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Candidats À La Présidentielle : Merci De Supprimer Le Crédit d’Impôt Recherche !

Source : Pixabay

Rendre la France à nouveau compétitive est au cœur des débats présidentiels. Pour y arriver, nous devons réduire nos charges et nos impôts et accroitre notre capacité à créer et à commercialiser l’innovation.
Pour mieux innover, je vous conseille de supprimer ce qui est considéré comme un acquis mais qui ne l’est pas : le fameux Crédit d’Impôt Recherche (CIR).

Je l’accorde, ce dispositif a été bénéfique à la compétitivité des entreprises françaises mais il est désormais insuffisant et contre-productif. Dans cet article, je vais vous expliquer les raisons pour lesquelles il me semble important de le supprimer.

 

Un petit rappel

Créé dans les années 1980, le CIR a subi de nombreuses modifications. La version actuelle date en gros de 2008 et « rembourse » 30% des dépenses de R&D lorsque celles-ci sont inférieures ou égales à 100 millions d’euros, et 5% au-delà. Avec un budget estimé à 5,5 milliards d’euros pour 2016, le CIR est la seconde dépense fiscale de l’Etat, derrière le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Ce coût est également près de deux fois le budget du CNRS.

 

Une promesse non tenue

En 2012, le candidat à la présidentielle François Hollande a dit :

« Le Crédit Impôt Recherche (CIR) a triplé depuis 2007, les dépenses de recherches des entreprises ont stagné, et trop d’effets d’aubaine ont joué pour les grandes entreprises. Le rapport Carrez, député UMP, a montré que bénéficiant pour 80% désormais aux grands groupes. Le caractère incitatif du CIR a diminué. Nous réformerons le CIR en le recentrant sur les entreprises qui en font le meilleur usage.»

Le message de François Hollande ne peut pas être plus clair : le dispositif du CIR ne fonctionne pas. Triste de constater que rien n’a été fait depuis son élection.

 

L’enjeu

Le Crédit d’impôt recherche a été créé pour stimuler la croissance économique via un soutien de la recherche et développement (et donc de l’innovation). Il peut être décliné en de multiples sous-objectifs, avec des impacts structurants variés :

  • Développer les dépenses de R&D des entreprises françaises
  • Conforter les filières d’avenir en France
  • Renforcer l’attractivité internationale de la France pour les activités de R&D
  • Favoriser la R&D dans toutes les catégories d’entreprise (PME, ETI, grandes entreprises)
  • Accroître les collaborations public-privé
  • Développer l’emploi des chercheurs en France.

 

Qui sont les bénéficiaires ?

Un peu plus de 20 000 entreprises bénéficient de ce dispositif qui s’applique à toute entreprise engageant des efforts de recherche et de développement, quels que soient son secteur d’activité, sa taille et son organisation. 32% du CIR concernent les grandes entreprises, 37% les ETI et 30% les PME.

 

Mais certains pays ont copié ce dispositif !

Mauvaise nouvelle : la Belgique, le Pays-Bas, le Luxembourg, le Royaume-Uni, l’Espagne, le Portugal, la Pologne… ont tous repris notre fameux dispositif et notre avantage compétitif vis-à-vis de tous ces pays a ainsi disparu. Il est donc démagogique de dire que notre « CIR national » fait la différence quand entretemps, les autres l’ont aussi.

De plus, les pays émergents comme la Chine, le Brésil et l’Inde ont aussi mis en place des dispositifs d’incitations fiscales dans le but de stimuler les dépenses de R&D des entreprises…et pour attirer des entreprises étrangères. Cette action traduit cette compétition toujours plus forte que se livrent les pays visant à attirer les investissements de R&D et l’implantation d’activités à forte valeur ajoutée technologique. PwC a confirmé dans sa publication «Global Innovation 1000», que le continent asiatique est devenu en 2015 le terrain privilégié des investissements en recherche et développement. L’Asie pèse désormais 35% des dépenses d’innovation, devant les Etats-Unis (33%) et l’Europe (28%). Pour la première fois dans l’histoire, les dépenses en R&D de la Chine dépassent en 2016 celles de l’Europe des 28. Le dernier baromètre d’attractivité 2016 d’Ernst & Young a également souligné le décrochage de la France et il est ainsi urgent d’agir !

Crédit Impôt Recherche

Selon la Cour des comptes et son rapport de 2013, les dépenses en R&D des entreprises n’ont pas progressé et l’emploi dans la recherche privée a même diminué de 11% entre 2008 et 2013. Au même moment, le montant du CIR est passé de 1,8 à 5,8 milliards d’euros par an. Ces chiffres jettent un très sérieux doute sur l’efficacité du dispositif.

«Dépenser 4 milliards par an en plus et obtenir 11% en  moins d’emplois» ressemble plus à un slogan politique qu’à une volonté économique.»

Il est temps que nos candidats à la présidentielle arrêtent leurs discours, se renseignent et acceptent les données publiées par la Cour des comptes.

CIR - Crédit d'Impôt Recherche

 

Est-ce vraiment la bonne formule ?

Il faut se rappeler que les crédits d’impôt sont des mécanismes ayant pour objectif de corriger des situations de marché non-satisfaisantes. Il s’agit d’un équilibrage a posteriori qui peut perdre de son intérêt compte tenu de son décalage dans le temps.

L’ANRT a publié en juillet 2014 un rapport indiquant que la France serait, sans le dispositif du CIR, le pays européen le plus cher en termes de coût moyen du chercheur en entreprise. Heureusement, le CIR corrige ceci favorablement en descendant dans la fourchette moyenne européenne, mais est-ce suffisant pour nous d’être dans la moyenne ? La réponse est clairement NON. Dans le monde de l’innovation, il faut être au moins dans le top 3 mondial. Pourquoi ne pas agir directement sur la cause même (les salaires et les investissements) et oublier les corrections à posteriori qui génèrent des surcouches de gestion ? De plus, en gardant la R&D en France, il n’existerait plus aucun frein à l’externalisation et la commercialisation des produits dans des pays voisins.

En constant contact avec le terrain, je vois mes clients délocaliser leur R&D et je ne peux pas les empêcher. Un ingénieur en France coûte en moyenne 5 000 euros par mois (salaire, frais, dépenses…) alors qu’il ne coûte que 400 euros en Inde et de 2 000 à 2 500 euros dans les pays de l’Europe de l’Est. Même en récupérant 30% du salaire via le CIR, la différence reste énorme et l’écart se creuse d’autant plus que certains pays de l’Est (comme la Pologne) ont des dispositifs similaires au CIR. Quand un dirigeant est déjà forcé pour des raisons de compétitivité de produire à l’étranger, il a aussi intérêt à rapprocher sa R&D des unités de production pour une meilleure collaboration. Notre discours qui soutient que la France a les meilleurs ingénieurs et chercheurs est de moins en moins vrai. Dans le monde du logiciel et selon Eurostat, les ingénieurs en Pologne et Estonie se positionnent au même niveau que la France mais à un tiers du coût salarial. Le calcul est vite fait.

Pour l’innovation et la compétitivité, nos candidats présidentiels doivent positionner la France en tant que leader européen. 

Il est évident que nous ne pouvons pas être champions partout mais il est très important de quitter cette volonté de se positionner partout dans la moyenne. L’Allemagne ou l’Italie ont des secteurs où ils sont très bons et d’autres mauvais. Ceci fait partie de leur rayonnement.

Nos politiciens doivent également prendre en compte la réalité économique comme vécue par les dirigeants et non les différentes publications commandées par les différentes instances publiques pour justifier via des visions très partielles, les bénéfices de dispositifs tels que le CIR.

Le Crédit Impot Recherche : un dispositif inadapté

Pour nos PME innovantes, et surtout les startup, le délai de versement du CIR pose problème. Si elles lancent aujourd’hui un projet innovant (février 2017), les dépenses courent dès le premier jour mais l’avantage monétaire du dispositif CIR arrive beaucoup plus tard. Pour ceux qui clôturent leur exercice fin décembre, l’impact financier ne sera pas visible avant mai 2018 (pour ceux qui font des bénéfices) et à fin 2018 pour ceux en perte d’exploitation. Ce décalage de 16 à 24 mois entraine un décalage en trésorerie trop important pour nos startup. Comptablement parlant, délocaliser sa R&D donne à une PME un avantage financier immédiat quand il faut attendre au moins 16 mois en conservant son R&D en France. Politiquement inacceptable.

Autre problème pour les PME-filiales qui voient le montant de leur CIR collecté par le siège. Le fait de séparer «investir dans un projet au sein d’une filiale» et «récupérer l’aide financière au siège» est inefficace car l’innovation se détache du terrain ; sans parler du fait que l’argent d’un projet investi par une filiale peut aller vers une autre filiale, ce qui n’arrange pas la lisibilité.

 

Mais intéressant pour les grands groupes

L’importance des montants récupérables a également incité les fiscalistes de grands groupes à prendre la main sur la R&D pour pouvoir créer des optimisations fiscales comme la création de clusters de PME. La direction scientifique a ainsi perdu, pour une grande partie, la main sur les programmes R&D. Chacun sait qu’il est interdit de réaliser des optimisations fiscales mais pour ce qui concerne le CIR… tout passe en toute impunité. Les grands groupes paient moins d’impôts que nos PME et le CIR est un des leviers utilisés.

Et les fiscalistes vont même plus loin en créant des projets non-stratégiques mais éligibles au CIR. Travailler sur certains programmes publics-privés ou mettre en place certaines infrastructures telles qu’accélérateurs, Fablabs ou même Hackatons, celles-ci peuvent rapporter de l’argent sans prendre le moindre risque. Et ces initiatives n’apportent que très peu en innovation métier. Tout ce qu’il faut pour récupérer de l’argent : c’est vendre une initiative en la présentant comme ultra-innovant.

Crédit Impot Recherche

En conclusion, il faut modifier les règles fiscales et aller vers un mode de financement juste et directement lié au projet d’innovation.

 

Un dispositif pas si positif pour la recherche privée

Nos différents gouvernements semblent avoir un problème avec la recherche. Dans une lettre ouverte à François Hollande, 660 directeurs de laboratoire lui précisaient en octobre 2014 :

 «Une réforme du Crédit Impôt Recherche (CIR) permettrait de financer une autre politique et notamment, un plan pluriannuel ambitieux pour l’emploi scientifique, devenu aujourd’hui indispensable. A titre d’exemple la création de 3000 postes représente une somme de 180 millions d’euros soit 3% du CIR qui s’élève à plus de 6000 millions d’euros !».

De son côté, le conseil scientifique du CNRS a critiqué le crédit d’impôt recherche en 2014. Il affirme en particulier que selon l’OCDE, les dépenses intérieures de R&D des entreprises sont passées de la 13e place mondiale en 2006 à la 15e en 2011, alors que dans le même temps, le crédit d’impôt recherche (CIR) a pourtant augmenté considérablement (de 980 à 5 100 millions d’euros), sans aucun effet d’entraînement observable sur la recherche privée.

Il faut le constater, avec une dépense de 4 milliards par an supplémentaire,

Crédit impot Recherche Scientifique - CIR

Le gouvernement aura  pu financer la création de soixante-six mille postes scientifiques 

dans le secteur privé permettant de porter nos entreprises vers le haut. Au lieu de ça, nous reculons partout – en nombre d’emplois, en compétitivité et en attractivité.

Laboratoire Crédit d'Impot Recherche

 

Une gestion trop coûteuse

Chaque système a ses inconvénients. Beaucoup d’entreprises sous-traitent le montage des dossiers CIR à des sociétés spécialisées qui s’octroient ainsi une part non-négligeable du gâteau. Celles-ci se présentent en tant que cabinets de conseil en innovation mais en réalité ne font que de l’administratif. Avec une rémunération à taux moyen de 15% du montant obtenu, nous arrivons à un montant cumulé de 240 millions d’euros par an. En intégrant les coûts internes de traitement des deux ministères (Finance et Recherche) nous arrivons à un coût global administratif de 290 millions d’euros. Dommage. Avec 20 000 sociétés bénéficiant du CIR, nos entreprises dépensent en moyenne 14 500 euros pour réaliser ce traitement administratif. (tweeter la citation)

Parlant de compétitivité de nos entreprises, nous sommes contraints de toujours faire mieux et réduire les coûts d’une gestion inutile ne peut qu’aider. Il est temps pour la compétitivité de la France que la simplification de l’administration devienne une réalité.

 

Que faire ?

Le renforcement de l’innovation et de la compétitivité des entreprises françaises passe effectivement par une phase «Recherche et Développement» mais doit également intégrer certaines dépenses de la commercialisation et de l’excellence d’exploitation. Certains pays vont déjà dans cette direction via des taux réduits à l’exploitation directe sur le territoire national des résultats de la recherche.

Soyons clairs : 
Désindustrialisation

Faut-il continuer à sponsoriser des programmes R&D quand ensuite, les emplois seront créés à l’étranger ? En fabriquant de moins en moins sur notre sol, il ne nous reste plus que l’exportation de notre savoir mais pour combien de temps encore dans la mesure où plusieurs pays nous rattrapent scientifiquement ? Avec plus d’investissement en R&D en Chine qu’en Europe, et sachant que les Chinois savent produire en masse, il ne faudra plus beaucoup de temps pour voir la Chine comme un pays qui exportera des produits de qualité et des services innovants.

Dans la même alignée, le président Donald Trump agit actuellement via ses tweets pour conserver l’emploi automobile sur le sol américain. Pour lui, une entreprise américaine doit pour satisfaire le marché local, créer des emplois localement et réaliser sa R&D localement. Je ne souhaite pas aller si loin mais 

nous ne pouvons pas innover en France si nous n’avons pas une capacité minimale à fabriquer nous-mêmes.

 

Mission pour les candidat(e)s à la présidentielle 2017

Notre «formule magique du CIR» est aujourd’hui rattrapée par d’autres pays et le dispositif est en fin de vie. Inefficace, trop lourd à gérer et avec un certain nombre d’abus, il est temps de trouver et de mettre en place une nouvelle solution afin de rétablir les bases d’une nouvelle compétitivité.

Cette nouvelle solution doit se concentrer sur les projets mêmes et non-plus vers la fiscalité des entreprises. Elle doit avoir un impact rapide sur la trésorerie et couvrir l’intégralité du processus d’innovation afin de ralentir la désindustrialisation de la France.

Le nouveau dispositif doit également faciliter l’achat de l’innovation telle que l’achat de licences d’exploitations (par exemple pour faciliter nos entreprises à utiliser les innovations créées par nos centres de recherche), le rachat de brevets ou même le rachat d’entreprises innovantes. Et naturellement, tout ceci avec une exploitation restreinte au sol français.

Afin de rétablir notre compétitivité, il faut aussi que ce nouveau dispositif soit très simple et rapide à contrôler pour éviter l’utilisation de cabinets externes ou l’embauche de fonctionnaires supplémentaires pour vérifier le respect des règles. La compétitivité de nos entreprises passe aussi par la simplification des procédures fiscales.
Pourquoi garder une formule qui ne satisfait plus les PME, ETI, filiales … et même plus la Cour des comptes ?

Si la France veut regagner sa compétitivité d’antan, il faut oser un dispositif radicalement différent pour quitter notre positionnement actuel de « moyenne partout ». Il faut rehausser le niveau de l’innovation en France à un niveau très respectable sans oublier la création d’emplois sur notre sol.

Il faut que ce nouveau dispositif réponde aux problématiques de financement de l’innovation de nos PME, ETI, grands groupes, laboratoires et les incite à innover encore plus (et à produire plus).
Le prochain gouvernement doit se décider rapidement car nos concurrents sont plus rapides et ils instaurent des outils financiers/fiscaux de plus en plus innovants pour soutenir la capacité à innover.

Il est temps d’agir et j’espère que les candidats à la présidentielle 2017 nous ferons de belles propositions en remplacement de ce « si mauvais Crédit d’Impôt Recherche ».

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