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Transformation Des Entreprises : Happycratie Ou Introspection ?

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Les organisations se retrouvent contraintes à engager la transformation managériale et organisationnelle. Objectifs :  faire face à un monde de plus en plus complexe où l’entreprise doit composer à la fois avec une incertitude croissante du business mais aussi avec des collaborateurs en interne en recherche de sens. Face à cette pression, elles alternent entre happycratie et introspection.

En France, près d’une personne sur deux (40%) quitte son entreprise dans les 6 mois qui suivent son embauche*​ . En cause, la plupart du temps, une culture d’entreprise dont les valeurs ne correspondent pas. Il est en effet devenu insupportable pour un grand nombre de personnes de travailler dans un environnement en désaccord avec leurs valeurs. Les jeunes générations le clament haut et fort. Surtout lorsqu’elles découvrent, une fois à l’intérieur, que le quotidien est à l’opposé du tableau séduisant vendu au moment de l’embauche.

Pour Frédéric Laloux, auteur de « Reinventing Organisations », nous sommes clairement arrivés au bout de quelque chose. Et, ajoute-t-il, « ​ si on regarde bien on voit émerger un nouveau paradigme, plus puissant, plus nourrissant et porteur de sens que celui qu’on connaît aujourd’hui. ​» Engoncée dans un système pyramidal qui n’autorise qu’un seul mode de pensée, l’entreprise d’hier jugule totalement la partie intuitive de ses collaborateurs et doit réussir à se reprogrammer. Si cela fonctionne bien au sein d’entreprises dont le métier est simple, tout s’écroule à la moindre complication car la hiérarchie ne sait pas gérer la complexité. Et “​ la supprimer, c’est laisser apparaître les hiérarchies naturelles ​ ”, assure Frédéric Laloux.  
 

S’interroger sur ses valeurs pour les incarner et les faire vivre

Reste que trop souvent, les entreprises cherchent à se réformer avec plus de digital, plus d’avantages salariés comme des espaces de massage ou encore plus de télétravail. Mais ces solutions restent trop superficielles pour rendre les collaborateurs confiants et motivés lors des périodes de changement comme les réorganisations. Comment donc créer une culture engagée malgré toutes les transformations en cours et les incertitudes à venir ? La réponse est assez simple. Quand tout bouge à l’extérieur de soi, il existe une chose qui perdure et qui peut rassurer : ce sont les valeurs et les convictions intimes. Se recentrer sur elles et le “pourquoi” peut redonner un l’élan collectif dans les moments où tout bouge. Ces valeurs sont puissantes car elles déterminent nos attitudes, nos comportements, nos choix d’organisation et nos envies pour le futur comme le montre la psychologie sociale. Ceci est vrai à l’échelle individuelle comme à l’échelle collective.

Connaître ses valeurs et les afficher est une bonne chose, mais ne suffit pas. Le véritable objectif est de parvenir à les incarner réellement. Pour toute décision (petite ou grande), il est désormais incontournable de se poser systématiquement cette question : est-ce ou non en accord avec les valeurs de mon entreprise ? Car c’est à ces instants que se construisent les nouvelles briques de l’entreprise, physiques et culturelles. Cependant, ce moment charnière exige un courage et une énergie très importantes. Les contraintes externes, financières ou organiques, demeurent en effet fortes. Alors, pour ne pas corrompre les valeurs de l’entreprise et s’éviter une dérive où, in fine rien ne change, le développement de la lucidité, du courage, de la confiance et de la capacité de discernement de chacun devient prioritaire dans cette démarche d’alignement entre valeurs affichées et valeurs incarnées. L’accompagnement humain des collaborateurs est alors plus important que jamais pour éviter les dissonances entre discours et réalité qui peuvent être encore plus destructrices que si l’on ne faisait rien.

 

Bénéfices d’une introspection réussie pour la transformation des entreprises

Si dirigeants et collaborateurs évoluent dans leur développement personnel, ils s’inscrivent alors dans une démarche de recherche de sens et de contribution au bien commun qui les élèvent au-dessus de la recherche de la pure performance financière et matérielle. Abraham Maslow nous éclaire ici pleinement sur ce passage des besoins primaires aux besoins d’accomplissement. A l’heure où la loi PACTE encourage les entreprises à définir leur Raison d’Être, cette transition est une chose qui semble indispensable et rend même concrète la possibilité d’un alignement entre business et enjeux environnementaux.

 
Ce passage par la connaissance de soi crée alors des bases saines qui coupent l’herbe sous le pied aux tueurs de sens que le MIT avait bien identifié*** : déconnecter les gens de leurs valeurs, prendre les gens pour acquis, donner des tâches dont les personnes ne perçoivent pas l’utilité, les traiter de manière injuste, les isoler, les mettre dans une situation physique ou émotionnelle à risque et imposer une façon de « mal faire » aux salariés. Par ailleurs, la réussite économique est une conséquence garantie comme le montre aujourd’hui les succès de plus en plus nombreux comme celui de Morning Stars, Favi ou encore la MAIF dont le chiffre d’affaires a grimpé de 10% en quatre ans seulement tout en augmentant significativement son attraction des talents selon son directeur général**, Pascal Demurger.
 

Éviter l’écueil de la tyrannie du bonheur

Mais la vigilance s’impose ! On observe parfois une confusion avec la question du bien-être en entreprise qui non seulement ne répond pas aux questions de sens, mais surtout présente un risque : celui de se concentrer uniquement sur l’état émotionnel des collaborateurs. Poussé à l’extrême, si on place le bien-être comme indicateur de performance, cela revient à dire qu’un collaborateur n’a pas le droit d’aller mal et peut être considéré en échec professionnel. On parle d’Happycratie ou de tyrannie du bonheur. N’y aurait-il pas une autre approche qui permet d’englober à la fois ces moments de bien-être et de mal-être en valorisant tout ? N’oublions pas que le but n’est pas d’avoir le sourire mais l’énergie nécessaire pour avancer au quotidien. Être plus réaliste dans une vie faite de hauts et de bas. Accepter de trébucher, accepter l’échec. Comprendre qu’il n’existe pas de frontière étanche entre le pro et le perso. En prenant cela en considération via la connaissance de soi, l’entreprise repositionne le salarié au rang d’être humain et plus uniquement comme un outil, un moyen ou une compétence. ​ Une reconnaissance indispensable permettant aux individus de découvrir ce qui est en eux et de se révéler.

Face à tout cela, l’entreprise d’aujourd’hui n’a plus d’autre choix que d’aider ses collaborateurs à saisir cette chance si elle veut se transformer… de l’intérieur.
 
 
 
* Bersin by Deloitte
** Communiqué de presse MAIF juin 2019 – Résultats 2018
 
Par Anaïs Raoux, fondatrice et directrice de Wake Up

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