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Défiance à l’égard de la vaccination anti-Covid : ce que l’Histoire médicale nous apprend

covidSource : GettyImages

Entre espoir et crainte. L’annonce de l’arrivée puis du déploiement au premier semestre 2021 des vaccins anti-Covid-19 a suscité dans la population des réactions très contrastées. Avec le maintien des contaminations à un haut niveau (avec plus de 21 000 nouveaux cas sur 24 heures entre jeudi et vendredi dernier sur le territoire national), les lignes sont certes en train de bouger : c’est désormais 56% des Français qui déclarent vouloir se faire vacciner contre 42% seulement en décembre.

Un signe que la peur du Covid, encore alimentée par l’irruption des « variants » britanniques et sud-africains ces dernières semaines, pourrait prendre le pas sur la peur de se faire vacciner.

On continue malgré tout de s’étonner de la frilosité d’un si grand nombre de nos compatriotes à l’égard du vaccin. Quitte à s’en moquer ou à faire passer les plus inquiets d’entre eux pour des incultes. C’est oublier un peu vite que la peur de se faire vacciner est aussi ancienne que l’apparition du premier vaccin elle-même.

Quand Edward Jenner (1749-1823) met au point une nouvelle méthode de protection contre la variole qui décime alors la population anglaise, certains crient au miracle tandis que d’autres s’inquiètent déjà. Il faut dire que le procédé employé pour la première fois le 14 mai 1796 a de quoi surprendre: le médecin britannique prélève la substance d’un bouton de cow pox (variole des vaches) sur la main de la trayeuse Sarah Nelmes pour l’inoculer au jeune James Phipps…

Car même si la pratique se répand dans l’Europe des Lumières, soutenue par les souverains qui entendent donner l’exemple en faisant vacciner leurs enfants, elle s’avère aussi terriblement hasardeuse. Transmis de bras en bras, la vaccin perd en efficacité et n’empêche pas la résurgence de l’épidémie de variole, qui fera 200 000 victimes en France entre 1870 et 1871.

A l’époque, derrière le scepticisme à l’égard de la vaccination, c’est la figure même du médecin et sa puissance sociale nouvelle qui sont mis en cause. Les parents ne lui font pas confiance et interprètent même la gratuité de l’acte de vaccination (contre la variole, puis contre la syphilis) comme la preuve d’un calcul de la profession médicale : et si les médecins, s’interroge déjà la population au XIXème siècle, ne proposait de vacciner sans frais que pour inoculer des maladies…que les savants proposeront ensuite de guérir à prix d’or ?

Un fantasme bien sûr. Mais qui se dissipera tardivement, avec l’émergence de nouvelles techniques vaccinales, plus sûres, sous la responsabilité d’instituts vaccinogènes dont les pratiques contribuent à rendre totalement obsolète la démarche de vaccination de bras à bras héritée de Jenner.

La généralisation de la vaccination qui va s’en suivre -la vaccination antivariolique devient ainsi obligatoire dans les grands Etats européens, de l’Allemagne en 1874 à la France en 1902- ne va toutefois pas faire disparaître la défiance à son égard. Le mouvement anti-vaccinal ne faiblit pas et apparaît même à certains comme le plus sûr rempart contre les prétentions de la science à exercer une tutelle sur la société.

Le triomphe de la vaccination s’impose finalement sous l’influence décisive de Louis Pasteur (1822-1895). Car sous l’impulsion du scientifique franc-comtois, la vaccination s’appuie désormais sur un périmètre élargi, correspondant à « toute inoculation des germes artificiellement atténués en laboratoire qui prévient le déclenchement d’une maladie infectieuse quelconque » (Olivier Faure). Un premier vaccin est alors mis au point contre la rage à partir d’une souche atténuée du virus. La première injection est réalisée avec succès en 1885 sur Joseph Meister, un enfant de 9 ans mordu par un chien soupçonné d’être enragé. Une révolution, qui s’accompagne malgré tout d’échecs, qu’une population enfin prête à croire à la libération de la maladie par la médecine feint d’ignorer…

Puis les succès vont s’enchaîner sous l’effet d’avancées scientifiques issues de la recherche.  Entre la fin du XIXème siècle et les années qui précèdent la Première Guerre Mondiale, on parvient à vaincre à la fois la diphtérie et le tétanos. Puis ce sera la vaccination antipoliomyélitique à partir de 1954.

Malgré ces progrès, le XXème siècle restera le théâtre d’affrontements parfois violents entre les pro-vaccination et les anti. Avec l’effondrement d’un certain nombre de menaces, d’origine bactérienne ou virale, les opposants reprennent de la voix. Une parole qui perd de nouveau du poids avec la nouvelle menace apparue dans les années 1980 : le virus du Sida (syndrome d’immunodéficience acquise), touchant encore plus de 38 millions de personnes dans le monde aujourd’hui.

L’opposition à la vaccination, depuis sa création, aura toujours su faire son lit dans les échecs plus ou moins durables des expériences vaccinales, à commencer par celles contre la tuberculose, une maladie infectieuse particulièrement violente qui a emporté tant de jeunes adultes entre 1880 et 1950.

Si le vaccin s’est assez largement imposé, beaucoup lui reprochent encore son impuissance à en finir avec certaines maladies, comme le choléra, tandis que les maladies parasitaires continuent de représenter un défi par sa résistance même aux techniques de vaccination.

A aucun moment, depuis Jenner et malgré Pasteur ensuite, depuis les premières victoires contre la variole jusqu’aux échecs récurrents (y compris dans la lutte contre le Sida), la vaccination n’est parvenue à faire taire les critiques autour d’elle. En 2019, le taux de couverture vaccinale contre la grippe saisonnière dans l’hexagone (avec 35% des Soignants dans les établissements de santé et 32% dans les EHPAD) reste faible malgré l’ancienneté de la pratique, qui remonte à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. La toute première campagne de vaccination contre la grippe avait été lancée en 1944-1945 pour protéger les soldats américains venus combattre sur le front européen.

Une petite Histoire des peurs de la vaccination qui n’explique certes pas tout. Mais qui milite aujourd’hui pour multiplier les gestes en vue d’expliquer l’absolue nécessité de se faire vacciner contre le Covid-19, alors que plus de 99% de la population française reste encore à protéger après que 388 730 premières doses avaient été injectées au 15 janvier dernier dans notre pays.

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