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La Nouvelle Guerre Des Boutons

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Louis Pergaud ne devait pas imaginer, lorsqu’il sortit en 1912 son livre « la guerre des boutons », qu’une nouvelle guerre du même nom se jouerait une bonne centaine d’années plus tard. Mais en 2016, les gamins de Longeverne sont remplacés par Amazon. Carrefour, Auchan, Intermarché ou Leclerc incarnent quant à eux les Velrans. Modernité oblige, la bataille qui fait rage ne s’intéresse plus aux boutons de culottes mais aux boutons connectés ! Nouvel épisode mi-novembre avec la sortie de l’Amazon Dash Button en France et on imagine aisément que le géant mondial du commerce électronique n’envisage pas de perdre ce combat !

 

Le Dash Button est une application de l’Internet des Objets initialement lancée par Amazon en 2015 aux Etats Unis. Il s’agit d’un bouton connecté sur lequel un consommateur appuie pour passer automatiquement la commande sur le site d’Amazon dont il est membre du programme de fidélité Prime. Chaque bouton est relié à une référence unique de produits, principalement issue du rayon Droguerie, Hygiène, Parfumerie. Lors du lancement en France, 40 marques et 500 références de produits seront concernées. A chaque bouton correspond une possibilité unique de commande. L’expérience montre qu’à l’heure actuelle les clients ayant opté pour ce système disposent en moyenne de 4 boutons. On est encore loin, donc, de l’image de murs de cuisines entièrement recouverts de ces boutons. Les concurrents d’Amazon ne disposent pour l’instant pas de systèmes directement identiques mais ont opté pour des scannettes connectées telles que API pour Intermarché, Pikit de Carrefour ou  Izy d’Auchan.

Ces différentes solutions offrent la promesse à leurs clients d’une expérience d’achat renouvelée et surtout facilitée. Gain de temps, simplification générale du processus de commande et promesse d’absence de rupture de consommation. L’approche d’Amazon est spécifique dans le sens où chaque bouton est lié à une référence de produit. En d’autres termes, la démarche de boutons tend à revisiter les modèles traditionnels de comportement du consommateur enseignés depuis la fin des années 60 par Engel, Kollat et Blackwell à tous les spécialistes du marketing. Tout d’abord, le Dash Button réduit le cycle de décision d’achat en offrant un seul choix aux consommateurs. Finie donc la possibilité de forger une décision menant sur un ensemble évoqué de marques ou de produits potentiels avant le choix ultime. D’autre part, l’approche tend à créer un réflexe pavlovien chez le consommateur qui appuie dès qu’il identifie un manque. Les effets d’une telle pratique sur la sensibilité au prix (moindre ?) des consommateurs et la fidélisation (plus élevée ?) à une marque méritent d’être analysés. Enfin, l’approche Dash menée conjointement par Amazon avec ses marques partenaires fidélise simultanément au distributeur (et à son offre Prime) et au produit lui-même. Aux USA, le succès semble au rendez-vous avec 300 000 à 500 000 boutons installés et plus de 40 marques actives. Il restera à mesurer si les contraintes induites par le système, notamment le choix limité et le lien d’un bouton à une référence unique ne nuiront pas à une adoption définitive du système. On sait de nombreux objets connectés, les montres par exemple, qu’ils souffrent d’abandon rapide par les consommateurs ; on peut s’interroger sur le chemin que suivront les boutons d’Amazon. Car l’enjeu est important pour ce distributeur, comme pour ses concurrents : celui de l’analyse de données massives. La multiplication des points d’observation ou d’enregistrement du comportement des consommateurs s’avère en effet nécessaire pour favoriser le développement de modèles prédictifs de consommation. Dans « La guerre des boutons », on pouvait lire en 1912 le détail du budget de l’armée de Longeverne (« Boutons de chemises  – 1 sou, boutons de tricot et de veste – 4 sous … »). De nos jours, on conçoit aisément que ce sont les différentes données clients qui constitue un trésor de guerre. L’œuvre de Louis Pergaud aura une forte signification pour des années encore !

 

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