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Le choc énergétique est un choc systémique

Depuis début 2022, les prix du gaz, de l’électricité ou encore du pétrole, ont progressé de manière fulgurante jusqu’à atteindre des quasi-records historiques.

Par exemple, le prix de l’électricité en France s’est échangé à plus de 1000€/MWh. Les causes sont connues : d’une part, un choc d’offre lié au conflit Russo-Ukrainien et d’autre part un choc de demande lié à la reprise mondiale post-COVID. Pour les pays importateurs nets d’énergie, ce choc se traduit par une dégradation marquée des termes de l’échange (le rapport entre les prix des exportations et celui des importations pour les produits énergétiques). Celle-ci conduit à une hausse de l’inflation et un transfert de richesse vers l’étranger. En outre, cette hausse de l’inflation grève le pouvoir d’achat des agents (ménages et entreprises) ayant une dépendance énergétique importante. Par ailleurs, la difficulté pour les entreprises à répercuter ces hausses de coûts sur les prix finaux (en cas de faible pouvoir de fixation des prix), contraint lourdement leur profitabilité et peut aussi limiter la production.

Les impacts sont donc importants, mais peut-on parler de risque systémique, c’est-à-dire d’un risque d’effondrement du système économique et financier ? Oui, car ce risque touche l’économie, la finance et le système monétaire international.

Un risque économique et financier

Les banques centrales n’ont pas pour habitude de prêter attention aux effets transitoires et volatiles sur les prix (i.e. définition même d’un choc énergétique). Leur objectif est la stabilité des prix à « moyen terme ». Ainsi, elles utilisent plus souvent des indicateurs d’inflation « sous-jacente » (hors énergie et alimentaire), comme repères pour déterminer le point d’atterrissage de l’inflation totale lorsque les effets volatiles s’estompent. Cependant, depuis janvier 2022, la situation a changé.

D’abord, la transition énergétique demande une plus grande vigilance sur l’évolution des prix énergétiques, car elle est plus structurelle. Ensuite, le contexte d’inflation élevée favorise des modifications dans la consommation des agents ; ce qui pourrait nourrir la boucle salaire-prix et rehausser les anticipations d’inflation.

Ainsi, ces raisons justifient une action ferme des banques centrales, qui, par essence, touche l’ensemble des agents financiers et modifie les conditions de financement de l’ensemble de l’économie. Si les banquiers centraux ont longtemps été au chevet de la croissance et de l’emploi, ils semblent résolus à prioriser leur objectif d’inflation au détriment de la croissance économique. À court terme, la perte de ce soutien historique risque d’ailleurs de déstabiliser le système économique et financier.

Un risque sur le système monétaire international

Le caractère systémique du choc sur l’énergie prend une autre ampleur avec la monnaie de facturation des contrats énergétiques. Dans le cas de l’Union Européenne, environ 80 % des importations de produits pétroliers sont libellés en dollar. Aussi, un renchérissement des prix énergétiques libellés en dollar entraîne avec elle une hausse de la demande de billets verts, d’ores et déjà monnaie hégémonique par excellence.

La devise américaine défie même le « Dilemme de Triffin » qui constate l’impossibilité d’observer un système monétaire international ne reposant que sur une devise : le pays en question accumule un déficit courant structurel et sa devise finit par perdre en crédibilité. Dans le cas des Etats-Unis, la grande stabilité du dollar permet de pallier ce dilemme. Pourtant, dans un contexte de resserrement monétaire et de renchérissement fort du dollar, cette stabilité n’est plus assurée. Ainsi, tout choc visant à déstabiliser le dollar pourrait déstabiliser le système monétaire international.

Un risque systémique demande des politiques macroprudentielles

De nombreux modèles de prévisions économiques considèrent les prix de l’énergie comme exogènes. Volatiles par nature, ces prix sont difficiles à prévoir et constituent, au mieux, un cadre d’analyse contrefactuelle : « si les prix du pétrole augmentent de 20 USD, quel est l’impact sur la croissance ? ». Aujourd’hui, la priorité dans l’analyse macroéconomique est d’inclure le risque climatique dans les outils de prévision. La littérature économique plaide aujourd’hui pour un ralentissement de la croissance potentielle du fait d’investissements moins productifs en capital et d’un revenu perturbé par le risque physique et le coût de la transition.

Si les chocs énergétiques sont bien systémiques, il faut transformer cette crise en opportunité et adopter les politiques macroprudentielles les plus adaptées pour réduire notre dépendance à ce risque. Plus que jamais, la solidarité européenne est une nécessité.

Hervé AMOURDA

Économiste de PRO BTP FINANCE et membre du comité stratégique de BSI Economics

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