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Trois leçons de ce début de XXIème siècle

Quelles leçons tirer de ces deux premières décennies de notre XXIe siècle ? Il est toujours difficile de se livrer à un tel exercice avec aussi peu de recul. Pour autant, nous pouvons en trouver trois assez évidentes.

Le 11 septembre 2001, le monde entier assistait presque en direct au spectacle des attentats du World Trade Center. Passé un court moment d’incrédulité, nous fûmes gagnés par l’effarement. Les images vues et revues ne pouvaient être réelles. Un tel événement était inconcevable. Un mot résume les vingt dernières années, un mot régulièrement repris dans la presse aujourd’hui : celui de sidération.

Depuis, l’irréel s’est invité régulièrement dans nos esprits, au point que certains bons mots de Pierre Dac ne semblent plus si loufoques. « Il ne faut pas se fier aux choses qui ne peuvent pas arriver, car c’est justement celles-là qui arrivent ». La réalité semble même souvent dépasser la fiction. L’apparition de la super-puissance chinoise et d’un hypercapitalisme numérique, l’affaiblissement de l’Europe, la terreur de Daesh et de Boko Haram, la montée des populismes, les attentats islamistes en France et en Europe, l’élection d’un affairiste vedette de téléréalité à la tête de la première puissance mondiale, les crises migratoires, l’urgence de la question climatique, l’épidémie de la covid et ses conséquences politiques, économiques et sociales, et tout récemment l’intrusion de manifestants trumpistes au Capitole… tous ces événements ont dynamité nos habitudes de pensée et nos certitudes ; ils ont porté un coup fatal à notre capacité à nous projeter dorénavant vers l’avenir avec confiance.

L’illusion d’une fin de l’histoire

« Le monde n’est qu’une branloire pérenne », écrivait déjà Michel de Montaigne. Nous ne devrions donc pas être spécialement étonnés par cet emballement chaotique de l’histoire contemporaine. C’est que le climat de paix et de prospérité de nos sociétés occidentales lors de la dernière moitié du XXe siècle a entretenu chez nous le sentiment que rien ne pouvait plus nous arriver. L’effondrement du bloc soviétique dans la dernière décennie l’a conforté. La paix comme la prospérité s’annonçait durable, donc, dans nos esprits truffés de biais, infini.

En 1989, avec la fin de la guerre froide et la victoire des États-Unis, Francis Fukuyama, conseiller de l’administration Reagan, prédisait le triomphe de la démocratie dans tous les pays du monde et l’avènement d’une nouvelle ère de paix grâce au libéralisme. « Peut-être que la perspective même des siècles d’ennui qui nous attendent après la fin de l’histoire va-t-elle servir à remettre l’histoire en marche », avertissait-il. Nous n’avons pas attendu longtemps. Loin de marquer l’ouverture d’une ère de domination des valeurs occidentales, les années 90 venaient au contraire clore le cycle de la séduction qu’elles exerçaient sur le monde.

Aujourd’hui, plus de balises sécurisantes vers lesquelles accrocher le regard et se repérer : on utilise volontiers l’acronyme VUCA (Volatility, Uncertainty, Complexity, Ambiguity) pour qualifier l’état du monde. Des changements d’état radicaux s’accomplissent à une vitesse prodigieuse (volatility) ; une vérité fermement établie peut s’effondrer du jour au lendemain (uncertainty) ; le monde est constitué de réseaux de relations inextricables, provoquant rétroactions, effets papillon et autres conséquences imprévisibles (complexity) ; l’ami est aussi l’ennemi, les alliances se renversent (ambiguity).

La fin du « cela ne peut pas nous arriver »

En ce début d’année 2021, nous savons que tout peut se produire. Voilà la première leçon de ce début de XXIe siècle. C’est la fin du « cela ne peut pas nous arriver ». En France, l’épidémie du covid a révélé les failles et parfois les faillites de l’Etat : impréparation, fragilité du système de santé (celui dont on s’enorgueillissait d’être « le meilleur du monde »), déficiences lourdes dans notre système productif et logistique (affaires des marques, des tests, des vaccins), centralisme et bureaucratisation excessive… L’illusion a cessé d’opérer. La puissance française a pris du plomb dans l’aile. Son déclassement est une réalité objective, palpable…

L’avenir est ouvert

Il ne faut pas être surpris, ou feindre de l’être. Depuis quarante ans, les gouvernements successifs, quelles que soient leurs orientations politiques, ont affaibli les services publics. On a voulu rationaliser, on a rationné. On a rationné, il faut contrôler et évaluer. Il faut contrôler et évaluer, on va bureaucratiser. Parallèlement à cet affaiblissement de l’Etat, la désindustrialisation du pays à été encouragée au nom du « laisser-faire ». L’industrie, c’était has-been ! Le fabless, l’industrie sans usine, a été portée au pinacle. Conséquences : accélération des délocalisations vers les pays émergents et perte de contrôle de nombreux fleurons de l’industrie nationale. Une triste réussite !

Si la première leçon de ce début de XXIe siècle, c’est que tout est possible, alors rien n’est inéluctable. C’est la seconde leçon que nous pouvons logiquement tirer de la précédente. Le déclin peut être enrayé. Mais la condition pour cela, c’est de ne pas persister dans l’erreur. « La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent », selon une célèbre formule attribuée à Albert Einstein. Méfions-nous donc des discours proposant les vieilles recettes du passé et un prétendu retour à la normale, de revenir à des solutions prétendument éprouvées.

Apprendre de nos erreurs

En vingt ans, nos représentations ont volé en éclats. Le temps est venu de changer de logique, de bifurquer, d’engager de nouvelles politiques économiques, d’expérimenter, de produire autrement, de trouver de nouveaux repères. Pour être plus précis, cela signifie notamment rompre avec les politiques néolibérales qui constituent la doxa économique depuis les années Reagan – Thatcher. C’est une troisième leçon à retenir.

Le 12 mars dernier, Emmanuel Macron ponctuait son allocution télévisée avec les mots suivants : « il nous faudra demain tirer les leçons du moment que nous traversons, interroger le modèle de développement dans lequel s’est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour, interroger les faiblesses de nos démocraties. » Chiche ?

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