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Interview Avec Paul Spires, Directeur Commercial D’Aston Martin Works, Au Salon Rétromobile Paris 2019

Francesco Maio : Bonjour Paul Spires, merci beaucoup de nous accorder votre temps aujourd’hui. Aston Martin est une marque très prestigieuse. Tout d’abord, est-ce difficile de trouver des spécialistes pour travailler sur vos voitures ?

Paul Spires : C’est une question très intéressante. L’une de mes priorités a toujours été d’apporter de la jeunesse à notre société, j’ai cherché à travailler avec des personnes jeunes et qualifiées. La plupart des personnes avec qui nous travaillons ont leur père ou leur grand-père qui travaillaient déjà pour Aston Martin avant eux. Nous commençons à avoir de plus en plus de jeunes personnes avec nous, car elles ont perçu la longévité de notre marque. Il commence à y avoir une sorte de transition entre l’ancienne génération et la nouvelle, ce qui est très intéressant à voir. Les gens commencent à se rendre compte que l’héritage d’Aston Martin, pendant très longtemps perçu comme une sorte de club, est très important dans l’industrie automobile. Aujourd’hui nous avons un réel avenir, nous sommes beaucoup plus visibles.

 F.M : Avec combien de personnes travaillez-vous aujourd’hui ?

P.S : Nous étions 67 il y a 5 ans, et aujourd’hui nous sommes 125. Nous avons voulu amener une nouvelle génération à notre entreprise, mais aussi augmenter notre capacité de production.

F.M : Comment définiriez-vous l’héritage d’Aston Martin Works ?

P.S : Notre héritage englobe toutes les voitures anciennes jusqu’à la Vanquish S. Nous n’incluons pas dans cette liste nos modèles V8 Vantage et DB9 produits à Gaydon.
Cela représente seulement 13 000 voitures Aston Martin dans le monde. Ce n’est pas beaucoup comparé à Ferrari, Jaguar ou Maserati par exemple. Nos voitures sont très visibles et recherchées mais en fait elles sont assez rares. Environ 85% de ces 13 000 voitures sont encore en circulation aujourd’hui. Et nous en recevons environ 2000 par an pour des révisions.

F.M : Pour quelles raisons ces voitures arriveraient chez vous pour révision ?

P.S : Ça pourrait être pour n’importe quoi. Pour beaucoup de nos clients, posséder une Aston Martin est comme avoir un chien dans la famille. Ils veulent l’amener au meilleur vétérinaire. Si vous possédez une Aston Martin, vous voulez une révision correcte. Dans la plupart des cas, les personnes que nous recevons ont eu leur voiture par leurs parents ou grands-parents, elle reste dans la famille pendant des générations et elle revient toujours chez nous pour ses révisions.
Nous proposons aujourd’hui un nouveau service qui permet au détenteur d’une Aston Martin de venir nous la remettre, et nous nous chargeons de lui trouver une nouvelle famille adoptive. Parfois les deux familles gardent même contact. Nos clients sont très attachés à nos voitures.

F.M : Je pense que vous êtes les seuls constructeurs automobiles à proposer cela.

P.S : Beaucoup d’autres marques regardent ce que nous faisons et nous suivent ensuite, c’est pourquoi elles ont pour projet de proposer ce service également. Parfois ces marques viennent même nous voir pour nous poser des questions, et nous sommes heureux de pouvoir partager avec d’autres constructeurs automobiles.

F.M : Vous vous lancez dans les conversions électriques, est-ce quelque chose que vous souhaitez développer dans le futur ?

P.S : Oui, personnellement c’est quelque chose qui me passionne. C’est une idée qui nous est venue il y a quelques années. Nous avons un véhicule concept qui a été présenté à Monaco. C’est une expérience incroyable de pouvoir conduire une voiture ancienne en toute confiance et qui respecte l’environnement. L’idée est de pouvoir conduire ces voitures partout, même dans les centres-villes où les voitures polluantes ne sont maintenant plus autorisées. Nous ne voulons pas que nos voitures ne soient plus autorisées à rouler et qu’elles finissent leur vie dans un musée ou au fond d’un garage, ce serait terrible.

F.M : Quel est le coût d’une telle conversion électrique ?

P.S : Pour le moment tout cela n’est qu’un concept. Beaucoup de dirigeants d’entreprises de technologie sont intéressés par ce projet, et beaucoup de personnes veulent montrer au monde entier qu’ils sont conscients des problèmes écologiques auxquels nous faisons face, et qu’ils prennent leur responsabilité très au sérieux. De grands collectionneurs viennent nous voir avec des DB4 et des DB5 et nous demandent s’il est possible de les convertir, malheureusement nous ne pouvons pas encore le faire.
Il y a deux ans lorsque nous parlions de cette idée avec nos ingénieurs, ils nous disaient que ce serait très compliqué à mettre en place, aujourd’hui ils sont partants pour le faire et veulent même ajouter quelques améliorations. La technologie évolue à une vitesse phénoménale, et c’est fascinant à voir.

F.M : Pensez-vous être en mesure de proposer ce service d’ici la fin de l’année ?

P.S : Oui, nous pensons lancer ce projet dans l’année, et nous devons nous occuper de sa commercialisation. Nous pourrions le faire maintenant pour 4 ou 5 voitures, mais le prix serait vraiment très élevé. Si nous arrivons à le développer pour 12 voitures par an, le prix serait plus correct. Nous souhaiterions pouvoir convertir une voiture par mois, ce qui est un délai assez raisonnable.

F.M : Avez-vous en tête l’exemple d’une voiture spéciale que vous avez restaurée ?

P.S : Nous avons reçu une DB4 Cabriolet très spéciale. Elle venait d’un collectionneur qui l’avait depuis un moment déjà, et il n’était pas sûr de vouloir la restaurer ou la vendre. Quand je l’ai regardée, j’ai remarqué que c’était une DB4 GT Cabriolet, ce qui est très rare. Cette voiture a été en quelque sorte perdue, elle est passée de propriétaires en propriétaires et ils ne savaient même pas qu’elle était si spéciale. Donc j’ai raconté cela à ce collectionneur et lui ai dit que nous serions très heureux de pouvoir la restaurer. Elle sera prête en milieu d’année prochaine. Il faut 4 500 heures de travail pur restaurer ces voitures, et cela coûte 486 000 euros sans les taxes. D’autres constructeurs automobiles vous diront que le prix dépend de la valeur de la voiture, mais chez nous c’est un prix fixe car peu importe le modèle, le processus de restauration est le même.

F.M : Est-ce qu’il y a des modèles que vous ne pouvez pas restaurer ?

P.S : Nous avons toujours accepté toutes les voitures qui nous ont été amenées. Tout ce qui vient de chez nous peut être restauré, même si ça peut prendre du temps. Je pense que c’est une très bonne chose qu’on ait un service où l’on peut apporter n’importe quelle Aston Martin. Certains modèles demandent plus d’heures de travail, mais nous le faisons quand même. C’est la satisfaction du client avant tout.

F.M : À propos de modèles, quel est celui que vous avez le plus restauré jusqu’à présent ?

P.S : Nous restaurons beaucoup de modèles DB5 car c’est une voiture emblématique de notre marque, et beaucoup de nos clients souhaitent l’ajouter à leur collection. Il existe environ 1 000 DB5 dans le monde, elles sont assez rares.

F.M : Est-ce difficile pour vous de vous procurer les pièces détachées pour restaurer vos voitures ?

P.S : Pas du tout. Nous avons un centre où nous gardons les pièces détachées de la plupart de nos voitures, donc nous y avons accès facilement.

F.M : D’où viennent vos clients ?

P.S : Ils viennent de partout dans le monde. Nos voitures anciennes étaient quelque chose de très européen et nord-américain, mais elles se développent maintenant dans le monde entier. Nous sommes une entreprise internationale, nous sommes comme l’araignée au milieu de sa toile. Nous pouvons récupérer une voiture en Allemagne et la revendre au Japon. Nous nous soucions de la longévité de nos voitures. Notre objectif est que nos clients veuillent acheter une Aston Martin et rien d’autre. Cela doit être un achat réfléchi, mais aussi un coup de cœur.

F.M : Vous n’avez pas beaucoup de demande en Inde ou en Chine par exemple ?

P.S : On ne peut pas vendre ces voitures en Chine pour le moment, ce n’est pas légal. Elles peuvent être exposées dans des musées, mais on ne peut pas rouler avec. Mais je pense que cela va changer dans le futur et que la Chine va absorber le marché.

F.M : Quels sont vos projets pour le futur ?

P.S : Nous allons lancer une nouvelle série de dix-neuf DB4 GT Zagato. Par la suite, nous souhaitons notamment développer notre assistance dans le monde.

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