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Octo : Petite Histoire Du Bien-Etre En Entreprise

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Interview de Ludovic Cinquin, DG d’OctoTechnology par Luc Bretones, Organisateur de l’événement « The NextGen Enterprise Summit » et président de l’Institut G9+

Dans la continuité du fameux « Re-inventing Organizations » de Frédéric Laloux et de son dernier ouvrage « #FuturDuTravail : privilège d’élite ou relance de l’ascenseur social ?« , Luc Bretones prépare un livre et un événement intitulés « The NextGen Enterprise » – « L’Entreprise de Nouvelle Génération » sur la base de rencontres de dirigeants de plus de 30 pays  – dont est issue cette interview – ayant mis en oeuvre de nouvelles formes de gouvernance, re-engagé leurs forces vives autour d’une raison d’être fédératrice ou encore expérimenté une innovation managériale majeure. Cet événement, sous le haut patronage du Ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire, se tiendra au Centre le Conférence Pierre Mendès France de Bercy les 26 et 27 mars prochains avec le soutien de Manpower et Maïf.

Premier cabinet d’architectes IT, fondé en 1998, Octo fut en 2004 pionnier du delivery agile. Plusieurs fois élue « Great Place To Work » (N°2 en 2018), l’entreprise de plus de 360 salariés a rejoint Accenture Digital en 2016. 
Ludovic Cinquin, son directeur général, nous livre quelques secrets de fabrication du bien-être des collaborateurs, dans cette entreprise qui se revendique tribu de tribus : équipes auto-organisées qui choisissent de relever un challenge commun.


Organisation instinctive ? Question de taille.

Octo a été créée par de jeunes entrepreneurs il y a une vingtaine d’années. Une entreprise dans l’air du temps, animée par une volonté de travailler décontracté, inspirée des méthodes anglo-saxonnes, mais sans cadre conceptuel de travail réellement clair. Ce cadre, il s’est formé avec le temps, et la croissance de l’entreprise. 
Pour exemple, le cap des 50 salariés. C’est celui où l’on passe de la culture significativement orale à la nécessité de faire circuler les informations par écrit. Et donc une impression de rigidité qui s’installe. 
Octo a ensuite atteint un autre cap déterminant en dépassant l’effectif de 150, qui correspond d’ailleurs au nombre de Dunbar (NDA : le nombre maximum de relations stable qu’un être humain peut entretenir). C’était en 2008, alors que la crise frappait. Cumulée à une crise intérieure avec le départ de deux dirigeants, Octo a été déstabilisée. Ludovic Cinquin prenait alors la direction générale : « Je venais d’une formation industrielle donc j’ai eu une vision spontanément assez mécaniste de la façon d’organiser l’entreprise quand j’ai pris mes fonctions ». 
Octo était en pleine crise identitaire, l’impression de faire du sur place régnait.


S’inspirer de la littérature spécialisée

Le salut est venu d’ouvrages comme « Getting Naked » (Patrick Lencioni), « Start with why » (Simon Sinek), « Tribal leadership » (Dave Logan, John King), qui ont guidé les dirigeants en pleine remise en question. 
S’en est suivi un travail de « déconstruction d’une volonté de rigidification de l’organisation : 150, c’est une taille ou finalement deux options s’offrent à vous : soit on libère, soit en resserre« .
Le choix a été celui de libérer. Et comme un signe, Octo s’est vu gratifiée cette année-là du premier prix « Great place to work ». Ce ne fut pas une conséquence, mais plutôt une cause, plaisante Ludovic Cinquin : « On avait un modèle différent, mais qui était du non pensé, non conscient, du coup cela nous a aussi obligé à conscientiser ce que l’on était. »


4 piliers de « l’entreprise libre »

Laisser la possibilité aux acteurs individuels de faire ce qu’ils jugent bon pour l’entreprise est la recette, qui repose sur quatre principes fondamentaux selon Ludovic Cinquin : donner du sens aux objectifs, développer la transparence de l’information, promouvoir l’autonomie et le droit à l’erreur. 
La transparence, concrètement ? 
Chez Octo, tout repose sur un ERP (Enterprise Ressource Planning) accessible sans habilitation, qui mentionne les missions, leurs tarifs, les dépassements, les notes de frais. Seules les rémunérations ne sont pas divulguées. Une prochaine étape ? 
Peut-être. En s’inspirant de ce qui se pratique en Finlande, où le DG a été récemment. Là-bas, un citoyen peut avoir connaissance de la rémunération d’un autre, s’il en fait la demande visible (possibilité d’accéder à la déclaration fiscale de ses concitoyens). Les finlandais sont champions européens de la confiance en son prochain (80% selon un sondage, 40% en France). Les modèles de sociétés qui vont vers l’innovation managériale, sont ceux où la confiance est au centre des relations, estime Ludovic Cinquin.
Sur la question de la rémunération, il y a encore un peu de chemin en France ? Sans doute.


L’organisation en mode tribu

Outre le picking d’un ensemble de méthodes, ajustées aux besoins d’Octo, la grande révolution a eu lieu en 2014, avec la décision de s’organiser en « mode tribu ». « Nous sommes arrivés à la conclusion que les gens savaient mieux que la direction ce sur quoi ils avaient envie de travailler ». Il a été proposé aux collaborateurs de construire les équipes comme ils l’entendaient. Un effet de boost évident, alors même que les dirigeants n’étaient pas tout à fait rassurés en lançant le mouvement. Ce qui a été constaté, c’est le décalage entre la perception qu’on a du risque, et les risques réels constatés. Les collaborateurs s’avèrent bien plus raisonnables qu’on ne l’imagine quand on laisse libre leur créativité, on est même plutôt enclin à les pousser à explorer un peu plus. Pour ce qui est du pilotage des tribus, on les considère quasiment comme des mini-entreprises, avec chacune son compte de résultat.


Est-ce au goût de tout le monde ?

Quand on a laissé des gens trop longtemps dans des habitudes, sans entretenir la volonté d’apprendre des choses nouvelles il est compliqué de les « re-formater ». C’est infiniment plus simple de prendre de jeunes gens qui sortent des écoles et de les plonger dans un modèle, une organisation apprenante. Octo n’a presque pas été confronté à ce problème de réticence, les choses se sont mises en place et « c’est une mécanique qui s’auto-entraîne ».


Se méfier des conseils en organisation ?

« Ils ont tendance à dupliquer des artefacts et pas l’esprit ». 
Mettre en avant le modèle Spotify et chercher à le reproduire, alors que de l’avis même de Henrik Kniberg, le fondateur, ce n’est pas un modèle mais le résultat d’un long apprentissage. C’est la même chose pour Octo et tant d’autres, faire des essais, faire des erreurs, créer une dynamique « qui permet de faire de l’organisation et de la culture des sujets de travail ». Les modèles sont des sources d’inspiration, mais il est dangereux de les dupliquer, et Ludovic Cinquin pointe aussi le business qui s’est créé autour de la certification SAFe (Scaled Agile Framework), pour labéliser telle ou telle bonne pratique d’une entreprise. Une démarche vertueuse, des excès possibles.


Dans 5 ans, où en sera-t-on ?

Les nouvelles formes de travail, le digital nomadisme, le slashing (cumul d’emplois), la fin du salariat à temps complet dans une entreprise sont amenés à se développer et à changer encore l’organisation du travail. Et ce n’est pas seulement une tendance de jeunes qui arrivent sur le marché. Chez Octo, un certain nombre d’anciens fonctionnent déjà selon ces modalités. Une tendance qui va pousser à toujours plus d’indépendance au sein des entreprises ? 
A voir. 
Ce dont il faut se méfier, c’est que nous sommes dans une société qui a tendance à amplifier les inégalités, et que la souplesse, le freelance vont favoriser les plus entreprenants, ceux qui ont de l’entregent et un agenda, « une sorte d’accumulation de capital social ».

Et l’autre grande révolution à venir, c’est la traduction simultanée, qui va faire tomber la barrière des langues. N’importe qui pourra travailler avec un chinois, en live, à l’autre bout de la planète. 
Et on peut là se demander qui va imposer son fuseau horaire, et ses méthodes..

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