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Comment La Start-Up Avis Vérifiés Traque Les Faux Commentaires D’Internautes

© Getty Images

Nombreux sont les consommateurs qui ont pour réflexe de consulter les avis en ligne avant de concrétiser un achat ou, simplement, pour se faire une idée sur un produit, une marque ou sur une prestation. Alors que la Répression des fraudes (DGCCRF) pointe des « anomalies » dans 35% des commentaires publiés sur Internet, que les hôteliers, restaurateurs plaident pour la fin de l’anonymat, et que 80 % des acheteurs en ligne déclarent tenir compte de ces avis (Institut Nielsen), les sociétés ont bien compris l’enjeu de maîtriser la mécanique. La start-up marseillaise Avis Vérifiés récolte la parole des clients d’entreprises comme Air France, Engie ou la Fnac, et vient d’être distinguée par le Financial Times dans son dernier classement FT 1000, dédié aux start-up européennes à la plus forte croissance. Retour sur la recette gagnante du trio fondateur pour assainir la toile et pour retisser le lien e-commerçant/ internaute.

 

Dans un récent rapport, la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) pointe des « anomalies » dans 35 % des avis laissés sur Internet. Comment votre société, Avis Vérifiés, opère-t-elle pour garantir à ses clients l’authenticité des commentaires postés ?

Pour garantir l’authenticité d’un avis, il faut en connaître l’auteur. Or, sur les plateformes de dépôt volontaire, il est impossible de relier chaque avis à une personne, une expérience. C’est pourquoi nous avons fait le choix de ne pas permettre le dépôt d’avis volontaire mais de fonctionner uniquement par sollicitation e-mail post-achat. De cette façon, nous n’envoyons des demandes d’avis qu’à des clients avérés ayant véritablement acheté auprès du marchand ou du magasin noté. Autre particularité de notre système, c’est l’obligation de sonder tous les clients : le commerçant n’aura d’autres choix que d’accepter l’envoi automatique d’e-mails post-achat à l’ensemble de ses clients. Ce système transparent permet l’authenticité des avis reçus et de la note globale.

Certains gestionnaires d’avis suppriment tout – ou partie – des avis de consommateurs à tendance négative, au profit de ceux à connotation positive. D’autres gestionnaires publient de façon très rapide les avis positifs alors qu’ils diffèrent la publication des références négatives, ceci ayant pour conséquence de faire apparaître une majorité d’avis positifs parmi les plus récents… Comment contrer ces pratiques frauduleuses ?

Nous avons fait le choix, il y a quatre ans, de nous faire certifier conformes à la norme NF Z74-501 et au référentiel de certification NF 522, par l’Afnor Certification. Nous avons même participé à la rédaction de cette norme et celle-ci pose un cadre très strict sur tout le processus de collecte, de modération et de restitution des opinions. Ainsi, il n’est pas possible de choisir qui on sollicite, puisqu’il faudra sonder tout le monde sans exception, ni supprimer les commentaires peu arrangeants. La règle, et les marchands le savent en nous choisissant, c’est qu’il faudra publier tous les avis reçus, positifs comme négatifs. Pour que la note reflète au mieux la réalité, les références sont affichées par ordre chronologique. Mieux encore, si des avis sont bloqués en modération, aucun autre avis ne peut être publié. Ils sont simplement mis en attente le temps que l’avis négatif soit traité. En effet, lorsqu’un marchand reçoit un avis négatif, ce dernier est placé automatiquement en modération. Il n’est pas supprimé, bien entendu, mais il n’est pas publié non plus. Cette période doit permettre l’ouverture d’un espace de discussion entre client et vendeur.

Pour ce-dernier, cette période est une chance de se défendre, de s’excuser, d’expliquer, de montrer qu’il a pris conscience de son erreur et qu’il n’abandonne pas le client. Le consommateur a le droit d’exprimer son avis mais le commerçant doit aussi avoir un droit de réponse. Et si on choisit de laisser un délai avant la publication, c’est pour que tous les échanges soient publiés en même temps, offrant alors au lecteur l’assurance de se faire son propre point de vue sur une situation en ayant les deux discours sous les yeux.

Il semble difficile de croire que les marchands acceptent sans ciller la critique et c’est vrai que cela peut arriver. Mais dans l’ensemble, notre système fonctionne bien. Pourquoi ? Parce qu’en sondant tous les clients d’un marchand, on va aller récupérer l’avis de personnes qui n’auraient pas forcément songé à noter la marque. Et dans la plupart des cas, ce sont les personnes satisfaites qui ne se manifestent pas sans la piqûre de rappel qu’est notre e-mail. De plus, nous passons du temps à expliquer qu’un avis négatif n’est pas une finalité en soi. Si on y répond bien, on peut récupérer le client insatisfait. Une belle réponse montrera aussi aux yeux des lecteurs les qualités en relation client du marchand. Comme on le dit souvent, personne n’attend d’une marque qu’elle soit irréprochable.

Pour réduire les pratiques frauduleuses, il fallait trouver un système fiable, transparent mais strict et qui apporte un résultat juste aux marchands comme aux consommateurs.

80 % des acheteurs en ligne déclarent tenir compte de ces avis et 68 % des internautes font confiance aux opinions postées par d’autres consommateurs (Institut Nielsen). L’e-réputation est donc un enjeu majeur pour les entreprises. Quelles solutions proposez-vous à vos clients pour préserver leur image de marque par le levier des prescripteurs numériques que sont les internautes ?

En offrant un espace d’échanges, le client insatisfait n’aura pas besoin d’aller s’exprimer sur des forums hors de portée du vendeur, lequel pourra identifier rapidement la personne mécontente. Ainsi, il sera en mesure de répondre pour tenter de résoudre le problème soulevé. Nous œuvrons à l’amélioration de l’e-réputation et à la préservation de l’image de marque de nos clients, par la mise à disposition d’un outil pointu capable de leur faire prendre conscience de leurs points forts et de leurs points faibles afin de mieux capitaliser sur les premiers et corriger les seconds.

Certains professionnels, particulièrement exposés, comme les hôteliers, les restaurateurs, plaident pour la fin de l’anonymat quant aux auteurs d’avis, estimez-vous que ce changement de paradigme assainira la toile et bénéficiera tant aux internautes qu’aux sociétés ?

Absolument ! Sous couvert d’anonymat, on peut accuser qui on veut sans se soucier de la vérité, ni donner des détails. Et bon courage à ceux qui chercheront l’auteur pour essayer d’échanger avec lui. Ce qu’on ne laisse pas faire dans notre société physique, pourquoi devrions-nous l’accepter sur le web ? Si à mon sens, il ne faut pas afficher l’identité de l’auteur publiquement comme pour les avis Google ou Facebook, il faut tout de même la connaître. Un avis a deux buts : apporter de l’information aux lecteurs, et pour cela, non seulement il doit être constructif mais la réponse de l’hôtel, du restaurant, du prestataire de services, doit l’être tout autant. L’autre but est de raconter son expérience. Si elle est négative, quelque part, le client devrait chercher à recevoir une solution pour son problème, des excuses, une attention du marchand. L’anonymat annule ces deux buts et que reste-t-il alors ? Beaucoup de suspicions sur les compliments et les critiques reçus. Et aucune aide pour l’internaute en recherche d’informations.

Olivier Mouillet, Laurent Abisset et Tom Brami, le trio fondateur d’Avis Vérifiés

Il y a trois ans, la plateforme d’avis et de conseils touristiques, TripAdvisor a suscité la polémique en désignant « meilleur restaurant de la ville », un établissement complètement fictif et créé de toute pièce par le journal italien spécialisé dans la restauration et le tourisme  « Italia a Tavola ». Il a suffit aux journalistes de laisser une dizaine d’avis positifs pour que le site américain – et leader mondial – couronne le faux restaurant du titre de numéro 1… Cette affaire a donc révélé les limites de ce type de sites, notamment en termes de fiabilité. Comment Avis Vérifiés prémunit-elle ses clients de telles dérives ?

Nous avons des flux automatiques avec la plupart des plateformes e-commerce du marché (Salesforce cloud, Hybris, Magento…), avec les CRM, les outils de caisse…Pour déclencher une demande d’avis, nous devons recevoir la donnée liée à la commande / l’achat d’un client, pour prouver qu’un achat a été réalisé. Tous les flux sont échangés automatiquement et ne permettent pas le tri ni la modification des données des clients. Ainsi, nous sommes assurés de n’envoyer des demandes d’avis qu’à des personnes qui ont été réellement clientes. D’autres points de vérification techniques interviennent dans le process comme la vérification des adresses IP.

« Les avis nous permettent d’être informés rapidement de problèmes éventuels et surtout d’être réactifs », témoigne l’un de vos clients. Les grands comptes qui vous font confiance à l’instar de Lacoste, la Fnac, Air France, Engie…acceptent-ils aisément la critique ou devez-vous faire, aussi, de la pédagogie ?

Presque plus facilement que les petits ! Les équipes sont plus nombreuses à se partager le blâme d’un avis négatif et peut-être que cela rend les choses moins personnelles, même si aujourd’hui, on tend à impliquer les équipes dans la recherche de la satisfaction client. Il faut se rendre compte que le sujet des commentaires clients a beaucoup évolué au cours des dernières années. En 2012, on l’utilisait principalement pour travailler sa visibilité SEM (Search Engine Marketing). Petit à petit, l’avis client a joué un rôle dans les stratégies omnicanales et a replacé au centre de toutes les équipes la voix du client. Marketing, Vente, Direction Générale, SAV, tous les pôles sont désormais connectés entre eux par les résultats des avis. Evidemment, certaines critiques sont plus faciles à accepter que d’autres et il nous faut parfois intervenir pour expliquer et calmer les choses mais au fil des années, on peut voir que les avis négatifs sont de mieux en mieux absorbés par les marchands.

Née à Marseille fin 2012, votre entreprise co-fondée par vous-même Tom Brami aux côtés de Laurent Abisset et d’Olivier Mouillet, a multiplié son chiffre d’affaires par cinq entre 2014 et 2017. Vous êtes présent dans une vingtaine de pays, et venez de renforcer vos positions en Amérique Latine par le rachat de Trusted Company Brésil, quelles sont aujourd’hui vos priorités ?

Nous souhaitons continuer à nous déployer à l’international, en ouvrant notamment une dizaine de nouveaux pays tout en nous renforçant dans les pays où nous sommes déjà présents. Leader en France, en Espagne, en Amérique Latine, on sait que rien ne nous empêche de l’être ailleurs et nous voulons exploiter cette force.

Le classement 2018 du Financial Times, FT 1000,  hisse Avis Vérifiés à la 152ème place des entreprises européennes à la plus forte croissance, et à la 30ème en France, êtes-vous tenté de céder votre start-up à la concurrence ?

Il n’y a aucune chance que l’on accepte d’être vendus à la concurrence ! Pour nous, ce serait perçu comme une régression car depuis le début, nous nous sommes développés en cherchant à nous différencier de nos concurrents. Notre objectif, au contraire, pourrait plutôt être de racheter nos concurrents, comme on vient de le faire avec Trusted Company. Nous disposons de la force de frappe nécessaire pour ouvrir un nouveau pays avec une solution 100% opérationnelle dans la langue du pays visé. Un atout pour les clients internationaux qui ont besoin d’un seul et même prestataire pour les accompagner sur l’ensemble de leur réseau.

Si un jour nous devions céder notre entreprise, ce serait à un grand groupe international comme par exemple Salesforce ou Oracle qui nous laisserait continuer notre développement avec notre équipe et notre outil tout en nous apportant des capacités de déploiement accéléré.

 

 

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