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La Catalogne S’Essaie Au Consensus Mou… Madrid Réclame La Fin De La « Confusion »

© Getty Images

Particulièrement attendu ce mardi soir, le discours de Carles Puigdemont, chef de l’exécutif catalan, a finalement accouché d’une souris, le dirigeant déclarant « symboliquement » l’indépendance de la Catalogne tout en appelant à un dialogue avec le gouvernement central de Madrid…qui a décidé, en guise de riposte mercredi matin, de demander formellement au dirigeant s’il avait déclaré ou non l’indépendance. La confusion est totale. 

Un goût d’inachevé pour ne pas dire amer. C’est le sentiment qui prédominait ce mardi soir, à Barcelone, où Carles Puigdemont devait déclarer l’indépendance et acter la séparation officielle avec Madrid pour le plus grand bonheur des indépendantistes catalans, prêts à fêter l’événement à grand renfort de tambours et trompettes. Mais finalement, au sortir de son discours, le dirigeant n’a récolté que de timides applaudissements, et c’est surtout la déception qui prédominait dans les yeux de ses partisans. Au terme d’un laïus lénifiant et décousu, Carles Puigdemont a déclaré « symboliquement » l’indépendance de la Catalogne. « J’assume le mandat en vertu duquel la Catalogne doit devenir un Etat indépendant sous la forme d’une République », faisant alors briller la flamme de l’espoir dans les yeux d’une foule tout acquis à sa cause…avant d’éteindre complètement cette lueur par sa déclaration suivante. « Je propose de suspendre les effets de cette déclaration d’indépendance pour entamer des discussions afin de parvenir à une solution négociée ». Une « synthèse » dans les règles de l’art dont on pensait qu’elle n’était que l’apanage du voisin français. Mais il faudra désormais compter avec la Catalogne pour ménager la chèvre et le chou.

Un simulacre que Carles Puigdemont a consacré en signant  dans la soirée, avec d’autres dirigeants indépendantistes, un document déclarant à la fois la « souveraineté totale » de la Catalogne et la suspension de ses conséquences. Un sacré exercice d’équilibriste exécuté sans coup férir par le dirigeant, visiblement plus à une contradiction près.  La belle semble être dans le camp de Madrid désormais qui doit donner suite « à la main tendue » de Carles Puigdemont. Plusieurs options sont sur la table dont une –pas encore écartée- mais qui pourrait mettre littéralement le  « feu aux poudres » : la convocation de nouvelles élections régionales dans la région, autrement dit la dissolution du parlement catalan. Une hypothèse qualifiée de « nucléaire » par moult observateurs. Autre éventualité : le gouvernement de Mariano Rajoy pourrait également avoir recours à la justice pour déclarer « anticonstitutionnelle » la déclaration d’indépendance.

Les entreprises fuient la Catalogne

De plus, Carles Puigdemont a certainement épuisé une partie de son crédit auprès des plus farouches partisans à l’indépendance, échaudés par son discours « d’eau tiède ». De quoi remettre en cause son statut d’homme idoine alors que les militants de gauche radicale CUP pourraient « suspendre », selon le terme à la mode en Catalogne, leur soutien à l’exécutif régional ?. « Je suis déçue », a, par exemple, lâché Julia Lluch, une étudiante de 18 ans venue de Gérone, les yeux embués de larmes ». Et de poursuivre. « J’espérais une déclaration d’indépendance et ça ne s’est pas produit. L’indépendance est notre avenir et dépend de nous, les jeunes », selon des propos relayés par Reuters.  Eric Martinez, un chef d’entreprise de 27 ans, qui écoutait le discours avec sa compagne, avait lui aussi les larmes aux yeux. « Il n’y a pas de solution via une médiation avec l’Espagne. La médiation avec l’Espagne est inutile ». Madrid a, dans la foulée de ce discours, d’ores et déjà fait savoir, par la voix de la vice-présidente du gouvernement, Soraya Sáenz de Santamaria, que le dirigeant catalan n’était absolument pas en mesure d’imposer une médiation. Avant de demander « formellement » ce mercredi matin à l’exécutif catalan s’il a proclamé ou non l’indépendance et de mettre un terme « à la confusion délibérée ». 

Car cette « situation de blocage » a eu déjà de lourdes conséquences sur le front économique.  Pour rappel, la Catalogne représente 1/5e du PIB espagnol. Et un contingent d’entreprises ont déjà fait leurs valiser, migrant vers des contrées plus favorables. Premier de cordée, et non des moindres, la CaixaBank, troisième banque espagnole et première entreprise de Catalogne par la capitalisation boursière qui a transférer  son siège social de Barcelone vers Valence.  De son côté, La fondation Caixa (Fundació Bancària ‘la Caixa’), qui gère CriteriaCaixa, la holding de contrôle de Caixabank, a annoncé le déménagement de son siège de Barcelone à Palma de Majorque tant que la Catalogne sera en proie à des turbulences politiques. En outre, cet « exode » est facilité par les autorités espagnoles par l’intermédiaire d’un décret facilitant ces déménagements, qui n’ont plus à être validés par l’assemblée générale des actionnaires et peuvent être entérinés par le seul conseil d’administration. Mais le flou régnant autour de la déclaration de Carles Puigdemont a néanmoins permis à la Bourse de Madrid de poursuivre sur sa bonne lancée du début de semaine, l’indice Ibex progressant de 1,5% à l’ouverture ce mercredi matin.

L’exemple basque

Certaines voix, dans l’opinion, commencent également à émerger afin que la Catalogne suive l’exemple du Pays Basque dont les relations avec Madrid, autrefois à couteaux tirés, sont désormais apaisées. Dans cette région longtemps confrontée au terrorisme indépendantiste, les velléités sécessionnistes ont quasiment disparu, grâce, notamment, au régime fiscal spécial accordé par Madrid. « Nous n’avons pas ce ressentiment économique », explique Aitor Esteban, cité par Reuters, et membre du Parti national basque, première formation politique représentée à l’Eusko Legebiltzarra, le Parlement régional. « La population ne ressent pas le besoin de se soulever pour des raisons financière, cela fait une grande différence », a-t-il ajouté. Mais ce « modèle » fiscal avantageux est-il vraiment duplicable en Catalogne ? Selon une étude du groupe de recherche CSIC qui remonte à 2014, si ce régime fiscal favorable était appliqué en Catalogne, Madrid perdrait 16 milliards d’euros, soit 13% de son budget global. Si le flou domine par ailleurs, cette possibilité a, quant à elle, déjà été exclue par Mariano Rajoy. L’Espagne est plus que jamais à un tournant de son histoire.

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