En cherchant à imiter le fonctionnement du cerveau humain, la technologie neuromorphique utilisée par la start-up suisse aiCTX cherche à repousser les limites de l’intelligence artificielle.

C’est auprès du professeur Giacomo Indiveri que Ning Qiao, directeur d’aiCTX, a fait ses armes en tant qu’ingénieur dans le domaine de l’ingénierie neuromorphique. Après des études scientifiques en Chine, il a en effet intégré l’Université de Zurich (UZH), en tant que postdoctorant. Expert dans le domaine depuis plus de 20 ans, le professeur Indiveri y est directeur de l’Institut de Neuroinformatique (USH). Pendant six ans, ils ont développé des systèmes informatiques mimant le fonctionnement du cerveau. À l’image de la bio-engineering, cette discipline cherche à reproduire les réseaux neuronaux de façon virtuelle pour optimiser les systèmes utilisant l’intelligence artificielle. L’année dernière, les deux experts ont décidé de fonder aiCTX pour trouver des applications concrètes à la technologie sur laquelle ils travaillaient.

L’architecture de von Neumann

Actuellement, les systèmes informatiques utilisent en général l’architecture de von Neumann. Ce système est divisé en quatre unités : l’unité arithmétique qui effectue les opérations de base, l’unité de contrôle qui séquence les opérations, la mémoire qui contient les données et le programme, et les dispositifs d’entrée et de sortie qui permettent la communication avec l’extérieur. La mémoire contient donc à la fois les instructions du programme et les données produites par les calculs. Cette architecture convient très bien aux ordinateurs mais pas aux programmes dits “intelligents”. Ainsi, une intelligence artificielle basique, comme celle créée par Google en 2012 et capable de reconnaître des chats sur des vidéos, nécessite 16 000 processeurs sur le modèle de von Neumann pour fonctionner. C’est très volumineux. Pour gagner de la place, on a donc commencé à étudier le fonctionnement du cerveau humain.

L’ingénierie neuromorphique

La façon dont le cerveau fonctionne est très différente de celle des systèmes informatiques. Et cela s’explique notamment car le traitement de l’information et la mémoire ne sont pas séparés dans notre cerveau. L’humain est ainsi un milliard de fois plus efficace qu’un ordinateur si l’on rapporte la puissance de calcul à l’espace utilisé. L’informatique neuromorphique n’en est qu’à ses débuts, mais l’objectif est de dépasser l’architecture von Neumann pour se rapprocher d’un système d’interaction neuronal. Outre le gain de place, ces puces neuromorphiques sont capables d’analyser des données sensorielles (son, image) et d’y répondre de façon non programmée, en temps réel. C’est grâce à ce système que les chercheurs espèrent pouvoir créer une vraie intelligence artificielle, capable d’anticiper les désirs des utilisateurs et de détecter ses propres anomalies.

Une révolution en marche

Basée en Suisse, la société aiCTX cherche à proposer des applications concrètes pour les entreprises qui souhaitent bénéficier de cette nouvelle technologie. En un an, la société a déjà bien évolué, passant de 1 à 11 employés. Il faut dire qu’elle est soutenue financièrement par le fond d’investissement Baidu Ventures, un fond indépendant créé par le géant de l’informatique chinois en 2017. Actuellement, aiCTX finalise un nouveau processeur neuromorphique appelé DynapCNN. Cette puce est capable de traiter des données sensorielles à très basse puissance et avec une faible latence. Elle devrait être opérationnelle au deuxième trimestre de cette année. Grâce à un traitement de l’information ultrarapide, ces applications sont vastes, notamment dans les secteurs de la reconnaissance faciale, des drones et des véhicules autonomes. La capacité de cette technologie à détecter les anomalies du système pourrait également intéresser les chaînes de production automatisées. À terme, l’objectif d’aiCTX est de créer et de développer un nouveau pan de la recherche : l’intelligence neuromorphique. Moins volumineuse, moins consommatrice d’énergie et plus efficiente, cette architecture informatique ouvre le champ des possibles.