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Sortir de nos croyances limitantes

croyances limitantesPhoto de Miguel Á. Padriñán sur Pexels

« Si vous avez déjà nagé à contre-courant, vous savez qu’on avance beaucoup moins vite et qu’on peut même reculer. » Il en va de même dans l’entreprise avec toutes les croyances limitantes qui peuvent la traverser.


Lorsque les entreprises font le choix de la transformation de leur organisation, beaucoup en font l’expérience : en plus des limites inhérentes à l’holacratie, il en existe d’autres, essentielles, qui ne peuvent pas ne pas être explorées et dépassées. Parmi elles, les croyances limitantes, la raison d’être profonde du changement, les principes sources, pour ne citer que celles-là. Elles sont ces briques de base pour ancrer et guider l’ensemble du processus de transformation systémique des organisations.

Ainsi, quelle que soit l’organisation concernée, on peut retrouver des croyances limitantes collectives, souvent inconscientes, qui sont autant de forces contraires à la transformation. Par exemple lorsque le fondateur d’une entreprise ne fait pas confiance à ses salariés. Cette réalité va immanquablement se diffuser, venir caractériser l’ensemble des interactions au sein de l’organisation et les freiner voire les bloquer. Et lorsqu’il va falloir confier à quelqu’un un rôle qui nécessite par construction de la confiance, ce sera l’impasse, la personne ne pouvant prendre l’énergie de la responsabilité. Et la transformation ne pourra pas s’accomplir. L’organisation sera comme ce nageur qui brasse à contre-courant et qui, faute d’être suffisamment puissant, recule. Une réalité dont il faut avoir conscience, qu’il faut pouvoir nommer et traiter en amont de tout processus de transformation visant à responsabiliser davantage.

 

Croyances limitantes collectives et inconscientes

Tous les êtres humains ont des croyances limitantes. Celles-ci ne sont rien d’autre qu’une construction mentale, des présupposés inconscients ; qui ont un impact fort sur notre façon de penser et d’agir.

Certaines croyances personnelles peuvent bien sûr être aidantes, énergisantes. Penser que l’homme est bon par exemple. Mais d’autres sont, elles, limitantes et peuvent donc être des freins. Comme celles qui veulent que « dans la vie, mieux vaut ne pas prendre de risque » ou encore que « s’exprimer est dangereux et qu’il vaut mieux se contenter d’écouter ».

Et qu’en est-il des croyances collectives ? Commençons par dire qu’il y a un besoin inhérent à toute communauté humaine à se construire des repères communs. Pour l’entreprise, cette croyance collective est comme un logiciel mental des représentations sur soi, sur les autres et sur le monde, qui deviennent l’identité même du corps social, inspirée le plus souvent par la personnalité du fondateur, de celui qui est la personne source ; et les événements qui ont pu impacter fortement l’entreprise. Comme cette entreprise qui a connu un échec lors d’une première tentative d’internationalisation et qui a dû attendre un long moment et faire un gros travail sur elle-même avant de réaliser que le problème était ailleurs, qu’il s’agissait là d’une croyance inconsciente limitante, et que son potentiel international était bien là.

 

Exemples de croyances limitantes et de présupposés collectifs

Prenons quelques exemples parlant issus des entreprises que nous avons pu accompagner dans leur transformation. Commençons par cette entreprise de la restauration bio créée par un couple d’entrepreneurs dont la créativité et l’engagement n’ont d’équivalent que la force de travail et l’admiration que leurs vouent les salariés. De cette situation est née une croyance collective qui veut que chacun doit travailler autant qu’eux. Sans surprise, elle est source de blocage et de stress. Pour beaucoup, la pression qui en résulte est limitante. Elle doit donc être dévoilée et levée au plus vite pour le bien de tous et le bon fonctionnement de l’organisation. 

Une autre croyance, totalement en contradiction avec la culture d’entraide qui devrait être inhérente à toute entreprise, veut que chacun soit capable de se débrouiller seul. Or, lorsqu’on s’engage dans un processus de responsabilisation, mieux vaut faire en sorte de faciliter cette culture de l’entraide. Car, dans ce contexte, chacun au sein de l’organisation va avoir de vraies responsabilités. Des responsabilités, en holacratie, qui sont explicites mais qui, si on y ajoute la croyance que chacun doit savoir se débrouiller seul, met une pression excessive sur les équipes. Par conséquent, développer une culture d’entraide est essentiel pour aller vers le self-management.

Mieux encore, cette autre croyance limitante : « on n’a jamais le temps pour bien faire ». Souvent, la source du problème c’est le patron. C’est lui qui utilise cette excuse, bien pratique, sous couvert du business qui doit primer sur tout le reste. Les équipes se font alors l’écho de cette croyance collective très limitante.

 

Les croyances inconscientes limitantes

S’il existe un grand nombre d’autres croyances limitantes, certaines se rencontrent particulièrement souvent. 

 

On ne peut pas faire confiance aux humains

Cette première croyance est d’autant plus limitante que le self-management qui est ici visé est un pari, le pari de la confiance ; d’une confiance explicite et volontaire. Sans cette confiance, le self-management devient une ambition illusoire, hors d’atteinte, impossible.

 

Les managers ne veulent pas lâcher le pouvoir

Cette croyance qui considère que les managers ne veulent pas lâcher le pouvoir – sous-entendu qu’ils sont les freins à toute tentative de transformation en matière d’autorités distribuées – est en réalité un procès d’intention émanant le plus souvent de personnes qui n’ont jamais eu à manager. Bien entendu, certains managers peuvent se révéler rétifs mais ils sont, d’expérience, une toute petite minorité. En réalité, le manager n’est pas là par hasard. Et ce qui est perçu par certains comme de la résistance n’est qu’une réponse pertinente à la situation. Il est manager parce qu’il a une capacité à identifier les besoins de l’organisation que les autres ne voient pas. Il ne décide de “lâcher” ses anciens réflexes que lorsqu’il a la conviction de pleinement saisir, appréhender les outils, les nouvelles façons de faire pour traiter les besoins de l’organisation qu’il est le seul à ressentir. C’est à ce moment-là qu’il va pouvoir laisser à chacun la place d’agir, de prendre l’énergie de la responsabilité qui lui incombe.

 

Chez nous les gens sont gentils

Ici, la croyance est limitante parce qu’on ne dit pas les choses aux gens et qu’on ne progresse pas. Immanquablement, on crée les conditions d’un mal vécu et d’un climat dégradé. A vouloir protéger, refuser d’affronter la réalité, on affaiblit, on s’affaiblit.

 

On ne livre pas ses émotions dans l’entreprise

En quoi est-ce une croyance limitante ? Les ressentis, les émotions constituent un matériau, une énergie importante pour la mise en mouvement. En utilisant le moteur – ressentis, sens, mouvement – on libère les énergies. Ainsi, ce qu’on apprend à faire dans les entreprises lors de forts changements, c’est de faire appel à ce que nos amis de Toscane appellent le « moteur à trois temps » : ressenti, sens et mouvement. L’objectif est de mettre les personnes en mouvement en traitant d’abord des ressentis, ce matériau porteur des élans de vie de chacun. L’occasion de les transformer en énergies créatrices. Et, pour ce faire, il convient de créer un espace pour les accueillir et les traverser, ce qui permet ensuite de contacter le sens duquel émerge une énergie profonde et créatrice. Le mise en mouvement, individuelle comme collective s’enclenche alors naturellement. Les personnes peuvent alors retrouver l’énergie positive qui les met en mouvement et leur permet d’avancer.

 

Chaque manager a la liberté de définir lui-même comment il souhaite manager

Pour beaucoup, devenir manager c’est, en quelque sorte, se voir attribuer son “bâton de maréchal”. Une marque de reconnaissance qui fait que de nombreux managers, de bonne foi, considèrent que cela leur confère la liberté de définir la manière dont ils souhaitent manager. Et, pour la plupart, nul besoin d’un quelconque référentiel managérial pour les guider. Une croyance d’autant plus problématique que certains managers manquent non seulement de fibre managériale mais manquent aussi de compétence en management du management ou pouvoir constituant.

C’est ce que nous avons observé dans cette entreprise industrielle française séduite par l’holacratie pour aider à transformer son organisation. Des formations ont été proposées et suivies par des équipes nombreuses et complètes, managers et collaborateurs. Avec un patron « sponsor » du projet à la fois enthousiaste et convaincu par la perspective offerte à ses équipes et, plus largement, à l’organisation.

Pourtant, la situation s’est avérée beaucoup plus fragile qu’il n’y paraît. En cours de projet, le « sponsor » est promu et remplacé. Le nouveau venu se révèle totalement étranger à holacratie et n’est clairement pas séduit par la perspective de changer aussi radicalement l’organisation et les modalités d’interaction au sein de ses équipes. Le projet Holacracy est purement et simplement abandonné. Le nouveau patron considère que lui, ses équipes et l’entreprise ont d’autres chats à fouetter. Ainsi disparaît plus d’une année et demi de travail et de formations.

Par de tels procédés, fréquents, l’entreprise s’interdit, de fait, de capitaliser sur des bonnes pratiques, d’avancer sur les bases d’un référentiel managérial évolutif qui devrait s’imposer. Pour accueillir, aider et former tout manager au sein de l’organisation.

 

 Il faut éviter le conflit

Cette croyance limitante est le résultat d’une peur non exprimée chez beaucoup. Une peur qui vient souvent d’une confusion entre conflit et violence comme a pu le démontrer Charles Rojzman dans ses travaux sur la thérapie sociale. Selon lui, le conflit est basé sur la confiance. Il fait partie de la vie et, à ce titre, peut même être considéré comme indispensable puisque, en réalité, on ne peut pas toujours être d’accord.

Exprimer son mal vécu est donc inévitable, naturel et même nécessaire. D’où l’importance de lever cette peur du conflit qui caractérise bon nombre d’entre nous dans et hors de l’entreprise. Ce faisant, on exprime sa confiance, sans violence aucune. En somme, le conflit, c’est la vie. Le rendre libre d’apparaître, c’est se libérer du joug d’une croyance  particulièrement limitante pour chacun et pour l’organisation.

La peur du conflit et la croyance limitante qu’il faille éviter le conflit, sont génératrices de violence… Le conflit est naturel, il est indispensable, il fait partie de l’énergie de la vie. Ne pas l’accepter, le prévenir… c’est freiner la circulation de la vie. Il est nécessaire d’apprendre à ne plus en avoir peur et à le gérer !

 

 

Finalement, pour espérer transformer l’entreprise avec succès, il faut être capable, à travers un espace d’exploration en groupe, d’identifier les croyances limitantes, collectives et inconscientes,  et de les dépasser. Car, toute transformation soulève des freins, des forces contraires au changement. Si ces freins ne sont pas identifiés et levés au plus tôt, tout effort de changement sera coûteux ou vain. Si vous avez déjà nagé à contre courant, vous savez qu’on avance beaucoup moins vite et souvent on peut reculer.

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