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« Le Stacking Est La Parfaite Illustration De L’Interpénétration Entre Mode Et Joaillerie » Benjamin Comar (CEO Repossi)

Par Getty Images

C’est sans doute la marque de joaillerie qui a le plus révolutionné l’univers de la joaillerie contemporaine: un style minimaliste, une esthétique de l’épure, des portés venus d’autres cultures, la maison Repossi a changé le rapport de la femme du 21e siècle à son bijou. Pour en connaître un peu plus les secrets, j’ai rencontré Benjamin Comar CEO de la maison.

Thomas Mondo: Benjamin Comar, comment fonctionne votre couple avec Gaia Repossi ?

 

 

Benjamin Comar: Il fonctionne bien. Chacun avec ses prérogatives, Gaia s’occupe de la direction artistique et donc des produits, des campagnes de communication et nous, nous orchestrons tout cela pour nous occuper du reste, de la promotion de la commercialisation, du rayonnement de la marque et de la distribution. On se répartit les rôles avec une partie créative et une partie business.

TM: C’est particulier de travailler pour une marque qui porte le nom de sa designer ?

 

(c@whitewall)

 

BC: Il n’y a plus de maison centenaire aujourd’hui dont la directrice artistique porte le nom de la maison, c’est la seule maison de joaillerie dans ce cas et je pense même la seule marque au monde où le créateur est à la tête de sa maison. Évidemment je ne parle pas des marques récentes mais de maisons centenaires..c’est extrêmement agréable et c’est une chance extraordinaire d’avoir cette lignée de créateurs, car la famille Repossi ce sont tous des créateurs de joaillerie.

TM: Comment définiriez vous le style et la personnalité de la maison Repossi aujourd’hui ?

BC: En plus du caractère et de la personnalité de Gaïa, il y a son style qui est extrêmement bien adapté à notre temps et à l’humeur du temps et qui ne bégaie pas sur le passé. Elle fait preuve d’une réinvention totale c’est la force de cette famille qui a toujours su savoir prendre l’air du temps et même parfois, l’inventer sans faire référence au passé. Je pense que Gaia a participé, voir même initié, le changement de comportement des gens vis-à-vis de la joaillerie. D’une joaillerie extrêmement formelle, de cadeaux, de célébration, de mariage, aujourd’hui le segment du bijou a changé. Gaia a participé à « désengoncer » cela en créant des produits plus frais qui, sans désacraliser le bijou, deviennent plus « cool ». C’est ça la philosophie de la maison, c’est de ne pas regarder le passé et de se réinventer à chaque fois. Beaucoup de marques vivent sur leur patrimoine et tentent de le renouveler. Chez nous, Gaia a apporté quelque chose avec un design totalement différent. Elle arrive à se projeter dans l’avenir en se demandant quel est le rôle du bijou pour la femme d’aujourd’hui.

Concernant le style, il est particulièrement épuré, extrêmement dessiné, entre la sculpture et l’architecture qui inspirent beaucoup Gaia. C’est un style très net et précis.

TM: Qu’est ce qui fait la différence Repossi ?

BC: C’est une marque assez unique dans son style. Bien sûr, il y a d’autres maisons, notamment des maisons récentes de joaillers-créateurs qui ont un peu suivi cette tendance. En revanche, des marques historiques qui sont prêtes à revoir et renouveler 100% de leur collection, c’est unique.

Elle a aussi inventé des façons de porter les bijoux comme le « stacking »,  ou les « ear cuff ». On ne pouvait imaginer il y a encore 10 ans, une femme bourgeoise à Paris porter les bijoux de cette façon, mais Gaia, elle l’a fait. Mais cette modernité a  toujours été accompagnée par l’immense savoir-faire de la maison qui a toujours respectée son patrimoine en conservant toutes ses collaborations avec les artisans qui travaillent avec la maison depuis toujours en France et en Italie. Nous séduisons une clientèle avant-gardiste.

TM: Quels sont les chiffres clés de la maison ?

BC: Pour l’instant nous avons 6 boutiques et 60 personnes. Nous allons ouvrir de nouvelles boutiques dans les prochains mois à venir et nous avons environ 100 points de vente.

TM: Quelles sont les zones de développement de Repossi ?

BC: Nous avons trois zones de développement importantes. Premièrement notre marché berceau la France, plus que l’Italie car la marque a déménagé de Turin puis à Monaco puis à Paris il y a quelques années, donc la France est vraiment notre berceau, c’est un marché important pour nous.

Nous nous déployons également aux États-Unis avec des points de vente chez Bergdorf Goodman et Saks. Nous avons la volonté de développer ce marché d’initiés, qui connaît bien la joaillerie et avec lequel Gaia a des affinités particulières…ayant vécu à New York, nous y jouissons il est vrai d’une notoriété importante là-bas. Mais il y a aussi le Moyen-Orient, qui est un berceau traditionnel de la marque: en effet, Alberto Repossi y a passé beaucoup de temps pendant de nombreuses années et nous bénéficions d’un capital sympathie très important là bas, qui a été aussi extrêmement développé par la collection Berbère: cette collection d’inspiration orientale a eu un succès fou dans cette région du monde et nous allons donc ouvrir nous y renforcer..après l’ouverture d’un flagship à Dubaï, nous allons continuer à Doha et Jeddah dans les mois à venir… Il s’agit là d’un gros enjeu pour nous…Et pour aller plus loin, une installation aussi à Hong Kong . C’est une ville qui bouge beaucoup et où les clients « Trendsetter » sont assez forts. L’Asie, c’est nouveau pour nous, mais nous nous rendons compte que les asiatiques aiment beaucoup notre marque et c’est une vraie volonté pour nous de l’emmener là-bas. Nous avons donc 3 marchés à consolider et 1 marché nouveau à conquérir.

TM: Qui est la cliente Repossi ?

BC: Le style de porté amené par Repossi s’exporte sur une population très large aujourd’hui. Ce style se diffuse sur une clientèle plus classique désormais. Les classiques changent, on n’imaginait pas il y a quelques années, ce type de population avec ces styles de porté et de bijoux. Je ne crois pas à la segmentation en termes d’âge etc… Et je n’aime pas l’idée de faire des collections « pour les asiatiques » ou « pour les émiratis », je pense aujourd’hui que le monde n’est plus comme ça, le marché est beaucoup plus ouvert aujourd’hui et beaucoup plus accessible : l’Inclusivité est la valeur du monde actuel.

Par contre, il est certain que celle qui a le vrai leadership, c’est la Femme!!  Dans la décision et dans l’acquisition bien évidemment, nos clientes sont très déterminées. C’est ce que j’aime le plus dans cette marque, c’est qu’elle plaît aussi bien aux amateurs, aux personnes qui connaissent bien la joaillerie (et il est bien sûr de notre devoir d’être très exigeant pour elles), mais aussi pour toute une autre catégorie qui ne s’intéressait pas du tout à la joaillerie, qui la trouvait trop classique et trop formelle et qui y a pris goût avec des collections imaginées par Gaia Repossi. Des personnes de milieux très différents, venant de l’architecture par exemple, qui trouvent dans Repossi une modernité qui leur plaît. C’est ce qu’a permis une ligne comme Berbère par exemple, c’est intéressant pour nous d’avoir une proposition aussi plurielle, car synonyme d’une clientèle diverse.

TM: Quelle analyse faites vous de l’évolution du marché de la joaillerie ?

BC: Il est double, il est évident que la joaillerie est dans une forte mutation. L’analyse classique du marché nous dit que 80 % du marché est un marché de non-marques, de marques locales. Et que les marques internationales prennent le pas sur les marques locales, et donc qu’en plus de la croissance organique du marché, elles prennent des parts de marché. C’est pour cela qu’aujourd’hui beaucoup de marques se déclinent par la suite dans la joaillerie. Pour moi, le point principal c’est le changement de relation aux bijoux. Il y a 15 ans, il y avait une page joaillerie par an dans le magazine Vogue par exemple…aujourd’hui, tous les mois il y a des pages  joaillerie et même des séries « Jo » dédiées.

La joaillerie aujourd’hui fait partie de la « panoplie » de la cliente moderne, au même titre que le sac, que la veste, que la montre…et le stacking d’ailleurs est la parfaite illustration de l’interpénétration entre Mode et Joaillerie.

TM: Comment expliquez ce rapprochement entre Mode et Joaillerie ?

BC: C’est vrai qu’aujourd’hui la plupart des lancements se font au moment de la Fashion Week. Gaia a initié cela d’ailleurs, en faisant ses lancements pendant les semaines de la mode. Il est clair qu’il y a une connexion très importante, toutefois la Joaillerie a ses spécificités… Il n’y a pas de « solde », on ne fait pas de changement toutes les saisons, mais c’est vrai que cela fait partie d’un look.

L’Objet Joaillier reste un bien précieux, qui ne s’altère pas avec le temps,  que l’on peut garder toute une vie, et qui peut même prendre de la valeur avec le temps.  La joaillerie n’a pas entièrement changé de statut, mais elle accompagne l’évolution des femmes aujourd’hui.

Les Fashion Weeks deviennent très importantes, pour tout le monde c’est un moment de cristallisation. Mais le modèle éclate, les barrières tombent, d’autres événements aussi comme la Biennale de Venise par exemple, sont des moments attendus et des temps forts de l’année sur lesquels les marques peuvent maintenant capitaliser.

TM: Le client Y / Génération Z  est-il une réalité pour Repossi ?

BC: Tout à fait… D’ailleurs, ce client voit le statut du bijou de manière totalement différente, de même que sa relation aux autres. C’est une vraie cible pour nous même si je n’aime pas ce mot, car nous n’aimons pas « cibler » une clientèle particulière. Selon moi, plus on cible une population, moins elle est intéressée par ce que vous proposez.

La relation Marketing est très différente aujourd’hui de ce qu’elle a été auparavant. Le plus important c’est de faire des produits que l’on aime et auxquels on croit, et après c’est au client de choisir, de se projeter dans la proposition créée. Mais oui pour répondre à votre question, nous nous apercevons que nous séduisons aussi ce type de population.

TM: Quand on regarde le marché, comment voyez-vous le monde de la joaillerie qui s’adapte aux « codes fashion » ?

BC: Je pense que la joaillerie reste la joaillerie et il faut qu’elle le reste. Ce n’est pas de la mode. Après, c’est vrai que nous constatons que les codes « fashion » se sont déployés sur beaucoup de domaines et pas que sur la joaillerie. Aujourd’hui, les marchés du parfum, de l’optique, (où d’ailleurs aujourd’hui les leaders mondiaux sont des marques de mode) ont été plus ou moins phagocytés par la mode. Pourquoi ? Parce que la mode a toujours été sur des rythmes très cadencés, plus que les autres et c’est vrai qu’elle vient influencer plusieurs autres domaines, notamment la joaillerie.

Après, nous nous inscrivons dans le temps, donc en cela c’est un peu différent. Tous les domaines influencés par la mode gardent tout de même leurs valeurs, mais c’est un domaine ou tout s’accélère et qui est très très créatif.

TM: Comment expliquez le succès de la maison Repossi et notamment de la collection iconique, Berbère ?

BC: La collection Berbère comme la collection « Serti sur Vide » et « Antifer » qui sont nos 3 collections principales, reposent sur des bijoux assez simples esthétiquement mais qui renvoient une espèce de valeur esthétique portée extrêmement forte car elles résument tout ce que nous avons dit depuis le début, c’est-à-dire un craftsmanship important, un style architectural, une beauté au porté et une qualité irréprochable. C’est la somme de tout cela qui fait notre succès. Dès le dessin, nous voyons que nous avons à faire à un bijou fort, très épuré, graphique. La collection « Serti sur Vide » est un véritable phénomène. Elle est partie d’une bague de joaillerie assez simple comme le solitaire, qui existe depuis la nuit des temps, il me semble que cela remonte aux Égyptiens il y a plus de 5000 ans avant Jésus-Christ, qui a su se réinventer en mettant le bijou entre les doigts, le voyant flotter sur la main. C’est fantastique de réinventer la joaillerie en faisant quelque chose de simple et ne pas sur-compliquer les choses, cette façon d’être parle aux femmes d’aujourd’hui. Et il y a aussi le « Stackable », c’est ce que j’aime dans la collection Berbère, vous avez 3 bagues en 1. Grâce à cette collection, vous ne pouvez acquérir qu’un objet pour faire du stackable plutôt que d’en acheter 3 ou 4, ce qui fait de nos bijoux finalement d’excellents rapports qualité-prix !

TM: Quelle est la philosophie des campagnes de communication Repossi ?

BC: Nous avons intégré certains codes de la mode en communication en collaborant avec des photographes de mode. Les premières campagnes avec David Sims ont marqué les esprits car elles étaient assez innovantes. À l’époque, il y avait uniquement des packshots-produits qui étaient mis en avant, et cette campagne a amené « l’Incarnation », très importante pour nous, mais aussi le décalage dans les looks. C’est aussi la force de Gaia, cette capacité à donner les bonnes impulsions créatives pour créer des campagnes uniques.

TM: Comment expliquez le succès de la maison Repossi et notamment de la collection iconique, Berbère ?

 

BC: La collection Berbère comme la collection « Serti sur Vide » et « Antifer » qui sont nos 3 collections principales, reposent sur des bijoux assez simples esthétiquement mais qui renvoient une espèce de valeur esthétique portée extrêmement forte car elles résument tout ce que nous avons dit depuis le début, c’est-à-dire un craftsmanship important, un style architectural, une beauté au porté et une qualité irréprochable. C’est la somme de tout cela qui fait notre succès. Dès le dessin, nous voyons que nous avons à faire à un bijou fort, très épuré, graphique. La collection « Serti sur Vide » est un véritable phénomène. Elle est partie d’une bague de joaillerie assez simple comme le solitaire, qui existe depuis la nuit des temps, il me semble que cela remonte aux Égyptiens il y a plus de 5000 ans avant Jésus-Christ, qui a su se réinventer en mettant le bijou entre les doigts, le voyant flotter sur la main. C’est fantastique de réinventer la joaillerie en faisant quelque chose de simple et ne pas sur-compliquer les choses, cette façon d’être parle aux femmes d’aujourd’hui. Et il y a aussi le « Stackable », c’est ce que j’aime dans la collection Berbère, c’est que dans une bague vous avez trois bagues. Grâce à cette collection, vous ne pouvez acquérir qu’un objet pour faire du Stackable plutôt que d’en acheter 3 ou 4, ce qui fait de nos bijoux finalement d’excellents rapports qualité-prix !

TM: Repossi et le digital, c’est un chantier intéressant, que voulez vous dire sur le digital ?

BC: Pour l’instant nous avons un message assurément produit, qui est l’incarnation  l’épure de nos pièces… plus que dans nos campagnes de communication par exemple.  À la question de savoir si nous traduisons bien nos valeurs sur le digital, nous y travaillons !  La situation actuelle nous convient pour le moment, mais je pense que nous amorcerons des changements dans le futur mais rien de radical, des évolutions très ciblées.

TM: Pourquoi avoir amorcé ce rapprochement avec le groupe LVMH ?

BC: Personnellement, je suis arrivé après l’arrivée de LVMH et je ne peux pas me prononcer pour eux. Rappelons par ailleurs, qu’il ne s’agit pas d’une prise de contrôle mais d’une participation. Je crois que le groupe LVMH soutient énormément les créateurs. Pour nous, être adossés au plus grand groupe mondial de luxe, c’est une vraie chance. Ce groupe a le courage d’investir dans des marques plus petites parce qu’il croit aux créateurs et qu’il croit à l’essor de la création. Nous profitons de leur soutien et de leur savoir-faire qui est important pour nous. C’est un accord important pour nous d’autant plus que même à leur échelle, nous partagions les mêmes valeurs, celles de la créativité, d’indépendance de marque et d’héritage fort.

 

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