Innovation : Le Replay De L’Échappée Volée Et Des Napoleons

La séance de rattrapage vidéo des évènements innovation de l’été a commencé. C’est l’occasion de revenir sur deux évènements majeurs dans l’Hexagone : l’Échappée Volée (qui s’appelle désormais BOMA France Festival) et Les Napoleons. Lecture croisée.

Source d’inspiration et de créativité, les évènements dédiés à l’innovation sont avant tout des expériences à vivre. L’Echappée volée promet des « expériences d’apprentissage, à la croisée des sciences, des technologies, des arts et des humanités ». L’expérience est plutôt focalisée sur le contenu. Les quatre principes fondateurs de l’Échappée Volée demeurent l’inspiration (générer la curiosité et susciter l’intérêt), l’expérimentation (mettre en pratique), l’échange (être actif et socialiser) et l’engagement (connecter et agir).

Côté Napoleons, les conditions de l’expérience servent surtout le networking. Les Napoleons se veulent un « réseau social » orienté innovation et business, qui se décline certes sur le digital (une nouvelle plateforme va être mise en ligne dans les jours à venir) mais qui connaît son climax deux fois par an « in real life ». En Provence comme en Savoie, le cocktail conférence, fête et détente (rencontres photographiques en Arles, glisse à Val d’Isère) permet des conditions optimales pour créer des rencontres, inspirer confiance voire amorcer du business.  À ce titre, le trajet en train privatisé avec des animations, dit « Ice Breaker Train« , est un élément clé du dispositif des Napoleons. Aux dires de certains participants (et au vu de l’audience croissante), l’investissement peut être rentabilisé en quelques mois.

Deux cadres d’exception pour parler innovation: la Seine Musicale et le centre historique d’Arles

 

Premier élément fondamental : le cadre. Francilien pour l’Échappée Volée, qui s’est installée 24 heures à la Seine Musicale à Boulogne-Billancourt. Dans la bulle de verre, l’acoustique de l’amphithéâtre en bois est parfaite pour écouter l’enchaînement de conférences de dix minutes en mode TED – l’organisateur de l’événement, Michel Levy-Provençal, est le fondateur de TedXParis. Le confort des sièges tenterait presque à la sieste dans la pénombre, mais c’est sans compter l’alternance avec les ateliers participatifs. Si la priorité du dispositif est donnée aux contenus, les terrasses de l’Ile Seguin où la Seine effleure le béton offrent un cadre plus qu’agréable aux cocktails du soir. Lors de la soirée de clôture, une touche de folie a été donnée par le collectif « Catastrophe ». Danseurs et chanteurs ont fureté entre les participants avant de les entraîner à l’intérieur pour un show pop-rock déstructuré.

 

 

Les Napoleons prennent leurs quartiers d’été à Arles pendant trois jours. Pour comprendre notre époque et parler innovation, le théâtre antique et les arènes romaines donnent plus (ou parfois beaucoup moins) de relief aux interventions. Dans ces lieux chargés d’histoire, difficile de ne pas penser au temps long. Les cigales en fond sonore, y compris dans les espaces de la Fondation Van Gogh, donnent une touche bucolique pour un auditoire essentiellement parisien. Sur les aspects fun, les organisateurs ont offert une surprise le premier soir avec le concert de Juliette Armanet et de Brigitte dans le théâtre antique. Pour ne pas trahir la devise « What happens in Arles stays in Arles », on se contentera de mentionner que la soirée finale, décalée puis décadente, s’est déroulée sur les deux derniers étages du parking public de la ville.

 

 

Deuxième élément fondamental, les conférences et les ateliers. À l’Échappée Volée, le format TED est à l’honneur, comme l’on peut le vérifier sur le replay video. Selon certaines sources, les conférenciers bénéficient d’une formation de plusieurs jours pour entrer dans les canons du genre. Une occasion de pratiquer « Les secrets des grands orateurs », titre du dernier livre de Michel Levy Provençal publié en juin dernier. Et d’appliquer les théorie sur l’apprentissage d’Ulrich Boser, référence citée par le grand manitou de l’Echappée. Côté casting, c’est surprenant et international. L’ancien CBO de GoogleX Mo Gawdat parle de la joie quand Brett Johnson, cyber criminel repenti, aborde l’éthique et la sécurité. En français dans le texte, le professeur de technologie Stéphane Cloâtre raconte comment il utilise Minecraft pour apprendre à ses éléves à collaborer et à résoudre les défis collectivement. Puis Pierre Fautrel décrit à son tour le mouvement « GAN » (Generative Adversarial Networks), qui fédère des artistes qui utilisent des algorithmes pour créer des œuvres d’art.

 

 

Aux Napoleons, qui avaient cette année pour fil rouge « La Vérité », le modèle des conférences est plus classique. La différence réside dans la modération, qui donne leur ton propre aux Napoleons. Il s’incarne dans l’impertinence et le métier du duo Vincent Edin-Alexandre Kouchner, et se renouvelle avec des journalistes comme Béatrice Sutter ou encore Majorie Paillon. Côté casting, le politique (Bruno Le Maire, Mounir Mahjoubi) côtoie l’international (avec l’universitaire Newton Howard, la réalisatrice Nandita Das, le lanceur d’alerte Evgeny Morozov) ou encore l’iconoclaste (le chamane Pierre Bigé, la philosophe Chantal Mouffe).

 

Notre palmarès subjectif des conférences : fake news, rêves mathématiques et émotions

Au rang des conférences à revoir, nous livrons ici notre palmarès totalement subjectif qui n’engage que l’auteur de ces lignes. Sur les « fake news », côté Échappée Volée on retiendra l’émouvant Bjorn Ihler, rescapé de la tuerie d’Utoya et fondateur d’un outil de dépistage des fausses informations. Côté Napoleons, on visionnera la conférence de la journaliste finlandaise d’investigation Jessikka Aro, victime d’une cabale en ligne. Le prix de la conférence la plus décalée à Boulogne-Billancourt revient à Laurent Derobert, mathématicien existentialiste qui met en équation rupture sentimentale, miracles et mirages. À Arles, c’est l’intervention du psychiatre Roland Gori qui a marquée les esprits. Bien qu’elle n’ait pas été captée, on peut se référer à l’ouvrage qui a guidé son intervention, La Fabrique des Imposteurs, ainsi qu’à son dernier livre qui vient de paraître : La Nudité du Pouvoir, comprendre le mouvement Macron. Enfin sur la séquence émotions c’est Anne-Marie Gaultier de Datakalab qui remporte la palme côté Échappée Volée. Pour elle, les émotions sont capitales pour la mémorisation à long terme. « Mesurer les émotions permet d’améliorer l’apprentissage et la transmission des savoirs » explique-t-elle. Pour ce faire elle utilise des algorithmes de reconnaissance faciale couplés avec de l’intelligence artificielle. Elle a ainsi mesuré seconde par seconde les émotions des participants du premier rang lors de la soirée d’ouverture… et pu classer l’impact des conférenciers, dans un classement resté confidentiel. Pour la soirée de clôture des Napoleons, l’émotion dans le théâtre antique est venue de l’écrivaine Adelaïde Bon. L’auteur de « La Petite Fille Sur La Banquise » a raconté le traumatisme de son viol qui remonte à l’enfance. Une vérité qui a eu du mal à émerger, et qui donne un regard singulier sur notre société et notre époque, avec plus de hauteur qu’un simple #metoo.

 

BOMA, Napoleons: un avenir tourné vers l’international

 

 

Pour renouveler l’Échappée Volée, Michel Levy Provençal s’est associé à trois autres organisateurs dans la veine TedX et Singularity University.  Avec la Sud-africaine Lara Stein (basée à New York), la Néo-Zélandaise Kaila Colbin et l’Allemand Stephan Balzer, il lance le réseau BOMA Global. « Nous avons entendu beaucoup de retours positifs de nos TedX, mais au-delà de l’inspiration suscitée, les gens se posent la question : comment passer à l’action ? » explique Laura Stein, fondatrice des programmes TedX. Dans un contexte de disruptions géopolitiques, climatiques et technologiques, « les offres de BOMA – conférences, formations, communautés – aideront à comprendre, initier, accompagner et avoir un impact positif sur ces révolutions »précise Michel Levy Provençal. Premier thème vertical : l’agriculture. Il sera traité d’abord en Nouvelle-Zélande le 10 avril 2019, puis au Brésil et en Afrique du Sud au deuxième trimestre, et enfin en France et en Allemagne au troisième trimestre.

 

 

Les Napoleons veulent aussi conquérir l’international « en créant une communauté, des événements et des Meetup pour nourrir les acteurs innovants locaux, à commencer par l’Afrique puis l’Asie », expliquent Mondher Abdenader et Olivier Mouliérac. « Nous travaillons également à des passerelles avec des écosystèmes ailleurs en Europe, mais aussi avec la Silicon Valley, Israël et l’Inde ». En attendant, les fondateurs des Napoleons donnent rendez-vous à Val d’Isère du 9 au 12 janvier 2019 autour du thème du Progrès.

Les vidéos des conférences sont désormais disponibles.