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Ces Comportements Toxiques Au Travail Qui Minent L’Entreprise

©Getty Images

Les comportements nocifs au travail : un sujet essentiellement abordé à travers le prisme managérial. Est-ce vraiment l’apanage des personnes qui nous dirigent et, qui, par définition se retrouvent investies d’un rôle d’exemplarité ? La réalité est plus nuancée. Agressions verbales (et, plus rarement, physiques), sautes d’humeur régulières, en passant par les incivilités au travail ou les comportements plus pervers dérivant jusqu’au harcèlement, qu’il soit physique ou moral : ces maux témoignent d’une souffrance professionnelle – subie ou entretenue – de plus en plus visible et audible. Le Pr Stéphanie Carpentier, experte en Management des ressources humaines et dans la prévention de la Santé au travail, apporte son éclairage pour Forbes. De l’urgence de savoir reconnaître et traiter les comportements toxiques de ses collaborateurs pour ne pas impacter l’organisation et éviter « la propagation ».

 Qu’est-ce qu’un comportement toxique au travail ?

Cela correspond à tous les comportements qui peuvent porter préjudice aux personnes, aux équipes et plus globalement aux organisations. Ils peuvent prendre différentes formes. Prenons quelques exemples :

  • Nous avons beaucoup parlé, à juste titre, du harcèlement moral ou sexuel. Mais côtoyer au niveau professionnel une personne « narcissique », « machiavélique », « psychopathe », « obsessionnelle », « paranoïaque »…, est aussi très nocif pour les personnes, les équipes et, à terme, pour l’organisation.

 

  • Travailler avec une personne incompétente au poste qu’elle occupe est également dévastateur, à plus forte raison si c’est votre responsable, car la peur d’être découverte légitimera à ses yeux de s’approprier votre travail et votre réussite mais aussi de vous rendre responsable de ses échecs.

 

  • Plus couramment encore, il y a aussi les comportements toxiques ordinaires réalisés souvent malgré soi. Si vous partagez un bureau avec une personne qui gère mal ses émotions en cas de stress : colère éruptive fréquente, torrents de larmes réguliers… alors que sa position l’expose beaucoup, votre bien-être au travail s’en trouve aussi progressivement modifié : ainsi vous deviendrez toujours plus sur le qui-vive pour éviter d’être impacté. Mais le pire, c’est que ces comportements toxiques ordinaires répétés modifieront probablement à plus long terme vos relations avec vos futurs collègues : ayant été initié à certains signaux avant-coureur, votre hyper sensibilité vous alertera parfois plus que nécessaire.

 

  • Les pratiques managériales défaillantes modifient profondément et, de façon très insidieuse, la structure, les relations entre les collègues et donc les personnes.

Dans chacun de ces exemples, si rien n’est fait pour stopper ces comportements toxiques quand il est encore temps, cela crée un système organisationnel toxique qui peut devenir hautement pathogène dans certains cas.

Comment un collaborateur bascule-t-il dans cette posture délibérément négative ? Le processus obéit-il à une logique de « cause à effet » ? Ou, alors, cela est davantage insidieux…

Tout dépend des circonstances, des prédispositions psychologiques de chacun, et des pratiques managériales de l’entreprise en vigueur. Ainsi dans une organisation très pathogène, une personne plutôt perverse prendra beaucoup de plaisir mais une personne fondamentalement bienveillante pourra avoir développé des comportements toxiques sans même en avoir conscience, par réaction ou par contamination insidieuse.

Le Professeur Stéphanie Carpentier

Comment « neutraliser » un salarié pour prévenir le risque de « contamination » ?

Pour la toxicité ordinaire des comportements, la communication est généralement le premier niveau de solution ; la formation à la gestion du stress peut être aussi envisagée. Chacun de l’entourage peut donc intervenir et c’est même un devoir en cas de responsabilité managériale exercée.

Pour la toxicité des comportements maximale, c’est aux plus hautes fonctions d’intervenir. Il sera ainsi de la responsabilité de l’actionnaire (qui peut-être aussi l’Etat) d’agir vis-à-vis d’un patron aux comportements problématiques. Les représentants du personnel ont également un rôle important à jouer.

Encore faut-il, toutefois, que tous ces acteurs soient informés de ce qui se passe (une personne avec de tels comportements nocifs sait également dissimuler ses méfaits, charmer et discréditer les quelques personnes qui osent parler).

Quelques principes essentiels, souvent de bon sens, peuvent être mobilisés avant d’en arriver là :

  • Se rappeler que tout ce qui brille n’est pas de l’or et donc se fier aux faits plutôt qu’aux discours incantatoires ou aux opinions
  • Donner une rétroaction directe, honnête et bienveillante 
  • Evaluer les compétences plutôt que le charisme supposé d’un collaborateur (à plus forte raison si c’est un candidat à un poste managérial)
  • Rechercher les « soft skills », les compétences humaines de chacun (son altruisme, sa sociabilité, son intelligence émotionnelle, son humilité, etc.)
  • Isoler (physiquement et socialement) la personne des autres employés afin que les effets ne se propagent pas.

Sur ce dernier point, cela ne saurait se traduire basiquement par « une mise au placard » du salarié, il faut toujours agir de façon intelligente et d’un point de vue managérial. De fait, parmi les pistes à explorer, le responsable pourrait confier des dossiers nécessitant une plus grande autonomie, envisager le télétravail…car l’objectif n’est pas d’attiser le ressentiment mais bien d’apaiser la situation.

Ces profils sont-ils circonscrits aux entreprises qui traversent une zone de turbulence économique (restructuration, plans sociaux, délocalisation…) ? Ou ce phénomène peut, également, impacter des sociétés robustes et imprégnées d’une culture interne forte ?

Les comportements toxiques sont potentiellement présents chez toute personne et de ce fait dans toute organisation (peu importe sa taille, sa nature, son secteur d’activité, etc.). En revanche, ils sont plus visibles et démultipliés en cas de période difficile (conduite du changement, crise économique, etc.) car l’individualisme est exacerbé et les faiblesses et les peurs de chacun sont plus visibles.

Quels remèdes pour préserver le collectif et l’organisation ?

Agir en interne le plus tôt possible et potentiellement se faire aider par des experts de l’organisation (les spécialistes en management des ressources humaines) et des psychologues et coachs pour la dimension individuelle.

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