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Yachting : Comment Ferretti Group Entend « Rendre La Concurrence Nerveuse »

©Ferretti Group

Véritable baromètre des tendances et du marché planétaire de la plaisance de luxe, le Yachting Festival de Cannes, clôturé ce dimanche, vient de lancer la saison du nautisme entre « gigantisme », innovations et design. Forbes s’est particulièrement intéressé au chantier italien, Ferretti Group, qui a fait le show en présentant cinq nouveautés déclinées autour du triptyque cher à la compagnie transalpine : « toujours plus grands, toujours plus performants, toujours plus esthétiques« . En ce cinquantième anniversaire du groupe, passé sous pavillon chinois en 2012 après le rachat par le conglomérat Weichai, Ferretti Group affiche une solide croissance et de nombreuses ambitions. Rencontre avec son CEO Alberto Galassi, l’un des capitaines d’industrie les plus respectés d’Italie, qui lève le voile sur sa feuille de route.

Forbes: Ferretti Group a célébré cet été son cinquantième anniversaire d’existence ; quelle est votre feuille de route pour les cinq prochaines années ?

Alberto Galassi: Durant les cinq prochaines années, Ferretti Group sera très différent de la société que nous sommes aujourd’hui. Nous allons ainsi accentuer notre développement à travers l’acquisition d’un nouveau site de production en vue de démultiplier nos capacités industrielles et, aussi, en vue de soutenir notre croissance. Actuellement, nous rencontrons en effet des limites en termes de production et d’infrastructures. Nous nous fixons, par ailleurs, l’objectif d’atteindre 1 milliard d’euros de chiffres d’affaires, sachant que le plus important à nos yeux demeure –  à la fois – notre Ebitda et notre position sur le marché. En conséquence, nous allons énormément investir dans les produits, dans la recherche et le développement, dans la conception de nouveaux modèles, que nous prévoyons toujours plus grands, toujours à la pointe et toujours plus esthétiques. Durant le Yachting Festival de Cannes qui s’est clôturé ce week-end, nous avons présenté cinq yachts en avant-première : le Riva 110 Dolcevita, le Custom Line Navetta, le Custom Line 120, le Ferretti Yachts 670 et, enfin, le Riva 66 Ribelle. Concevoir autant de nouveautés, en une année, relève d’une véritable prouesse industrielle et technologique, à mettre tant au crédit de notre département d’ingénierie, qu’à nos efforts sur le plan financier.

De fait, nous sommes engagés dans une dynamique pour aller chercher sans cesse de nouveaux succès. D’ailleurs durant les prochaines années, vous verrez l’émergence d’une nouvelle marque, peut-être même deux, ainsi que l’ouverture d’un site de production supplémentaire. Concrètement, ces projets se traduiront par une croissance de nos revenus. En 2019, nous lancerons 6 nouveaux modèles. Nos performances continue et notre consistance, devraient susciter beaucoup de nervosité parmi la concurrence : c’est l’un de nos objectifs d’ailleurs ! Quant aux clients, aux prospects, ils constateront que nous avons la force de frappe de délivrer ce que nous avançons.

F: Ferretti Group se décline à travers sept marques : Ferretti Yachts, Riva, Pershing, Itama, Mochi Craft, CRN and Custom line, sur quelle (s) division (s) entendez-vous porter l’effort ? Et pour quelles raisons ?

AG: Pour être très clair : notre stratégie est de développer l’identité et le territoire de marque de chacune de nos enseignes afin d’éviter tout télescopage. Ferretti Yachts, Riva, Pershing, Itama, Mochi Craft, CRN et Custom Line, deviendront clairement plus identifiables et affirmées. Car le risque que nous encourons est de nous retrouver avec des marques insuffisamment distinctives. Je vais succinctement revenir sur l’histoire de Ferretti qui s’est façonnée au gré des acquisitions durant les cinquante dernières années. Seulement à chaque crise, l’entreprise a procédé à des coupes budgétaires, tout en ayant entretenu une forme d’organisation homogène et décloisonnée ; je m’explique : lorsque ce sont les mêmes équipes qui travaillent simultanément sur différentes marques, il peut y avoir un risque de « mimétisme » dans le processus créatif et de dilution dans le design. A présent, nous avons pris un virage décentralisé, en vue de favoriser un mode de fonctionnement plus cloisonné : notre obsession est que chacun de nos collaborateurs ne soient ‘absorbés’ que par une seule marque, et non par les cinq autres concomitamment.

Alberto Galassi, CEO de Ferretti Group : « Je crois en l’hybride mais pas en l’électrique »

F: L’entreprise est passée sous pavillon chinois en 2012 suite à l’entrée au capital de l’actionnaire SHIG-Weichai, qui contrôle à présent 86.82% (la célèbre famille Ferrari détient les 13.18% restants) ; hormis l’apport financier substantiel de Weichai (près de 500 millions d’euros d’investis), qu’est-ce que les Chinois ont apporté à Ferretti Group?

AG: Weichai a apporté à Ferretti « organisation et discipline » : deux pré-requis indispensables à toute bonne gouvernance d’entreprise. Ces éléments n’étaient pas suffisamment prégnants durant l’ère qui a précédée l’arrivée de notre actionnaire chinois. Dorénavant, nous sommes tenus, par exemple, de rédiger un reporting d’une centaine de pages chaque mois. Notre nouveau propriétaire est aussi très engagé dans le domaine de la R&D, ce qui est très bénéfique à la compagnie. En effet, si nous devions rencontré des difficultés conjoncturelles, nous contraignant à reconsidérer certaines dépenses, nous n’aurons jamais le feu vert pour toucher aux investissements technologiques Sur ce plan, Weichai m’encourage fortement – voire m’astreint – à garantir une enveloppe annuelle de 30 millions d’euros dans le développement de nouveaux modèles, dans la recherche de nouveaux matériaux, dans la technologie ou l’ingénierie…une approche suffisamment rare, notamment en Italie, pour être soulignée ! Enfin, notre actionnaire n’intervient ni dans notre processus créatif, ni dans nos choix stratégiques : nous gardons notre pleine liberté.

F: Vous avez renoué avec la croissance en 2016. L’année dernière, Ferretti Group a enregistré + 10.8% équivalent à une production de valeur de 623 millions d’euros. En 2018, vous prévoyez le chiffre de 704 millions d’euros : de fait, quelle est votre stratégie pour soutenir une telle croissance ?

AG: Nous nous employons quotidiennement à concevoir des produits toujours plus aboutis que la concurrence, à proposer également un prix compétitif à nos clients, tout en nous assurant de dégager une marge confortable : un triptyque qui est un challenge de tous les jours. A plus fortes raisons, que l’année 2018 – comparée à 2017 – s’avère bien plus difficile notamment en raison du climat géopolitique actuel. Il y a beaucoup d’incertitudes liées aux relations commerciales tendues entre les Etats-Unis et l’Europe, au Brexit ou encore au fait que la Turquie et la Chine ne sont plus un marché de Ferretti Group. Conséquemment, il y a une sorte d’attentisme, les personnes s’interrogent quant à l’opportunité d’acheter maintenant un bateau, ou plus tard. Néanmoins, malgré ce contexte compliqué, nous allons d’ores et déjà dépassé cette année, nos résultats de 2017.

F: Est-ce que cette « bonne santé » est imputable à la demande exponentielle des marchés émergents ? A ce propos, pourriez-vous revenir sur vos différentes positions sur le marché de la plaisance de luxe ?

AG: Aussi étonnant que ce soit, je vais citer l’Italie ! En effet, la Botte est revenue aux premières loges et affiche des perspectives de croissance très enthousiasmantes. Nos marchés émergents se situent, sinon, principalement en Afrique (Angola, Afrique du Sud), en Amérique Latine ou en Australie. Ce sont peut-être de « petits marchés », mais ces-derniers enregistrent une croissance exponentielle à deux chiffres. Quant à la France, le marché est stable et très établi, c’est d’ailleurs un bon marché pour nous.

F: Entre 2015 et 2018, vous avez lancé 30 nouveaux yachts…cette « boulimie créative » est-elle un pré-requis pour maintenir votre niveau de leadership dans la plaisance de luxe ?

AG: Pour garder le leadership, il ne faut jamais s’arrêter d’innover, de surprendre, et de se challenger : ce sont les fondamentaux. Ferretti Group doit poursuivre, sans relâche, son objectif de construire des yachts toujours plus performants, plus grands et plus esthétiques. Gardons en tête, aussi, que l’attention du client est très volatile, nous ne disposons que d’une dizaine de secondes pour capter son attention et faire la différence. En clair, tant que je serai CEO de ce groupe, j’encouragerai mes équipes à œuvrer énergiquement en ce sens.

F: L’industrie du yacht commence à explorer les opportunités offertes par des technologies novatrices telles que l’hybride ou l’électrique. L’année dernière, l’armateur américain, Hinckley Yachts, a lancé le premier yacht électrique – surnommé d’ailleurs : le « Tesla des mers » ; avez-vous des ambitions à moyen terme dans ce domaine ?

AG: Je crois en l’hybride mais pas dans l’électrique. Pourquoi ? Parce que technologiquement, nous n’avons pas encore résolu la question des batteries. Une problématique que rencontre d’ailleurs les acteurs de l’industrie automobile, par exemple. Selon mon analyse, l’hybride va reconfigurer le marché du nautisme, Ferretti Group sortira donc à court terme son premier modèle issu de cette technologie. En outre, l’essor de la fibre carbone et l’arrivée de nouveaux matériaux, ouvriront la voie à des bateaux plus légers, à des générateurs plus silencieux…

Pour finir sur l’électrique, j’observe que les clients ne sont pas prêts à transiger avec leur confort : la climatisation, les équipements d’agrément et autres accessoires de plaisance, s’avèrent primordiales à leurs yeux. Ils sont constamment en demande de générateurs encore plus grands et puissants ! Il n’y a donc pour l’heure aucune technologie suffisamment disruptive pour révolutionner notre industrie.

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