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Transformation Digitale, Education Et Philosophie Au Forum « Changer D’Ere »

Transformation digitale@GettyImages

Recul et dimension philosophique : voilà la pierre qu’apporte le forum « Changer d’ère » à la transformation digitale. Pour sa sixième édition consacrée à « L’éducation et à la formation X.O », la fondatrice Véronique Anger de Friberg a choisi un fil rouge dans l’air du temps : « Trouver sa place ». A l’école, dans l’entreprise et dans la société.

 

 

La bonne surprise est dévoilée par Gaël Sliman, président de l’Institut Odoxa. « 82% des Français voit comme une opportunité la nécessité de mettre à jour ses compétences régulièrement », selon le sondage réalisé pour le Forum Changer d’Ere 2018. Cet état de fait est plutôt favorable à l' »éducation participative transgénérationnelle » décrite par le parrain de l’événement, l’écrivain et scientifique Joël de Rosnay.

Pasteurs et Passeurs

« Les professeurs doivent être à la fois pasteurs et passeurs, explique-t-il, pasteurs pour rassembler et passeurs pour aider les gens à trouver leur chemin dans le labyrinthe de la connaissance. » Ce labyrinthe est mouvant, la première des choses à enseigner serait donc d’apprendre à apprendre. A l’école W, qui enseigne la création de contenus sur trois ans, les élèves entrent à Bac+0 pour apprendre des métiers qui n’existent pas encore. Ils vont côtoyer dans leur scolarité essentiellement des professionnels, ainsi que des étudiants d’autres écoles (HEC, Harvard, 42…). L’évaluation se fait sur le savoir, le savoir-faire et le savoir-être. Ils apprennent à faire de la veille, à observer ce qui se fait de mieux et à ne pas en être tétanisé. Sur le fond ils apprennent à raconter des histoires : la mise en forme d’un fait, d’une émotion, d’un savoir… « On ne révèle pas les notes aux élèves mais leurs écarts par rapport à la moyenne de la classe, dont l’évolution est plus intéressante à suivre sur 3 ans » précise la fondatrice Julie Joly, qui est aussi directrice du Centre de Formation des Journalistes. « Notre système manque d’auto-évaluation et de co-évaluation, rebondit Joël de Rosnay, comment sait-on quand on a compris ? ». Et de poursuivre que la gestion des connaissance acquises (savoir les utiliser au bon moment) est aussi importante que l’acquisition de nouvelles connaissances. Dans ce maquis du savoir toujours plus empreint de technologie, la docteure en sciences numériques Aurélie Jean note que l’entertainment et l’artisanat sont deux filiales d’avenir dans un contexte de croissance de l’intelligence artificielle.

Trouver sa place, c’est aussi aider les autres à trouver la leur

À la sortie de l’école, le syndrome de l’étiquette guette. On joue souvent un rôle plus qu’on ne vit sa vie. Selon Joël de Rosnay, trouver sa place c’est la choisir et c’est aussi aider les autres à trouver leur place. Or les grandes organisations sont structurées pour favoriser la compétition, la concurrence et non le dialogue et le partage. « Pour s’informer on peut lire beaucoup, mais c’est d’autant plus important de partager avec les autres les raisons de lire les livres que vous trouvez pertinents, encourage-t-il, on trouve mieux sa place quand on restitue l’information. » Les cinq qualités d’un manager sont selon lui le charisme, la vision, les valeurs, l’écoute et la confiance. « Le digital apporte une transparence qui oblige les gens à être alignés sur ce qu’ils font, rebondit Julie Joly, ce qui est indispensable pour donner de la confiance et les rendre autonomes. » La directrice laisse d’ailleurs ses élèves organiser des fêtes dans les locaux de son école en pleine responsabilité.

Ikigaï, design de l’attention et collapsologie

Apprendre à apprendre collectivement est l’une des principales caractéristiques de l’humanité. François Taddéi, généticien spécialiste de l’évolution, déplore l’oubli de cette capacité à apprendre et à transmettre, notamment dans les entreprises. L’enjeu est de canaliser et catalyser l’intelligence collective. « Le pic de questionnement de l’être humain apparaît à l’âge de 4 ans, il faut ensuite le cultiver avec les méthodes scientifiques, explique-t-il, c’est notre capacité à explorer qui fait notre singularité. » Et de rappeler que le « Errare » de la formule « Errare Humanum Est » signifie aussi l’errance, donc le droit à l’erreur. In fine, le but est de trouver son « Ikigaï » dans une société apprenante, titre de sa conférence. Le concept japonais d’Ikigaï pouvant être résumé comme la convergence entre son travail, ses goûts, ses compétences et ce dont la société a besoin.

Pas facile de s’y retrouver au milieu des sollicitations digitales du monde actuel. Flora Fisher, doctorante en philosophie des technologies à l’Université de Technologie de Compiègne, étudie le design de l’attention. Les innovations créent des incertitudes, mais cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas les penser rappelle-t-elle en citant Hannah Arendt. En soutenant « l’éthique by design », il faut anticiper les réversibilités des technologies et prévoir souplesse et modularité ex ante. Message subliminal à la classe politique et aux GAFA, BAIDU et autres géants technologiques qui préemptent des pans de la société.

Compte à rebours

Et l’humain au final ? « Il a un besoin fondamental de se raconter des histoires » rappelle la philosophe Zona Zaric en paraphrasant Paul Ricoeur. Or le digital a aboli les frontières des nations, quel est le nouvel imaginaire de la Nation ? Aura-t-on besoin de mobiliser une nouvelle image pour trouver sa place ? « On pourrait tendre vers un cosmopolitisme moral avec le numérique, note Zona Zaric, en tout cas on peut mobiliser autour de l’appartenance première de l’homme qui est sa vulnérabilité à la mort. »

L’urgence de changer d’ère vient du compte à rebours de notre fin. N’en déplaise aux transhumanistes qui font un autre pari. Lors de ce forum la chercheuse Anne Romin a exposé son sujet d’étude  : la collapsologie. Cette science de l’effondrement anticipe la destruction de notre biosphère, qui s’accompagne d’un retrait du politique et d’un effondrement financier.  

Sur une perspective de plus court-terme, on ira observer les « artivistes » qui créent des espaces démocratiques et artistiques dans la cité. En partant des écoles, des projets de street art émergent et engagent les citoyens. Les actions sont mesurées et remontent vers les chercheurs en politique de la ville.

Le forum « Changer d’ère » offre au final une résonance fertile à la réflexion autour de la transformation digitale en général, et de l’éducation en particulier. À l’instar du rôle que Michel Foucault attribue à la philosophie, qui « n’est pas de découvrir ce qui est caché, mais de rendre visible ce qui est précisément visible, de faire apparaître ce qui est si proche, si immédiat, si intimement lié à nous-mêmes, qu’à cause de cela on ne le perçoit pas. »

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