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Edouard Philippe, Un Juppéiste À Matignon

Cité parmi les principaux favoris pour le poste, le maire LR du Havre a été officiellement nommé à Matignon, au terme d’âpres discussions, et aura ainsi la lourde tâche de diriger le premier gouvernement de l’ère Macron.

Un secret de polichinelle… qui aura mis de (très) longues heures à devenir « officiel ». Initialement prévue à 8h, puis « dans la matinée », la nomination du Premier ministre a pris énormément de retard pour finalement devenir « effective » à 14h55. Alors qu’Emmanuel Macron a été intronisé ce dimanche huitième président de la Ve République au terme d’une cérémonie sans fausse note, le regard des observateurs et autres experts ès politique était déjà rivé vers « l’étape » d’après, en l’occurrence la nomination de celui qui sera chargé d’impulser la politique du nouveau président. « C’est quelqu’un qui doit être en capacité de tenir une majorité parlementaire. Il faudra qu’il ou elle ait une forte expérience de la vie politique, de l’art parlementaire et de la capacité à gouverner les hommes ». Ce sont, en ces termes, que le nouveau chef de l’Etat avait esquissé « la fiche de poste » de celui ou celle qui aurait la lourde tâche de diriger le premier gouvernement composite de l’ère Macron. Autre condition quasi sine qua non pour s’installer sous les ors de Matignon : incarner le renouvellement des visages que le fondateur d’En Marche! a appelé de ses vœux tout au long de la campagne. Un « portrait-robot » qui exclut, de facto, les autres potentiels prétendants comme Jean-Yves Le Drian et encore davantage François Bayrou.

Si certains ont dû vite remiser leurs ambitions à cause de déclarations intempestives – telle Laurence Parisot, offrant ses services lorsque personne ne lui avait rien demandé -, d’autres ont su patiemment avancer leurs pions et œuvrer en coulisses. C’est, peu ou prou, ainsi qu’Edouard Philippe, personnalité encore relativement peu connue du grand public, a raflé la mise, malgré d’intenses tractations de dernière minute. « Il n’y a pratiquement aucun doute sur le fait qu’Edouard Philippe sera Premier ministre » déclarait dès hier l’ancien secrétaire général de la feu UMP, Jean-François Copé.  D’ailleurs, dès l’aube ce lundi matin, les ténors de la droite mettaient la dernière main à leur riposte afin d’être prêts à réagir dès l’officialisation de la nomination du maire du Havre. « Une prise d’otage politique », pour François Baroin, selon les confidentiels RTL. Tandis que Bernard Accoyer a exhorté ses troupes à mettre davantage l’accent sur la notion de « débauchage individuel » pour souligner que le nouveau chef du gouvernement ne bénéficiait pas de l’onction des Républicains.

Ancien du Parti socialiste

« Collaborateur » d’Alain Juppé durant toute la campagne de la primaire de la droite et du centre, le député-maire du Havre avait, semble-t-il, remisé – pour un temps – l’espoir de participer à quelque aventure présidentielle avec la lourde défaite de son champion face à François Fillon. S’engageant à contre-cœur dans la campagne de ce dernier, il finira par déserter début mars à mesure que les révélations s’enchaînent sur les emplois présumés fictifs de l’épouse de l’ancien premier ministre… tout en prenant langue avec l’ancien ministre de l’économie, Emmanuel Macron, qui s’installe, après la « démonétisation » du candidat Fillon comme grandissime favori à la magistrature suprême. Hormis cette « exposition » relativement courte dans le temps, que sait-on d’Edouard Philippe ?

Il a déjà un point commun – et non des moindres – avec Emmanuel Macron. Comme lui, il prône le renouvellement de la classe politique et le dépassement des partis traditionnels. « Si Emmanuel Macron l’emporte, il devra sortir du face-à-face ancien, culturel, institutionnalisé et confortable de l’opposition droite-gauche pour constituer une majorité d’un nouveau type. Son chemin sera étroit. Et risqué », déclarait-il dans les colonnes de Libération durant l’entre-deux tours.  Pour le reste, le « parcours » de l’ancien lieutenant d’Alain Juppé est somme toute classique. Né en 1970 à Rouen, le jeune homme intègre Sciences Po et milite pendant deux ans au Parti socialiste, ou plus précisément, s’engage aux côtés de Michel Rocard. Il quittera d’ailleurs le parti quand celui-ci échouera à en prendre la tête. Il entre ensuite à l’Ena et sort « dans la botte », c’est-à-dire dans les quinze premières places du classement permettant d’accéder aux postes les plus convoités et les plus prestigieux. Pour Edouard Philippe, ce sera le Conseil d’Etat.

Engagement politique et « corpus idéologique »

Cette expérience va lui donner le goût de l’engagement politique. Au gré de ses pérégrinations, il se lie avec Antoine Rufenacht, ancien maire du Havre, et tente une incursion aux législatives de 2002. Une première tentative qui se soldera par un échec. Il part « se mettre  au vert » dans un grand cabinet d’avocat mais le virus de la politique ne l’a pas pour autant quitté. Après avoir conseillé Alain Juppé en 2007 lors du passage éclair de ce dernier au ministère de l’Ecologie et de l’Aménagement du territoire, il retourne dans le privé, chez Areva plus précisément, où il officie en tant que directeur des Affaires publiques. La démission d’Antoine Rufenacht lui offre « une seconde chance » en politique et il va la saisir au vol en devenant à 39 ans – âge d’Emmanuel Macron aujourd’hui – maire du Havre.

Il sera d’ailleurs brillamment réélu, dès le premier tour, en 2014 et remportera, dans l’intervalle en 2012, le siège de député de la 7e circonscription de Seine-Maritime. Fort de cet ancrage, et « dans l’ombre » de son mentor d’Alain Juppé, il va œuvrer, avec son compère Gilles Boyer, à la mise sur orbite du « désir Juppé » dans la perspective de la primaire de la droite et du centre, l’installant au pinacle dans les sondages et l’opinion. Mais plus dure sera la chute et le 29 novembre signe la fin de la carrière politique nationale de l’ancien premier ministre de Jacques Chirac.  

Une occasion unique de s’émanciper et faire valoir ses convictions, qui à l’instar de celles mentionnées plus haut, « matchent » parfaitement avec la vision d’Emmanuel Macron pour le pays. Européen convaincu – comme le nouveau président, seul à avoir mener une campagne résolument pro-européenne -, Edouard Philippe a désormais toutes les cartes en main pour constituer son gouvernement et donner le tempo. Cela tombe bien pour celui qui confiait récemment au Point rêver – s’il n’avait pas fait de la politique – de devenir chef d’orchestre. « Mais je n’avais pas le talent pour cela », souligne-t-il. Espérons qu’il mènera la politique de la France avant davantage de maestria.

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