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Défense VS Bercy : La Tension À Son Paroxysme

Le chef d’état-major des Armées françaises, Pierre de Villiers, a laissé éclater sa colère après les coupes budgétaires, d’un montant de 850 millions d’euros, imposées par Bercy au ministère de la Défense. Un « mini plan de rigueur » qui accroît la frustration d’une communauté militaire toujours plus sous pression.

« Je ne vais pas me laisser b….comme ça ». Le ton est donné et témoigne de toute la frustration et de la colère du chef d’état-major des Armées, Pierre de Villiers, face au rabot gouvernemental qui a rogné de 850 millions d’euros le budget de l’armée pour l’exercice 2017. Des propos tenus, ce mercredi, devant la commission de la Défense de l’Assemblée Nationale et relayé dans un confidentiel de Challenges et confirmé, par la suite, auprès par des sources parlementaires auprès de Reuters. Une saillie particulièrement rude mais empreinte d’impuissance après l’annonce des économies demandées à l’ensemble des ministères, la veille, par le ministre de l’Action et des Comptes Publics, Gérald Darmanin, qui a plaidé pour une « réduction du train de vie » de l’Etat afin de tenir le déficit public sous la barre des 3% du PIB en 2017.  Pierre de Villiers déplore qu’une fois de plus l’armée soit la variable d’ajustement budgétaire. Une situation qui pourrait pousser l’officier à déposer les armes et à quitter ses fonctions, la rumeur d’un départ commençant à prendre de l’ampleur, la veille du 14 juillet. Ce qui ne serait pas du plus bel effet et enverrait le premier signal négatif de la présidence Macron.

« Quand on lui a posé la question de sa démission, il n’a pas répondu », soulignent ces mêmes sources parlementaires auprès de Reuters. Comme précisé par l’entourage de la nouvelle ministre des Armées, ces 850 millions d’économies proviendront des 2,7 milliards d’euros de crédits gelés pour l’exercice en cours au titre des régulations annuelles. Comme rappelé par l’agence, cette mesure de régulation, prise dans le cadre de la loi de finances 2017, concerne : une réserve de précaution de 1,6 milliard d’euros, un gel des crédits de report de 2016 sur 2017 à hauteur de 715 millions (décidé en mars) et un « surgel » de 350 millions d’euros (en avril). Un effort qui pourrait peser sur les équipements des militaires alors que de nombreux soldats sont déployés sur moult théâtres d’opérations extérieurs (Sahel, Levant) comme intérieurs, avec l’opération Sentinelle. Au total, 7 000 militaires français sont déployés aujourd’hui sur des théâtres extérieurs, dont 4.000 pour la seule opération Barkhane au Sahel.

Un « effort » en 2018

Pourtant, Emmanuel Macron a confirmé son objectif de porter les ressources de la Défense à 2% du PIB à l’horizon 2025. Le premier ministre, Edouard Philippe, avait abondé dans ce sens, hier, dans un entretien fleuve aux Echos, promettant « un effort supplémentaire » en 2018, sans donner davantage de précisions sur le modus operandi. Pour rappel, la France sous la présidence Hollande s’était engagée avec les autres membres de l’Union Européenne à porter son budget militaire à 2% de son produit intérieur brut… mais pas avant l’horizon 2024.

Dans le détail, le budget de « la grande muette » a été augmenté de 600 millions d’euros en 2016 pour être porté à 32 milliards. Début janvier, Pierre de Villiers tirait la sonnette d’alarme dans les Echos, plaidant pour un relèvement du budget de la défense à hauteur de 2% du PIB (contre 1,78% actuellement), condition sine qua non, selon lui, pour faire face aux nouvelles formes de menaces et donner un second souffle à un modèle en fin de cycle. Une hausse qui devait intervenir à ses yeux le plus rapidement possible, en l’occurrence à la fin du prochain quinquennat, soit en 2022.  

« L’armée maltraitée »

Force est de constater que le compte n’y est pas. Le gouvernement, désireux d’aboutir à l’objectif des 3% à la fin de l’année, n’a pas fait de sentiment, en dépit des efforts de Florence Parly qui, malgré sa pugnacité et sa connaissance des finances publiques, n’a pu que constater les dégâts. Invité à réagir sur le « coup de pouce » promis en 2018, le général de Villiers n’a, une fois de plus, pas mâché ses mots. « Je suis c…, mais je sais quand on veut m’avoir », a-t-il déclaré. Avec un budget de 32,7 milliards – hors pensions -, la Défense est à la croisée des chemins. Ce qui donne du grain à moudre à l’opposition, qui n’a eu que trop peu l’occasion de donner de la voix depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée. Le président (LR) de la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale, Eric Woerth, a ainsi déploré cette situation, estimant l’armée française maltraitée par l’exécutif.

« L’armée française, elle est maltraitée dans ce décret d’avance (…). Je peux comprendre que les chefs militaires considèrent qu’on ne peut pas risquer la vie d’un certain nombre de soldats, faire de la géopolitique au travers de nos propres armes et ne pas avoir les moyens d’en faire », développe l’ancien ministre du Budget. Devant s’exprimer à l’Hôtel de Brienne ce soir, dans sa traditionnelle allocution devant les armées à la veille du 14 juillet, Emmanuel Macron est attendu au tournant et va devoir faire montre de pédagogie pour rassurer toute une communauté échaudée par des coupes budgétaires tous azimuts et « en même temps » assurer la sécurité de nombreux théâtres d’opérations. Une équation complexe que le président de la République va devoir résoudre. Dans les meilleurs délais.

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