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Prédire Le Succès : La Science Des Equipes Qui Gagnent

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Et si on pouvait évaluer le potentiel de chaque candidat et déceler son potentiel succès pour l’entreprise ? On pense souvent qu’il suffit de regrouper des collaborateurs talentueux pour obtenir un résultat de qualité. Cette croyance populaire s’appuie notamment sur l’approche holiste qui suppose la tendance de la nature à constituer des ensembles qui sont supérieurs à la somme des parties. Pourtant, de nombreux exemples, notamment sportifs, content les échecs d’équipes talentueuses et les succès d’équipes plus modestes.

Citons en exemple l’histoire des Oakland Athletics (MLB), popularisée par Michael Lewis dans son livre Moneyball : The Art of Winning an Unfaire Game. Le pitch ? Dans une situation financière difficile comparée aux autres équipes, Billy Beane, le manager, innove dans sa stratégie de recrutement : comme il n’a pas les budgets pour recruter les meilleurs joueurs, il dépense son argent sur des joueurs laissés pour compte, réputés mauvais et dont personne ne veut. Cette année-là, son équipe, en qui personne ne croyait, remportera pourtant 63% de ses matchs et enchainera une série de 20 victoires consécutives. Alors, comment expliquer le succès de ces équipes ? Tribune d’Emeric Kubiak – Research Psychologist chez Assessfirst.

 

Affinité et complémentarité : les clés du succès

Objectiver le potentiel d’une équipe et anticiper son efficacité sont des préoccupations courantes des managers. Aujourd’hui, on considère que deux grandes dimensions permettent de prédire le potentiel collectif. Premièrement, l’affinité ou cohésion, qui renvoie à l’aspect « interagir » de l’équipe. Pour faire simple, cette dimension s’attache à savoir s’il sera naturel pour les équipiers de travailler ensemble, de comprendre la manière dont ils vont interagir, ou encore de mesurer l’énergie et l’engagement qu’ils vont mettre dans leurs communications. Il s’agit d’étudier la dynamique sociale qui va se dérouler dans l’équipe : est-ce que l’entente sera bonne ou est-ce que les relations seront conflictuelles ? Est-ce que des sous-groupes vont se former ? Est-ce que les relations vont être denses ou centralisées ? Les études montrent le pouvoir prédictif de la cohésion : Villeneuve et Savoie (1998) concluent qu’elle peut expliquer jusqu’à 25% de la variance de l’efficacité. De même, Pentland (2012) tend à confirmer l’importance des interactions entre équipiers. De récentes simulations de voyages dans l’espace (Sandal, Bye & Van de Vijver, 2011) ont également démontré qu’une convergence des valeurs serait un gage de meilleures relations interpersonnelles au cours de missions à long-terme.

Deuxièmement, la composition ou complémentarité de l’équipe, qui renvoie à l’aspect « produire ». Il s’agit de savoir si les rôles naturels – étant entendu comme le rôle que va naturellement adopter une personne par rapport à sa personnalité et ses motivations – de chacun sont complémentaires : l’équilibre des rôles est-il adéquat par rapport à un objectif précis ? Est-ce que certains rôles sont surreprésentés, sous-représentés ou absents ? En entreprise, les travaux montrent qu’il existe 2 grandes familles de rôles : les rôles orientés sur la tâche, où l’on retrouve les collaborateurs qui vont pousser les projets à l’action, et les rôles orientés sur les relations, où l’on retrouve ceux qui vont chercher à créer du lien. Etudier l’équilibre entre ces rôles au sein de votre équipe vous donnera de nombreuses informations sur sa dynamique et sur les tâches qu’elle peut gérer. Par exemple, si chaque rôle est représenté, l’équipe a plus de chance d’être efficace (Winsborough & ChamorroPremuzic, 2017). En fonction de la tâche à réaliser, l’équilibre des rôles sera toutefois légèrement différent, avec des rôles qui seront nécessairement plus représentés ou moins représentés.

Aujourd’hui, on considère que la combinaison entre ces deux dimensions – comment se déroulent les interactions et quels sont les rôles naturels de chacun – permet de mesurer le potentiel intrinsèque et réel d’une équipe. Bien au-delà du cadre structurant et régulateur de l’entreprise, c’est cette combinaison qui va vous permettre de dire si votre équipe à un fort potentiel de succès, ou si sa propre structure la conduit à l’échec. Charge au manager et à l’entreprise de mettre en place les moyens nécessaires pour l’exprimer. Une étude récente de Groysberg, Hecht et Naik (2019) montre par exemple que le coach d’une équipe NFL explique, à lui seul, presque 30% du succès de son équipe.
Il est donc primordial de s’assurer que le manager de votre équipe soit en adéquation des talents et des attentes de celle-ci : un mauvais alignement limiterait sérieusement les chances de succès et d’épanouissement, même si l’équipe présentait initialement un fort potentiel intrinsèque.

Prédire la réussite collective : ça marche vraiment ?

Certaines études ont cherché à prédire, avant même la réalisation réelle d’une tâche collective, le potentiel de succès d’une équipe, en mesurant les deux indicateurs précédemment détaillés. Prenons l’exemple d’une compétition où s’affrontaient 3 équipes (équipe jaune, rouge et bleue) sur différents types de tâches. Avant même la réalisation des activités, les prédictions suivantes ont été réalisées sur chacune d’elle : équipe jaune (affinité d’équipe de 62%, complémentarité de 70%), équipe rouge (affinité d’équipe de 52%, complémentarité de 69%), équipe bleue (affinité d’équipe de 55%, complémentarité de 64%). Le classement suivant a été effectué en conséquence : l’équipe jaune, ayant des meilleurs scores sur les deux dimensions, gagnera la compétition, suivie de l’équipe rouge et enfin de l’équipe bleue. Les résultats réels faisant suite aux différentes épreuves ont permis de confirmer le classement initialement prédit. L’équipe jaune a effectivement eu le plus de succès sur l’ensemble des épreuves, suivie par les équipes rouge et bleue. L’analyse prédictive de la dynamique collective permet ainsi aujourd’hui de savoir avec précision si une équipe sera efficace.

Comme le dit Suzanne Bell, qui travaille sur le projet Mars de la NASA : « nous supposons que les astronautes sont intelligents, qu’ils sont des experts dans leurs domaines techniques et qu’ils ont au moins quelques compétences en matière de travail d’équipe. Ce qui est délicat, c’est comment les individus (se) combinent ».

Le travail ne peut donc plus se penser de manière cloisonnée : les systèmes collectifs constituent une réalité psycho-socio-organisationnelle complexe qu’il est nécessaire de comprendre. Etudier le potentiel réel de votre équipe vous donnera des informations précieuses sur les tâches qu’elle peut effecteur, ses zones d’affinités et de conflits, ou encore sur le manager qui sera le plus à même d’exploiter son potentiel.
Au final, les meilleures équipes ne sont pas celles qui vont promouvoir l’accumulation ou le simple regroupement de compétences métiers extraordinaires : plutôt, ce sont celles qui vont chercher à observer, quantifier et mesurer la dynamique collective réelle.

 

Par Emeric Kubiak, research psychologist chez Assessfirst.

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