plupart des informations ne pouvaient être transmises en temps réel.

Aujourd’hui, par le biais de milliers de capteurs et de systèmes digitaux sophistiqués, la dernière génération de jets collecte exponentiellement plus de données, chaque vol générant plus de 30 fois la masse de données produite par la précédente génération de jets gros-porteurs. Aujourd’hui, seulement environ 1/10e des vols  dans le monde sont réalisés au moyen de ces avions technologiquement avancés; dans une décennie, plus de la moitié le sera.

D’ici 2026, les données générées annuellement dans ce secteur de l’Aéronautique devraient atteindre 98 milliards de gigabytes, ou 98 millions de téraoctets, d’après une estimation datant de 2016 réalisée par Oliver Wyman. La dernière génération d’avions délivrera d’ici là entre cinq et huit téraoctets par vol, soit 80 fois plus que ce que les avions plus vieux génèrent aujourd’hui.

Cependant, compagnies aériennes et aéroports n’ont toujours qu’une capacité limitée de traitement de cette précieuse masse d’informations et d’utilisation des systèmes d’analyse avancée ou d’intelligence artificielle permettant l’aide à l’information sur les fonctionnements des avions et la maintenance. Lorsque cela est possible, ce n’est presque jamais réalisé en temps réel. Les discussions sur la connectivité d’un avion tournent généralement autour de la possibilité ou non pour les passagers de recevoir les signaux WIFI leur permettant de faire leur travail ou de regarder leur programme favori. Cela n’est pas une commodité de petite envergure – 85% des passagers déclarent vouloir se connecter à l’Internet gratuitement – et le potentiel de connectivité pourrait s’étendre bien plus loin.

Optimiser les opérations

Avec les données fournies par les derniers avions, la consommation de carburant, le déploiement du personnel et les opérations aériennes pourraient être optimisées pour prendre en compte des conditions variables. La maintenance pourrait anticiper le besoin de remplacement de certaines parties de l’avion; la congestion du trafic aérien pourrait être réduite; les trajets de vol pourraient être modifiés bien avant le décollage pour éviter les tempêtes; les systèmes pourraient seconder les pilotes en gérant des tâches de cockpit routinières; les passagers pourraient être tenus informés au sujet des horaires et des options de vol dès qu’ils quittent la maison pour l’aéroport. Cela simplifierait les vols et augmenterait leur efficacité. Il est aussi possible que cela ait un impact sur l’état physique du personnel à bord, en diminuant la fatigue grâce à un emploi du temps plus précis et en évitant le manque de personnel. Au bout du compte, les données aideraient à la conception de la prochaine génération d’avions en apportant une information sur le fonctionnement des systèmes et sur les façons de les améliorer.

La nouvelle connectivité et l’analytique avancée représentent également des moyens pour les compagnies aériennes d’économiser: l’estimation d’Oliver Wyman prévoit une économie d’un pourcentage situé entre 2% et 2.5% des coûts de fonctionnement mondiaux, ce qui revient à une somme située entre 5 et 6 milliards de dollars chaque année. S’il se peut que la réalisation de ces projets prenne plusieurs années, voire une décennie, l’aviation est à l’orée d’une révolution scientifique des données qui transformera quasiment chaque aspect du secteur et fournira à ses spécialistes un meilleur contrôle. La question que les acteurs de l’aviation doivent se poser est celle de savoir s’ils seront les leaders de cette révolution, ou les suiveurs.

Faire face aux imprévus, difficulté survenant quotidiennement dans le secteur, est exactement ce sur quoi l’intelligence artificielle et l’analytique avancée peuvent jouer le plus grand rôle. Avec des centaines d’avions, des milliers de vols, et des millions d’employés et de passagers, il existe maintenant trop de données et trop de variables pour que les humains trient le tout suffisamment vite pour régler les problèmes ou même traiter les menaces potentielles efficacement et dans un ordre de priorité. Ces menaces peuvent être des événements majeurs, comme les ouragans et les tempêtes de neige, des perturbations mineures comme les retards de contrôle du trafic aérien, ou des échecs d’ordre mécanique, ou encore des séries d’orages; dans chacun de ces cas, les ordinateurs et l’analytique sont nécessaires. La majorité de cette activité est encore réactive aujourd’hui; le prochain pas, pour l’aviation, sera d’éviter activement certains retards, les congestions aériennes, et les inefficacités qui ennuient les passagers et maintiennent l’industrie mondiale de l’aviation dans des marges de bénéfices qui ne crèvent pas le plafond.

Construire le futur

Différents acteurs œuvrent à faire de ce futur potentiel une réalité. On compte parmi eux les fabricants d’avions et de moteurs comme Boeing, Airbus; General Electric, Bombardier et Safran, aussi bien que les fabricants de pièces et les concepteurs de systèmes comme Honeywell, qui commencent à monter un business sur la collecte et l’analyse des données générées par les avions. On trouve ensuite les experts de l’analytique des données comme Google et Microsoft, qui viennent aussi se positionner auprès de cette source potentielle de recettes.

Les compagnies aériennes, toutefois, ne seront pas enclines à passer la main à leurs fournisseurs sur des parts considérables de leurs opérations, et sur les potentiels bénéfices. Quelques uns des pionniers ont commencé à digitaliser ce qui jusque là fut cantonné aux procédures manuelles impliquant les données de la maintenance d’avion et les plannings. Ils espèrent ainsi éviter les situations qui peuvent bouleverser les horaires de vols, avec par exemple un avion arrivant en réparation à 19h alors que les pièces nécessaires à la réparation arrivent à 7 h le lendemain matin, ou inversement.

La maintenance représente une dépense de 9.1 milliard de dollars pour les quatre plus grandes compagnies aériennes américaines par exemple. De ce fait, quoi que ce soit qui puisse impliquer une croissance d’un coût équivalent, ou le réduire, répondrait tout juste aux aspirations des transporteurs. Faire usage de la maintenance prévisionnelle – un protocole permettant aux compagnies aériennes d’anticiper le dysfonctionnement de certaines pièces afin de rendre leur remplacement plus efficace – devient une possibilité quand les avions sont entièrement connectés aux compagnies aériennes et aux magasins de maintenance, et quand les données générées par les avions peuvent être stockées et analysées dans une base de données unique.

Les obstacles à la progression

Les transporteurs rencontrent des obstacles lorsqu’ils tentent de mettre en place une bonne partie de ces plans encourageants. Les freins rencontrés incluent l’ancienne technologie d’information, pas suffisamment flexible pour prendre en charge une analytique plus sophistiquée et des systèmes d’intelligence artificielle, sans compter un manque de mathématiciens et d’ingénieurs en poste pour agir et comprendre le logiciel plus avancé.

La transformation elle-même est coûteuse, et de nombreuses compagnies aériennes préféreront dépenser le moindre dollar dans l’amélioration de l’expérience client. Alors que la maintenance prévisionnelle et autres dispositifs de coulisses lisseraient les opérations et auraient pour résultat une diminution des retards et des désagréments, les commodités apparentes pour le client, qui participent de sa satisfaction et le gardent occupé, comme une meilleure connexion WIFI par exemple, ont sans doute une influence plus grande sur ses décisions. De plus, de bonnes connections WIFI peuvent épargner aux compagnies le coût de l’installation d’écrans à l’arrière des sièges. JetBlue et Amazon ont en l’occurrence un partenariat permettant aux membres du service Amazon Prime de visionner des vidéos Amazon sur les vols Jet Blue, avec une connexion WIFI qu’Amazon sponsorise.

Bien sûr, une expérience client améliorée est le plus grand résultat attendu par les acteurs du secteur de l’avion connecté, selon une étude mondiale montrant que près de 50% des interrogés par la compagnie placent cet avantage en tête de liste. La connectivité permettra l’intégration de programmes de fidélité dans des tablettes fournies par le personnel aérien et dans d’autres appareils connectés, sans oublier l’établissement d’une communication à deux sens entre le personnel et le centre d’opérations de la compagnie aérienne. Le fonctionnement des vols profitera donc de plusieurs avancées positives: le passage des vieux systèmes de liaison de données à la connexion haut-débit moderne; la présentation en direct des trajets de vol et des systèmes de performance; la mise en place de cartes graphiques météorologiques en temps réel; la facilitation de l’élaboration des cartes de turbulences. Et cette liste est non-exhaustive.

Pour les aéroports également, cela représente un haut potentiel de réalisation de recettes. Tout d’abord, en disposant des bonnes données, les aéroports pourraient commencer à mettre en place la reconnaissance publicitaire en même temps qu’une relation plus proche avec le passager, en travaillant de paire avec les compagnies aériennes pour aider le client à se rendre à l’aéroport et aux portes d’embarquement sans encombre. Ils pourraient aussi informer les passagers sur la façon de passer leur temps d’attente de manière plus productive, en les dirigeant vers les boutiques, restaurants et lieux adéquats pour les familles ou le travail.

Dans le secteur de l’Aéronautique, la connectivité est d’un des rares domaines où tout le monde est gagnant, en augmentant l’efficacité des vols, leur sûreté, et en les rendant tout simplement plus agréables. Maintenant, l’heure est aux investissements.

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