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Les ressources humaines, le chemin privilégié pour devenir un « grand » dirigeant

Nous croyons tout savoir ou presque sur la fonction Ressources humaines, si souvent caricaturée et, en réalité si peu connue. Pourtant, elle est aujourd’hui en première ligne à côté du dirigeant pour impulser et accompagner de véritables changements de paradigmes. 

Un jour un ancien patron d’un grand groupe a lancé au co-auteur de cet article *: Réjouis-toi, tu as le poste le plus stratégique de l’entreprise !  Il avait raison car les entreprises parient sur des hommes et pas sur des stratégies. La fonction RH devient l’une des fonctions les plus, -si ce n’est LA- plus stratégique de l’entreprise, mais elle reste aussi l’une des plus méconnues notamment des étudiants. Pourtant, c’est aussi une fonction qui se transforme à toute vitesse et qui devient le principal catalyseur de la transformation agile des organisations. Elle est par exemple à la manoeuvre pour impulser la transformation digitale et rendre possible la « Data Driven Company ». Il ne s’agit plus d’une fonction support mais bel et bien d’une fonction “enabling” au sens  anglo-saxon “qui rend possible”. Cette tendance de fond, préexistante à la Crise Covid, s’est confirmée et considérablement accélérée depuis. Se transformer pour transformer autour d’elle, c’est dans cette dynamique que la fonction RH s’inscrit depuis plusieurs années maintenant.

Il n’est plus à démontrer que le monde du travail et l’entreprise sont aujourd’hui le creuset de transformations sociétales majeures : engagement croissant pour le climat, quête de sens, le choix du projet plutôt que de la marque, la détestation du “green-washing par les jeunes et les étudiants, le ET plutôt que le OU, la recherche d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle avec l’aspiration à de nouveaux modes de travail et de collaboration. L’entreprise n’échappe pas non plus à sa responsabilité dans ces nouveaux territoires que sont la santé mentale, l’éducation ou  l’épanouissement personnel par exemple.

A l’agenda de la fonction RH : du leadership de transformation. A la fonction RH de  répondre à ces nouveaux enjeux pour développer et maintenir l’avantage compétitif durable de l’entreprise, dans un contexte de “Grande Démission” et de guerre des talents, avec des salariés qui ont la main et bousculent les rapports de force. A côté de ce mouvement sociétal et générationnel d’ampleur, la transformation du Business n’a jamais été aussi profonde et rapide : omnicanalité et demain métacanalité, explosion du Big Data, environnement toujours plus volatil et imprévisible. La fonction RH est là pour transformer l’expérience et l’engagement de l’ensemble des parties prenantes comme accélérateur des transformations et pour créer les conditions de l’agilité dans l’entreprise.

De l’agilité à tous les étages. Justement, qu’est-ce que cette agilité qui est sur toutes les lèvres aujourd’hui ? Sur le plan individuel, il s’agit d’abord d’un état d’esprit puis de comportements repérables mais toujours combinés à un questionnement permanent : qu’est-ce que je fais quand je ne sais pas faire ? autrement dit : comment je renforce ma capacité d’adaptation et celle des collaborateurs face à des situations complexes, imprévues ou inconnues ? Rapportée à l’entreprise et l’organisation de travail, l’orchestration et le développement d’une culture de l’agilité repose sur la fonction RH.

Le Leader RH garant des « capacités organisationnelles ». La “capacité organisationnelle” est un atout distinctif de l’entreprise rendu possible par un ensemble de conditions (process, culture, structures, ressources…) et de compétences (individuelles, collectives, transversales…). Les exemples les plus connus de capacités organisationnelles sont la vitesse, la coopération transverse, la responsabilisation, ou l’engagement. Autant d’atouts distinctifs permettant à l’entreprise de développer un avantage compétitif (même temporaire) afin de réaliser sa stratégie. Plus l’organisation sera capable d’actualiser en permanence ses capacités (voire en créer de nouvelles) plus elle s’adaptera efficacement au changement et maintiendra son avantage. Cette incarnation de l’entreprise agile est rendue possible par et grâce à la fonction RH. “Cerise sur le gâteau”, l’agilité elle-même, devient une capacité organisationnelle à part entière, qui rend endogène et irréversible la transformation. En se dotant d’un environnement et de pratique agiles, l’entreprise peut se différencier tout en attirant et développant les meilleurs talents, avec le parti-pris d’associer très largement ces derniers à la réinvention permanente des Business Models. Une fois ancrée dans le fonctionnement et les pratiques de l’entreprise, l’Agilité devient pérenne (inscrite dans l’ADN) et permet à l’entreprise de se transformer “par elle-même” en permanence ; on passe ainsi de l’entreprise apprenante à l’entreprise transformante.

A titre d’exemple, le groupe Mobivia s’est appuyé sur ses meilleurs talents pour inventer un nouveau modèle de Business, permettant de répondre à la clientèle B to B toujours plus croissante, pour passer du produit au service, répondre aux nouveaux enjeux de l’Economie de l’usage, et éviter d’être doublé par de nouveaux acteurs, comme les pure players asiatiques. Ce nouveau segment de clientèle connait une croissance fulgurante, tout en offrant de superbes opportunités pour exposer et développer les meilleurs talents de l’entreprise.

Chez Boehringer-Ingelheim leader allemand de la Santé, la fonction RH a rendu possible la transformation du modèle, avec la digitalisation, la personnalisation des interactions avec les parties prenantes et les patients tout en les rendant toujours plus transparentes et efficaces.

On peut également citer la start up Shine qui en s’appuyant sur une politique RH inédite attire et fidélise ses jeunes talents tout en les associant à la création du Business Model ; citons en vrac la possibilité de travailler d’où l’on veut, une grille des salaires transparente et publique, qui intègre un « bonus personne à charge » pour les enfants ou les parents âgés du collaborateur, l’opportunité de travailler pour une autre entreprise un jour par mois etc…

Des organisations encore plus plates et responsabilisantes, le droit à l’erreur et son corollaire : le devoir d’essayer, des process plus simples “test and learn”, le choix du projet plutôt que du statut, etc. Le moteur du changement devient donc endogène et irréversible grâce à l’acculturation de toutes les parties prenantes, un apprentissage en « double boucle » où entreprise et collaborateurs “apprennent à apprendre” et à se réinventer sans cesse et où les capacités organisationnelles elles-mêmes sont en auto-réinvention dynamique permanente.

L’ancien DRH  devient dont le premier Chief Agile Transformation Officer (CATO), ciment et catalyseur de la transformation agile. En ce sens, son profil et ses aptitudes se rapprochent de plus en plus de celles du CEO moderne, dont il est  le principal partenaire pour rendre possible la définition et l’exécution de la stratégie. Cela laisse la place à un leadership que l’on peut qualifier d’entrepreneurial, au service d’une entreprise- organisme vivant-, faisant varier en permanence sa culture et ses compétences au grès des différentes phases de son développement.

Pas d’agilité organisationnelle sans agilité personnelle. Si la mission contemporaine de la fonction RH est de rendre l’entreprise consciente et capable de se réinventer en permanence, cela signifie au niveau des individus, de développer ce même niveau de leadership entrepreneurial ou d’agilité personnelle (dans la littérature on parle de self leadership agility).  Autrement dit : comment je fais confiance à mes ressources personnelles pour répondre à une situation nouvelle et complexe ? Si l’on convient que l’agilité est la capacité à se mouvoir rapidement physiquement, cognitivement et émotionnellement, comment peut-on développer cette capacité chez les personnes ? Ce chantier-là est lui aussi indissociable de la mission du Leader RH. De même qu’il existe des capacités organisationnelles, il existe des capacités ou habiletés personnelles (dont beaucoup sont intérieures, pas toujours conscientes).  La capacité à les identifier est clé dans le développement de l’agilité personnelle. Cette agilité-là ne s’enseigne pas mais elle peut s’apprendre. Et au fond, qu’est-ce qu’apprendre dans une démarche d’agilité personnelle comme organisationnelle ? C’est accepter de changer ses représentations sur le monde et les situations : première étape de changement de paradigme. Apprendre, c’est donc le premier changement sur lui-même que doit réaliser le leader s’il veut conduire des changements dans son environnement externe car il est partie prenante du système qu’il veut changer.

Le leader RH, premier promoteur du Self Leadership. Si la fonction RH devient la garante de ces agilités, elle a de fait en charge le développement d’un leadership conscient et authentique chez chacun des membres de son organisation qui passe par l’identification de ses capacités personnelles et interpersonnelles à tracer sa voie dans l’organisation tout en contribuant au développement de celle-ci.

Aujourd’hui, nombre d’entreprises ont compris que permettre à chacun de faire ce voyage à la fois intérieur et en relation avec d’autres professionnels, est indispensable. Des dispositifs de co-développement orientés leadership permettent ces espaces de reconnexion à ces moteurs de recherche personnels. Le collaborateur agile devient capable de faire complètement confiance à ses capacités personnelles parce qu’en formation, il les aura clairement repérées dans une situation concrète qu’il vient de ré-examiner. Ainsi identifiées et nommées, il pourra les réemployer. De la même manière, il pourra aussi se débarrasser de ses croyances limitantes sur lui, sur les autres, le système, qui l’empêchent d’accéder à ses propres solutions.

Aujourd’hui, ce que l’on appelle le self leadership ou leadership entrepreneurial, consiste à « établir la libre direction de soi-même », autrement dit, faire confiance à ses ressources personnelles (cognitives, émotionnelles, expertises…) pour décider quoi faire. En développant cette agilité personnelle, la personne va aussi promouvoir celle des autres. Attention, il n’est pas question de promouvoir un leadership parfait ou tout puissant dont la recherche a montré la nocivité et l’inefficacité, mais au contraire un modèle de leader sans cesse en apprentissage, conscient de ses limites, pour pouvoir faire des demandes, s’inspirer à l’extérieur et nourrir les autres. La liste des psycaps HERO (Hope/Espoir, Self-Efficacy/sentiment d’efficacité, Resilience, Optimism), développée par la psychologie positive est un exemple de ces capacités personnelles utiles au développement d’un monde agile et d’un leadership positif.

Le leadership de la fonction RH au plus haut

Faire grandir les capacités à la fois à l’intérieur (des personnes) ET à l’extérieur (dans l’entreprise), une mission prometteuse et porteuse de sens à la hauteur des ambitions de la fonction RH “réinventée”. Quand des étudiants des meilleures grandes Ecoles décident d’embrasser une carrière RH ils le font à dessein car ils veulent impacter et contribuer à construire le “nouveau monde”, tout en donnant du sens à leur vie professionnelle. En RH, ils seront à la meilleure place pour le faire ! C’est ce que croit profondément Jean Baptiste Cocheteux, Directeur Gestion des Dirigeants du groupe MOBIVIA et enseignant RH à l’Edhec Business School.

Shya Guan, jeune diplômée chinoise à l’EDHEC a, comme beaucoup d’autres, commencé sa carrière par la fonction RH. “Je suis convaincue que la réussite durable d’une organisation commence par la prise de conscience que les personnes sont les forces motrices de toutes les réalisations. En tant que nouvelle recrue de l’équipe Talent & Learning chez Clarins, j’ai été témoin et je suis impressionnée par le rôle stratégique de la fonction RH. Dans mon travail, je m’occupe de différents aspects clefs liés aux “moments de vie” – expérience – du collaborateur, tels que l’engagement, le bien-être, la diversité et l’inclusion, la performance, etc. Il pourrait sembler absurde que beaucoup pensent si peu de bien de la fonction RH qui façonne l’environnement dans lequel nous vivons au quotidien. « Un poisson ne connaît pas l’importance de l’eau » serait une métaphore que j’utiliserais volontiers pour inciter les organisations à commencer à investir stratégiquement et globalement dans les RH.”

Avec une fonction RH si hautement exposée et passionnante, il existe une voie royale pour développer son leadership et ses habilités pour devenir un grand Dirigeant par la suite car redisons-le sans complexe : en réalité bien peu de choses séparent désormais les 2 profils ! 

*Jean Baptiste Cocheteux, Directeur Gestion des Dirigeants du groupe MOBIVIA et enseignant RH à l’Edhec Business School

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